La Scena Musicale

Wednesday, April 9, 2008

Richard Wagner : Tristan und Isolde

« Simulcast » du Metropolitan Opera House de New York
Le samedi 22 mars 2008, à 12 h 30
Distribution (en ordre d'apparition vocale) : Matthew Plenk (matelot), Deborah Voigt (Isolde), Michelle DeYoung (Brangäne), Eike Wilm Schultze (Kurwenal), Robert Dean Smith (Tristan), Stephen Gaertner (Melot), Matti Salminen (roi Marc), Mark Schonwalter (un berger), James Courtney (un timonier)
Production et mise en scène : Dieter Dorn
Décors et costumes : Jürgen Rose
Éclairages : Max Keller
Chœurs et Orchestre du Metropolitan Opera House de New York dirigés par James Levine

On se souviendra longtemps des déboires qu’a connus la reprise de la production Dieter Dorn de Tristan und Isolde au Met, en 2008. Les malheurs ont commencé avant même la première représentation, lorsque Ben Heppner, qui partageait l’affiche avec Deborah Voigt, annonça son retrait pour cause de maladie. Il fut remplacé au pied levé par son compatriote, le Canadien John Mac Master qui, toutefois, ne devait monter sur scène que pour être frappé d’aphonie et se voir contraint de s’en retirer, sous les huées, après seulement deux soirées. (M. Mac Master est un excellent chanteur qui ne mérite pas une telle ignominie. Espérons qu’il s’en remettra.) Puis vint l’Américain Gary Lehman, dont tout le monde reconnaît qu’il s’est magnifiquement acquitté de sa tâche, non toutefois sans un accident spectaculaire qui aurait pu mal tourner et, surtout, le ridicule de voir sa diva lui tourner le dos et le planter là, en plein duo d’amour. Le pauvre homme, que l’on avait apparemment négligé d’informer que Mme Voigt était souffrante et risquait de ne pas terminer la soirée, était tellement ahuri qu’il continua de chanter sa partie tant que joua l’orchestre, et ce même après qu’on eût baissé le rideau...

C’était le vendredi 14 mars. Huit jours plus tard, le 22, dans la matinée du simulcast, Mme Voigt avait apparemment repris du mieux, assez en tout cas pour affronter son quatrième Tristan. Pour l’occasion, la direction du Met avait jeté son dévolu non sur M. Lehman, mais sur Robert Dean Smith, un autre Américain, un jeune Heldentenor très apprécié en Europe, mais que la maison new-yorkaise avait plus ou moins boudé jusque-là.

Il n’a pas déçu. En dehors d’un physique d’employé de la voirie, « Bob Smith » est doté d’une jolie voix, aussi robuste et puissante que fraîche et jeune, et pas du tout « barytonisante ». Cette voix, après en avoir fait un étalage au premier acte, il a eu l’intelligence de la ménager au deuxième acte, ce qui lui a assuré un triomphe dans son monologue du troisième, alors qu’il réussissait à faire ressortir de grandes beautés de long passage qui, en salle, ne font d’ordinaire que distiller le plus mortel ennui.

Mme Voigt a fait à peu près la même chose, mais avec des résultats inverses. Elle était au meilleur de sa forme au premier acte, et puis a eu l’air de se contenir au deuxième. En réalité il s’agissait davantage d’une retraite imposée à l’artiste par la fatigue et le déclin de ses moyens vocaux que d’un véritable repli stratégique. On a malheureusement pu le constater à la toute fin, lorsqu’elle s’est montrée incapable d’atteindre aux sommets du Liebestod.

On a donc eu droit cet après-midi à un Tristan assez différent de ce qu’on entend d’habitude, quand il s’agit surtout de tirer le meilleur parti de la fin du premier acte et de la première partie du deuxième jusqu’au monologue du roi Marc, soit les pages les plus connues, les plus propres à recueillir les faveurs du public. Dans ce cas-ci, tout s’est passé comme si, face aux défis de la grande scène d’amour qui constitue les deux premiers tiers de ce deuxième acte, les deux chanteurs avaient décidé, l’une de jouer la carte de la prudence, l’autre d’économiser ses moyens pour mieux les faire valoir par la suite, l’un et l’autre comptant sur le chef et l’orchestre pour pallier leurs « réticences ». Il en a résulté une représentation de l’œuvre où l’auditoire était invité à prêter l’oreille et mieux apprécier certains moments que ce n’est le cas d’habitude. Songeons ici notamment au monologue de Tristan, mais aussi à celui de Marc, ici enlevé de main de maître par Matti Salminen, ou à l’ensemble des rôles de Brangäne et de Kurwenal, dans lesquels Michelle DeYoung et Eike Wilm Schultze ont fait une excellente impression.

