La Scena Musicale

Wednesday, February 6, 2008

David Greilsammer : fantaisie_fantasme

Naïve V 5081 (76 min 36 s)

Il y a dans toute vie d’auditeur des moments que l’on n’oublie pas… La première écoute des Beethoven de Furtwängler, des Mahler de Bernstein, des Mozart de Fricsay… La première fois que l’on entend l’archet émotif de Menuhin, la pureté du phrasé d’Oïstrakh ou, au clavier, la persuasion de Pollini, la rigueur de Richter…

Hier, il y eut dans ma jeune « carrière » d’auditrice et de critique musical la découverte de David Greilsammer. Je n’oublierai jamais cette première impression absolument hallucinante à l’écoute du jeu de ce pianiste israélien : mélange de force, de conviction, de douceur et de chaleur. Ce pianiste est un magicien; il sait user de tous les sentiments, de toutes les couleurs et de toutes les nuances de son piano, pour fournir un jeu quasi hypnotique. Hypnotique, tant il est difficile de se résoudre à cesser l’écoute de ce remarquable album – au contraire, on est tenté de ne jamais arrêter le « fantasme » des plages magnifiquement interprétées par Greilsammer.

Certes, de prime abord, le choix des pièces peut déconcerter : de Bach à Cage en passant par Mozart, Schoenberg et Ligeti… Mais il n’en est rien. Car en plus d’être un interprète exceptionnel, techniquement parlant, David Greilsammer est un véritable artiste, au sens où il ne souffre pas de la comparaison avec les « grands » du passé. Chose rare dans le monde des pianistes d’aujourd’hui, il a trouvé une vraie individualité et des choix musicaux qu’il défend avec passion et conviction. Une clarté dans l’articulation, une sincérité de l’intonation et du touché : c’est ce talent hors norme qui lui donne la possibilité d’explorer toutes les libertés, non pour le plaisir de déranger les convenances, mais dans un vrai projet rationnel et musicalement novateur. À l’aise dans tous les répertoires et dans tous les registres d’émotion, le jeune pianiste israélien nous ouvre la porte de ses fantaisies et de ses fantasmes.

Avec pour toile de fond et départ de ce voyage onirique la Fantaisie en do mineur KV 475 de Mozart, les œuvres les plus diverses se lient harmonieusement : on retiendra une superbe interprétation toute en touché et en nuances de la Sonate 1.X.1905 de Janácek, et Greilsammer excelle dans un Brahms douloureux et tragique, puissant. Ardent défenseur de la musique du XXe siècle, le jeune pianiste, nominé aux Victoires de la Musique françaises, s’amuse dans la Sonate de Cage, où les boulons et le caoutchouc sonnent dans son Steinway comme une invocation à la « différence ». Bach le fondateur ouvre et clôt ce rêve, où l’on appréciera également la fraîcheur et le dynamisme jazzé des œuvres du compositeur américain Jonathan Keren.

David Greilsammer, déjà salué pour son premier album consacré aux Concertos de jeunesse de Mozart, s’impose avec fantaisie_fantasme comme un interprète « différent » : intense, passionné, généreux, il nous entraîne, loin des sentiers battus, dans une expérience hors norme et unique. Finalement, avec son jeu si personnel et si passionnant, le suivre dans son rêve et dans sa fantaisie est plus qu’un simple voyage figuré, auquel on ne songerait qu’à l’écoute rationnelle de l’album. C’est plutôt une vraie proposition artistique novatrice qui, à n’en pas douter, mènera David Greilsammer vers des réalisations exceptionnelles. Et nous l’y suivrons…

-Audrey Roncigli
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