La Scena Musicale

Thursday, December 11, 2008

Schubert : Piano Sonata in A, D.959 / 6 Moments musicaux

Martin Helmchen, piano
Pentatone classics PTC 5186 329 (67 min 18 s)
**** $$$$
Lauréat du concours Clara Haskil en 2001, Martin Helmchen possède une technique à la fois impeccable et discrète, dont une certaine sécheresse semble être le revers. Son interprétation de la grande Sonate en la de Schubert en souffre. L’exécution obéit au métronome, sans cultiver les moments où la suspension du temps est l’enjeu de la pulsation rythmique. Le pianiste, même s'il le fait avec intelligence et goût, opte pour une interprétation objective – les notes d’abord - particulièrement dommageable dans le deuxième mouvement; le cataclysme central tient ici de la prouesse au lieu d’évoquer une plongée dans les abîmes. En revanche, les fausses miniatures que sont les Moments musicaux surprennent agréablement, à l’exception peut-être du dernier, trop évasif. Le pianiste respire ici plus largement et prend son temps; il aménage les épisodes centraux en rêverie qu’on souhaiterait sans fin, à l’image des « divines longueurs » toujours bien calculées de Schubert.

- Alexandre Lazaridès

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Tuesday, December 9, 2008

Der Tod und das Mädchen

Jerusalem Quartet (Alexander Pavlovsky, Sergei Bresler, violin; Amichai Grosz, viola; Kyril Zlotnikov, cello)
Harmonia mundi HMU901990 (51 min 55 s)
*****
The Jerusalem Quartet has revived two Schubert classics, the String Quartet No. 12 in C minor, D. 703, “Quartettsatz” and String Quartet No. 14 in D minor, D. 810, “Der Tod und das Madchen” (“Death and the Maiden”). Now standard string quartet repertoire, “das Mädchen” was adapted from the piano portion of an 1817 lied of the same name. “Quartettsatz” was written in 1820 as the first movement to Schubert’s unfinished Twelfth String Quartet. The Quartet approaches both pieces with vigor, making this performance one of the quickest recorded: 8 min 57 s. While the speed never diminishes, the action eventually cools in the dreamy pianissimo section, then builds to close the piece with intensity. The opening to “das Mädchen” provides the sweetest moment of the album. Kyril’s Zlotnikov’s cello makes a strong spine for the viola and violins. He performs the bass rhythm with bold, lyrical bowing, driving the entire movement with strong technique.

- Andrew Buziak

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Monday, October 13, 2008

Schubert : Sehnsucht

Matthias Goerne, baryton; Elisabeth Leonskaja, piano
Harmonia Mundi HMC901988 (65 min 05 s)
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Le titre de ce premier volume d’une éventuelle « Édition Schubert de Matthias Goerne » (Sehnsucht ou « Désir », emprunté à un lied composé sur un texte de Schiller) semble annoncer une anthologie thématique. Goerne a enregistré Schubert chez d’autres éditeurs, dont un Winterreise où s'est révélée une perception assez singulière de l’univers schubertien (Hyperion, 1997). La voix n’y est pas « belle », mais le baryton allemand en use avec une habileté et une sensibilité très fines rappelant spontanément Fischer-Dieskau, l'un de ses maîtres à chanter. Plus de dix ans après, la voix s’est assombrie, et Goerne la manie avec un art encore plus subtil. Quinze lieder écrits entre 1814 et 1828 sur des textes de Mayrhofer, von Leitner, Schiller et Goethe - de « An Emma » D.113 au long et magnifique « Der Winterabend » D. 938 – évoquent ici une quête d’absolu en des tableaux qui deviennent méditation sur la nature et la destinée humaine. Dès la première minute, on est conquis, dans le monde idéal entrevu, ailleurs. La grande Leonskaja est une partenaire idéale.

