Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 7, No. 10

Lectures d'été

1 juillet 2002

English Version...


Profitez de vos vacances et amenez dans vos bagages quelques livres consacrés à la musique classique !

Mireille BARRIÈRE : L'opéra français de Montréal : l'étonnante histoire d'un succès éphémère,
1893–1896.
Fides, Montréal, 2002,
355 p.,
29,95 $

Ce magnifique ouvrage est un livre d'histoire minutieusement documenté et, en même temps, rédigé dans un style si vivant qu'il se lit comme un roman. L'action se déroule à Montréal entre 1893 et 1896, soit tout juste avant l'avènement du cinéma. À l'origine de l'affaire, on retrouve un groupe de promoteurs locaux animés du double désir d'enrichir la vie culturelle francophone de la métropole et de faire de l'argent. Ils pensent avoir trouvé le filon : ils feront venir d'Europe des chanteurs et mettront sur pied une compagnie théâtrale spécialisée dans la production d'opéras et d'opérettes en français. L'Opéra français de Montréal est né. Les artistes arrivent et le spectacle commence -- ou plutôt il commencera dès que nos braves Français se seront rétablis du mauvais rhume qu'ils se sont empressés d'attraper à leur descente du bateau... En plus des artistes et promoteurs, participeront à l'aventure, entre autres, tous les publics (les passionnés, les curieux, les snobs, les notables, les étudiants, etc.), ces messieurs de la presse, tour à tour supporters bienveillants et recenseurs sévères (on voit que rien n'a changé... -- sauf qu'à l'époque les divas se permettaient de gifler les critiques !), et, bien sûr, le clergé, peut-être pas aussi puissant qu'on le dit, mais tout de même influent, et qui désapprouve. Il y a aussi les gens de « l'extérieur », dont ceux de Québec, où l'on va parfois en tournée, et où l'on est aussi bien reçu qu'on peut l'être quand on vient de Montréal. Et, enfin, les anglophones, qui manifestent de l'intérêt et qu'on accueille avec plaisir, surtout à partir du moment où il devient évident que le milieu francophone, à lui seul, n'a peut-être pas tous les moyens de l'entreprise.

L'aventure durera trois ans -- que trois ans, mais trois années tout de même remplies d'action et de trépidation, dont diverses crises et une série impressionnante de premières locales et canadiennes. Croyez-le ou non, mais il fut un temps, où, rue Saint-Dominique, à deux pas de l'angle Sainte-Catherine et Saint-Laurent, on donnait du Lecocq et du Planquette, mais aussi du Gounod et même du Meyerbeer, cinq ou six soirs par semaine... Un jour, il est vrai, on a dû fermer boutique, mais il en est tout de même resté quelque chose : une flamme qui, depuis, ne s'est jamais éteinte.

Madame Barrière est la première auteure à consacrer toute une monographie à ce sujet et sera sans doute la dernière, tant son travail paraît achevé. À la suite de son récit historique et des notes, bien fournies, et en plus de précieuses illustrations en noir et blanc, l'ouvrage comprend les éléments documentaires suivants : une brève chronologie des événements, une chronologie détaillée des spectacles et représentations de l'Opéra français, des statistiques sur les représentations, une discographie sélective, une liste partielle des actionnaires de la compagnie et un lexique de la langue du théâtre. Pierre Marc Bellemare

Collection « Pour la musique »





Les éditions Jean-Paul Gisserot proposent une très belle collection, dirigée par Rémy Stricker, « Pour la musique ». Ces livres d'une centaine de pages chacun proposent des biographies de compositeurs abordées sous l'angle des œuvres musicales plutôt que les habituelles anecdotes de ce type de publications. On peut lire pour le moment des biographies de Beethoven, Berlioz, Brahms, Chopin, Debussy, Gershwin, Haydn, Liszt, Mozart, Ravel, Schumann, Tchaïkovski, Verdi et Weber. Le minimum de vocabulaire spécialisé nécessaire pour apprécier les ouvrages est en annexe, où l'on retrouve également une chronologie comparée (qui inclut les œuvres d'autres compositeurs), une bibliographie, des choix d'enregistrements des œuvres maîtresses et le catalogue des principales œuvres du musicien. (Chaque volume se détaille autour de 13 $.)

 

 

Jean FASSINA.
Lettre à un jeune pianiste.