La production du Met, dirigée par James Levine, est la même que celle que l’on peut voir en DVD (sous étiquette Deutsche Grammophon) et qui met en vedette Ben Heppner et Jane Eaglen. La production en question, on le sait, est loin de faire l’unanimité. Il m’a toujours semblé pour ma part que, à la différence d’autres réalisations de l’œuvre, celle-ci a l’immense mérite d’introduire non seulement de la couleur, mais aussi du mouvement, voire de l’action, dans la plus scéniquement statique des grandes partitions wagnériennes. Hélas, l’auditeur qui ne connaîtrait cette production que par le simulcast qu’on en a fait n’aurait qu’une faible idée de ses qualités, car, ce jour-là, la direction du Met a commis l’erreur de jugement de permettre à son équipe de H(aute)D(éfinition) de capter et de diffuser la représentation sur une multitude d’écrans, jusqu’à une demi-douzaine ! L’artifice technique en question aurait pu contribuer quelque chose de positif à notre expérience artistique s’il avait été utilisé avec intelligence et parcimonie. Au lieu de cela, on a choisi de transformer le simulcast tout entier en une démonstration des diverses prouesses techniques de l’équipement utilisé, dont la capacité de réduire l’image de la scène à un format de « carte postale » dans lequel les décors et les chanteurs apparaissent comme encore plus minuscules que lorsqu’on les voit du fond du poulailler. Très bien, mais à quoi bon?

Quelques jours après ce désastre médiatique, la direction du Met a annoncé qu’elle n’avait pas l’intention de répéter l’expérience au cours de la présente saison. Le public lui en sera certainement reconnaissant.

En attendant, les simulcasts du Met continuent de faire fureur et l’exemple s’étend maintenant à plusieurs maisons européennes, dont la Scala de Milan.

-Pierre Marc Bellemare

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Monday, April 7, 2008

Wagner: Tristan und Isolde

Nina Stemme, Robert Gambill, Katarina Karnéus, Bo Skovhus, René Pape, The Glyndebourne Chorus, London Philharmonic Orchestra/Jiřỉ Bělohlávek
Stage Director: Nikolaus Lenhoff
Video Director: Thomas Grimm
Opus Arte OA 0988 D (3 DVD : 238 min)
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Do you believe in magic? Can you venture into alchemy beyond the irrational idea that an herbal concoction can unleash suppressed emotions to entwine lovers in a deadly destiny? Are you ready for an enchanting illustration of the Schopenhauerian philosophy of, “Die to live,” as presented in the most extreme example of the musical language of Richard Wagner? If inclined to the affirmative on these points then you will absolutely need to have this DVD set of the August 2007 production of Tristan und Isolde from the Glyndebourne Festival. It is nothing less than a collective act of sorcery delivering a definitive performance and a paradigm of the divine craft exposing opera as the ultimate art.

Wagner on DVD has been arriving in waves. Just over a year ago, we were inundated with rival versions of Lohengrin and Tannhäuser. Late in 2007, DG released a 1983 Bayreuth production of Tristan und Isolde (00440 073 4321). Conducted by Daniel Barenboim, it set a new and elevated benchmark for the work. The Glyndebourne set eclipses all that preceded it - even taking into account the brilliant staging and design of Jean-Pierre Ponnelle in Bayreuth.

The wizard-in-chief for this mighty achievement is Nikolaus Lenhoff. He employs a single set to represent shipboard, courtyard and castle in succeeding acts. The scenery consists of an enormous, stepped vertical vortex (designer Roland Aeschlimann refers to it as, “A spiral nebula.”). Lenhoff dresses the stage in light for dramatic effect and in symbiosis with the music. The LPO is in razor-sharp form and Jiřỉ Bělohlávek establishes his Wagnerian credentials in the prelude. He proceeds through the score, which stretches tonality to the limit, with consummate skill. Hearing the orchestra at work makes one realize that only Wagner, musical genius and internationally recognized expert in blatant desire and the exploitation of human weakness could have created this opera. His conception of internalized drama and intimacy verging on eroticism generates a force to penetrate the subconscious when performed as well as it is here.

Tristan is a difficult opera to cast and Glyndebourne has been fortunate here. The American tenor, Robert Gambill studied for years in Germany and has decades of stage experience. With a fully developed heldentenor voice, his time has come to portray Tristan. Nina Stemme and Katarina Karnéus are sopranos from Sweden who take on the respective roles of Isolde and Brangäne with rare distinction. The ever-reliable darker voices of Bo Skovhus (Kurwenal) and René Pape (King Marke) complete the idiomatic circle of principal players. Exceptional though the vocals are the acting in such a high compression chamber is just as important. This is also a tribute to the stage direction but each of these artists has the gift of presence to bring the characters to life in front of us. Lenhoff’s wise decision to use traditional costumes contributes to defining the roles as well as providing a contrast with the abstract set.

This performance dispenses stage magic in generous proportion and enthralls throughout. It can be confidently recommended as a first choice for the work on DVD. Its surpassing quality would also make it a suitable entry point for collectors new to Wagner. The set runs to three discs but includes two hours of useful extra features including a fine documentary by Reiner E. Moritz entitled, Can I Hear the Light?.

Please let us have more Wagner from Glyndebourne!

Nina Stemme at Large: Nina Stemme can be heard opposite Plácido Domingo in the EMI audio recording of Tristan und Isolde. She is also on view as another, and more vulnerable eponymous heroine in a Barcelona production of Leoš Janáček’s Jenůfa (TDK DVWW-OPJENU). It is a stunning production and Stemme strikes sparks with her stage adversary played by Eva Marton. The drama is so intense that both shed tears on the platform. Watch this DVD and you will begin to understand why Janáćek is the most widely performed of all modern opera composers.

-Stephen Habington

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