- Alexandre Lazaridès

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Monday, April 21, 2008

Schubert : Drei Klavierstücke / Rachmaninov : Neuf Études-Tableaux, op. 39

Alain Lefèvre, piano
Analekta AN 2 9278 (75 min 2 s)
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Alain Lefèvre habite avec intensité le redoutable opus 39 de Rachmaninov, trois quarts d’heure d’émotion communicative. Il manque cependant des couleurs et des ailes à son interprétation. Le pianiste a voulu, dit-il, privilégier l’aspect « tableaux » plutôt que le côté « études » de ces compositions, mais il y fait régner une atmosphère trop uniment sombre pour rendre la variété des climats, l’« histoire » que raconte chacune de ces neuf pièces. La pâte sonore dégagée à fond de clavier, sans tricherie, ne libère pas les divers plans où s’entrecroisent chant, contre-chant et accompagnement, tandis que les tempos, plutôt lents, ne maintiennent pas toujours l’intérêt, en particulier dans les numéros cinq et sept. Un peu plus d’allant et de pianisme ludique aurait été tout à fait approprié ici ! Les magnifiques Trois Pièces posthumes D. 496 de Schubert souffrent de la même pesanteur à la fois émotive et digitale et en deviennent brahmsiennes avant la lettre. L’omission de l’épisode andante dans le premier morceau est regrettable : il contribue à équilibrer la véhémence du thème principal, même si Schubert l’a biffé sur le manuscrit.

-Alexandre Lazaridès

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Wednesday, January 23, 2008

Franz Schubert : Die Winterreise (version de chambre de Normand Forget)

Pentaèdre, Christoph Prégardien, ténor et Joseph Petric, accordéon
ATMA classique
ACD2 2546
*****
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On considère souvent Die Winterreise comme étant la quintessence du cycle de lieder; une quantité innombrable de ténors et de barytons ont gravé leur interprétation, notamment Dieter Fischer-Dieskau, Peter Pears et, plus récemment, Ian Bostridge.

Le Voyage d'hiver est une des dernières oeuvres de Schubert. Écrite en 1827 au moment où il sent avec désespoir sa santé décliner, le compositeur y exprime ses plus sombres pensées sur l'amour impossible et la fatalité de la mort. La lecture d'un recueil de poèmes de son contemporain Wilhelm Müller l'interpelle profondément. Müller y raconte, en 24 tableaux, l'histoire d'un jeune homme qui, abandonné à la suite d'un échec amoureux, se lance dans un voyage sans retour à travers la campagne gelée. Schubert venait de trouver un souffle avec lequel il pourrait sublimer ses pensées lugubres et atteindre de nouveaux niveaux d'émotion, de profondeur.

La présente version, pour voix d'homme accompagnée d'un quintette à vents et d'un accordéon, est exceptionnelle à tous points de vue. Normand Forget, le hautboïste de Pentaèdre, a préparé un arrangement raffiné qui non seulement remplace la partie de piano originale, mais la pousse plus loin en colorant les atmosphères. La partition fait appel à des instruments secondaires (piccolo, hautbois d'amour, clarinette basse, etc.). Le quintette se transforme même en choeur sans paroles pour un des lieder ! Notons que Forget a gardé l'ordre initial des poèmes et non celui du cycle de Schubert.

Avec cet enregistrement, le ténor allemand Christoph Prégardien confirme sa place parmi les grands chanteurs de lieder actuels; sa voix, dont on ne perd pas un seul mot, est tour à tour plaintive, puissante et rêveuse, toujours ronde et contrôlée à l'aigu comme au grave. L'inspiration est continue et la complicité avec Pentaèdre, palpable. Le quintette à vents, complété du formidable accordéon de Joseph Petric, produit un accompagnement d'une extrême beauté.

Pentaèdre, un peu à la manière du Kronos Quartet, réussit à se renouveler constamment; la formation transcende le genre du quintette à vents. Avec quel nouveau projet va-t-il nous surprendre ?

-Louis-Pierre Bergeron

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