Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 9, No. 1

Entretien avec Line Beauchamp, ministre de la Culture et des Communications du Québec

Par Réjean Beaucage / 3 septembre 2003

English Version...


L'élection d'un gouvernement libéral au Québec le 14 avril dernier, a amené certains représentants du milieu artistique québécois à craindre des changements importants dans les budgets alloués à la culture. Au lendemain du dépôt du budget par le ministre des Finances, le 12 juin dernier, Bruno Roy, porte-parole du Mouvement pour les arts et les lettres (MAL), dont Stéphane Baillargeon rapportait les propos dans Le Devoir, parlait d'un « recul historique » considérant la somme allouée au ministère de la Culture et des Communications qui, à 502 millions de dollars, représentait moins de 1 % du budget total de l'État, évalué à 53 milliards de dollars. La ministre Line Beauchamp répondait dans le journal du lendemain « qu'un peu plus de 1 % des dépenses de programmes inscrites au budget sont destinées à la culture ». La Scena Musicale a cru important en ce début de saison de rencontrer la ministre afin de faire le suivi sur quelques-uns des importants dossiers qui relèvent de son ministère, parmi lesquels celui de la nouvelle salle de l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM) et celui du financement des grands festivals. Nous avons également voulu mieux connaître la ministre et les lecteurs seront sans doute intéressés d'apprendre qu'il s'agit de quelqu'un qui, comme on dit, « connaît la musique ». Nous vous livrons donc ici ses réponses à quelques-unes de nos questions. Des réponses qui devraient se traduire en gestes dans les mois à venir.

La parole est à la députée de Bourassa-Sauvé, ministre de la Culture et des Communications, madame Line Beauchamp.

Le violon

« J'ai grandi dans une famille de classe moyenne et nous avions la chance d'avoir un piano sur lequel mes deux sœurs aînées répétaient leurs leçons, alors on peut dire que j'ai grandi au son de la musique classique. C'est d'ailleurs par l'une de mes soeurs, qui avait eu un violon en cadeau, que s'est fait le contact avec l'instrument. J'ai appris le violon à Valleyfield avec les Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie qui étaient affiliées à l'école Vincent-d'Indy de Montréal. J'ai fait six ans de violon et deux ans d'alto. Les sœurs commençaient à l'époque à offrir le violon et, la première année, nous étions deux jeunes filles à apprendre l'instrument. Je serai bien honnête : si j'ai enseigné par la suite, de 16 à 21 ans, c'est surtout parce que les sœurs espéraient nous voir passer assez rapidement du côté des professeurs afin d'en grossir les rangs. Ce sont les leçons hebdomadaires des vendredis et samedis qui m'ont permis de payer mes études universitaires. Je ne voudrais cependant pas être considérée comme une professionnelle du violon ou de son enseignement ! Ça me gêne un peu devant des gens dont c'est la profession d'enseigner... De plus, j'ai une sœur qui est pianiste et qui, elle, enseigne et est une véritable musicienne, ce que, bien humblement, je ne crois pas avoir été. Par ailleurs, je suis allée récemment dans une fête d'enfants et j'ai emprunté le violon d'une jeune fille, un petit violon trois-quarts, et je peux affirmer que, contrairement à ce que l'on dit de la bicyclette, ça se perd lorsque l'on cesse de pratiquer ! Ce que j'en ai retenu surtout, c'est cette fantastique impression d'être "dans sa bulle" lorsque l'on répète. Les gens ne réalisent pas toujours à quel point les musiciens doivent répéter, continuellement remettre l'ouvrage sur le métier et reprendre sans cesse les mêmes passages. C'est une expérience qui est très formatrice et je ne crois pas avoir vécu ailleurs cette sensation de concentration extrême mêlée à une grande sérénité. »

La Maison de l'OSM

« Il est certain que l'optique du gouvernement, c'est d'essayer, autant que faire se peut, d'éviter de grossir encore la dette du Québec. Dans ce sens-là, devant de grands projets d'infrastructure, on cherche idéalement à partager la facture en créant un partenariat avec le milieu privé. Ce n'est pas une condition sine qua non, mais on veut au moins faire l'effort pour voir si la chose est possible. Le projet de l'OSM comportait d'ailleurs cette possibilité avec un partenaire qui s'est malheureusement retiré depuis. Il faut savoir également que le maître d'œuvre de ce projet est la Société immobilière du Québec (SIQ), qui est sous la responsabilité de ma collègue Monique Jérôme-Forget, la Présidente du Conseil du trésor. C'est un dossier sur lequel nous travaillons ensemble. On souhaite évidemment réaliser le projet, mais on cherche toujours pour le moment à voir s'il serait possible d'y intéresser un partenaire privé. D'un autre côté, la maquette qui a remporté le concours d'architecture, qui a évidemment ses mérites au point de vue architectural, ne nous facilite guère la tâche pour la recherche de partenaires privés. Le jury a été séduit par l'idée de réunir en un seul bâtiment le Conservatoire de musique du Québec, la Maison de l'OSM avec sa salle de concert et des espaces de bureaux, mais le fait de regrouper indistinctement ces différents organismes dans un seul bâtiment nous complique un peu les choses. C'est pourquoi nous voulons prendre le temps de voir s'il y a un partenaire privé potentiel et nous comptons y travailler dans les semaines à venir. »

Les grands festivals

« Le principal changement dans le financement des grands festivals, c'est la disparition de la Société des événements majeurs internationaux du Québec (SEMIQ), un organisme à but non lucratif qui avait été sévèrement critiqué par la Vérificatrice générale du Québec qui avait identifié six ou sept portes d'entrée différentes donnant accès aux différentes structures de financement du gouvernement pour les festivals. De notre côté, nous avions déjà dénoncé la multiplication de ce genre d'organisme qui se voyait confier des sommes d'argent très importantes sans que les parlementaires puissent en questionner l'usage. Le budget de la SEMIQ, neuf millions de dollars, a donc été rapatrié à Tourisme Québec, qui est sous la responsabilité de ma collègue Nathalie Normandeau, ministre déléguée au Développement régional et au Tourisme et avec qui j'ai discuté de la complicité qui doit exister dans ce dossier entre son ministère et le mien à l'égard du financement des grands festivals. Parce que les événements majeurs que subventionne Tourisme Québec peuvent bien sûr être d'ordre culturel, mais ils peuvent aussi être des événements sportifs ou autres, et il ne faut pas que l'argent destiné à la culture subventionne le Grand Prix de Trois-Rivières, par exemple. Je crois que le dernier budget a bien montré que nous reconnaissons le rôle moteur, aux points de vue culturel, économique et touristique, des grands festivals. »

Le statut fiscal des artistes

« Il s'agit bien sûr d'un dossier dont je discute avec mon collègue Yves Séguin, ministre des Finances. Une première étape avait déjà produit un encadrement des relations de travail entre les artistes et les producteurs ; ces lois devront d'ailleurs être revues suite à l'évolution de la situation. Par exemple, lorsque ces lois ont été adoptées, il n'y avait pratiquement pas de multimédia, un type d'art qui est maintenant florissant. Mais nous voulons aussi examiner la question d'un filet de sécurité sociale pour les artistes, notre première considération étant d'améliorer les conditions de vie des artistes, par exemple sur le plan fiscal, par des étalements de revenus. J'ai eu le plaisir d'en discuter récemment avec le ministre des Finances et je pense que sa volonté de bouger dans ce dossier en partenariat avec le ministère de la Culture et des Communications est claire. Les travaux là-dessus commenceront bientôt. »

Des dossiers à suivre...


English Version...

(c) La Scena Musicale 2002