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La Scena Musicale - Vol. 8, No. 1

Disques Effendi : L'histoire se poursuit... Marvellous-Lee

Par Marc Chénard / 2 septembre 2002

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L'été dernier, lors du Festival International de Jazz de Montréal, les Disques Effendi lançaient leur 27e titre, Mother Tree, du saxo alto Jean-Pierre Zanella. Du même coup, cette entreprise montréalaise en pleine expansion signalait la fin d'une première étape et amorçait le passage vers une seconde, plus importante encore. Nouveau logo, nouvelles ambitions : Effendi revient à la charge avec trois nouveaux titres en rafale pour la rentrée, dont une surprise de taille.

En effet, les coproducteurs, Alain Bédard et Carole Therrien, marquent un pas important avec la sortie d'un enregistrement mettant en vedette l'un des maîtres du saxophone alto : Lee Konitz. Figure de proue du « cool jazz », ce « disciple » du pianiste Lennie Tristano ne ralentit en rien ses activités après plus de 50 ans de carrière. Vivant en Allemagne depuis une dizaine d'années déjà, ce musicien est mis à l'honneur dans un enregistrement effectué à Paris en mars dernier. Placé sous la direction du saxophoniste québécois expatrié François Théberge, un quintette sans piano formé de trompette, trombone, basse et batterie a accueilli le maestro Konitz pour quatre soirs de concerts au réputé club parisien Le Duc des Lombards, puis à une séance studio. L'équipe n'a pris que quatre heures pour produire son opus.

Comme l'indique le titre, Music of Konitz – François Théberge 5 featuring Lee (FND 028), le programme est entièrement constitué des thèmes de l'invité, soit neuf au total, qui, outre Subconscious Lee, sont peu connus. Il faut bien applaudir Théberge ici, car son désir de quitter les sentiers battus ajoute quelque chose à ce disque. Il évalue l'expérience en ces termes : « On croyait recevoir une star, on découvrait un ami qui parle désormais de nous comme de son orchestre. » Un bel éloge.

Il est évident que l'arrivée d'un personnage aussi important donne du vent dans les voiles à une maison de disque en devenir. Chez Effendi donc, l'entrée en scène de Konitz est un vrai coup de chance, non seulement à cause de sa réputation, mais aussi pour la première position qui lui a été accordée au sondage annuel des critiques de la revue Downbeat, catégorie saxo alto. « Tout le monde a été pris de court par ce résultat, remarque Alain Bédard, personne ne s'y attendait, mais ça ne peut que nous donner une visibilité accrue. » À la lumière d'un article assez élogieux sur la séance d'enregistrement, paru dans la livraison d'été de Jazzman en France, le producteur note que le mot se passe dans les médias européens, puisqu'il ne reçoit plus que des requêtes de la France, mais aussi de l'Allemagne et de l'Italie. Tout ce qu'il reste à espérer, c'est un éveil médiatique chez nous... et chez notre important voisin aussi.

Mais, au bout du compte, la musique demeure la donnée essentielle. De l'écoute, on peut facilement déduire que Konitz avait raison de se plaire parmi ses jeunes collègues : non seulement ces derniers lui laissent la part du lion des solos (à tout seigneur, tout honneur), mais, en échange, il se montre tout aussi gracieux envers ses accompagnateurs, quitte à se joindre aux ensembles. Immanquablement, la musique baigne dans un certain climat « cool ». Avec l'aplomb qu'on lui connaît, Konitz reste posé dans son jeu (ou « laid-back », comme on dit dans le jargon), toujours avec cette sonorité âcre et fragile qui, cependant, est loin de faire l'unanimité des amateurs. De toute évidence, on ne peut s'attendre à ce que ce gentleman, qui fêtera ses 75 ans le 13 octobre prochain, soit le héraut du jazz à venir, mais, inspiré par son entourage, il ne semble pourtant pas près de courber l'échine ni à passer son crépuscule au musée.

Prochains épisodes

D'ici le début d'octobre, Effendi tirera deux autres cartes de son jeu. La première est un saxophoniste ténor français, Jean-Christophe Béney; la seconde, l'altiste bien de chez nous, Christine Jensen. Dans Cassiopée (FND029), on retrouve un jeune ténor de 33 ans, bien sage, d'un lyrisme certain et doucement appuyé par une rythmique classique bien brave. Tout au long des neuf plages et quelque 68 minutes, le quartette produit un jazz de bon aloi, soit, mais en mal d'urgence ou d'aventure. On dirait que ces jeunes loups ont accepté d'emblée de ne pas aboyer trop fort : il faudra se laisser aller un peu plus la prochaine fois...

En ce qui concerne Jensen, la maison annonce la sortie de son deuxième enregistrement, A Shorter Distance (en septette et avec sa sœur Ingrid, trompettiste de renom), pour le 1er octobre. Notons aussi que cette saxphoniste a mérité un séjour d'artiste de six mois à Paris et occupe l'appartement réservé à cet effet par le Gouvernement du Québec (une première pour le monde du jazz d'ici).

Au-delà de ces sorties, rien n'est arrêté encore chez Effendi, mais les projets ne manquent pas, contrairement aux sous... Fort de sa percée dans l'Hexagone et d'une distribution dans ce pays, Effendi regarde déjà vers d'autres pays, la Belgique notamment, où se trouvent plusieurs talents mûrs pour la découverte. « L'année dernière, nous avons reçu une centaine de bandes, toutes non sollicitées, précise Alain Bédard, et il y en a une vingtaine qui sont d'intérêt, incluant quelques propositions de musiciens américains connus. Mais de là à vouloir produire les musiciens ou les bandes... », renchérit-il. Ne vendons donc pas la mèche, mais on vous tiendra au courant, c'est promis. 


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