Éditions Fayard, 2000,
133 pages.
Environ 23 $.

Après une relativement brève carrière de concertiste (de 1961 à 1975), Jean Fassina s'est totalement consacré à l'enseignement, formant des pianistes de haut niveau à l'Académie de Saluzzo à Turin et donnant de nombreux cours de maître partout dans le monde. Il a regroupé dans ce livre certains préceptes qu'il désire partager. Il aborde la qualité du son (incluant la tenue au piano, la détente musculaire, l'articulation, le toucher, le poids et l'énergie), l'interprétation, le rythme, le son lui-même (l'échelle sonore, la construction de la phrase, le crescendo, l'écoute oblique, les arpèges, les accords, les traits rapides, la pédale), le style, l'acquisition de la technique (position de main, legato, staccato, transfert de poids, passage du pouce, double notes, trilles) et la très importante méthode de travail. Dans un style clair et accessible, il insiste sur l'éducation de l'oreille, qui doit servir de guide, et sur l'importance de transcender la technique pour en arriver à une meilleure interprétation. À recommander aux pianistes de tous niveaux !

Pascal QUIGNARD.
La haine de la musique.
Éditions Gallimard (Folio),
300 pages, 1998.
Environ 15 $.

Dans un registre tout autre, le romancier et essayiste Pascal Quignard, auteur de La leçon de musique, propose 10 traités sur la souffrance de la musique. L'auteur donne le ton dès le premier traité, « Les larmes de Saint-Pierre » : « Joseph Haydn a noté, dans ses petits journaux-carnets de compte qu'il emportait toujours dans ses voyages, qu'il cherchait à apaiser une vieille souffrance sonore. » Dans un langage très recherché qui marie grec ancien, latin, textes sacrés et autres essais philosophiques, Quignard nous dépeint la musique sous un jour nouveau, certes déstabilisant, mais profondément humanisant. Pour accompagner vos périodes de remise en question...

Œuvres romanesques

Vous voudrez lire d'un trait la plaquette Novecento, pianiste de l'italien Alessandro Baricco, dans la collection des plus abordables (moins de 5 $) des Mille et une nuits. Ce court texte, un monologue d'une intensité toute lyrique, décrit les grands moments du pianiste Novecento (traduction italienne de 1900, son année de naissance), qui a vécu toute sa vie dans la cale d'un grand bateau luxueux. Dépaysement garanti !

Dans la même collection, publié en 2001, mentionnons également La musique adoucit les meurtres (Face A et Face B, deux volumes) de l'écrivain et musicien Noël Balen, une série de nouvelles décapantes qui redéfinissent les liens entre musique classique et caractère tempéré ! On y rencontre pêle-mêle pianistes qui assassinent leur encombrant époux, cantatrices qui ne peuvent supporter les mauvaises critiques, amoureux éconduits qui enseignent l'harmonie au conservatoire, le tout sur fond de Schumann, de bal musette ou de jazz. Une brochette mordante de personnages à déguster sans modération !

Vous prévoyez passer plusieurs heures à la plage ? Emportez alors la brique La voix des anges, d'Anne Rice. La reine des histoires de vampires (Entretiens avec le vampire) et de sorcières brosse ici le portrait souvent peu reluisant mais combien captivant, du monde des castrats de l'époque de Farinelli. Parfois à donner la chair de poule ! Lucie Renaud

Peter GAY. Mozart.
Collection Grandes figures, grandes signatures.
Éditions Fidès, 2001,
237 pages.
Environ 20 $.

Peter Gay, grand spécialiste de l'histoire culturelle européenne mais surtout auteur d'une biographie de Freud qui a fait date, s'attaque ici à démythifier Mozart. Le portrait lumineux qu'il en trace nous fait découvrir un Mozart radicalement génial (l'auteur n'émet aucun doute là-dessus) mais aussi superbement original dans sa façon d'aborder la composition musicale et la vie en général. La biographie est présentée de façon chronologique (le premier chapitre, consacré à l'enfance de Mozart, contient des détails révélateurs qui laissent deviner l'homme qu'il deviendra) mais Peter Gay nous plonge presqu'aussitôt (dès le deuxième chapitre, « Le fils ») dans un portrait psychologique de l'homme qui se dissimule derrière derrière le compositeur. On comprend mieux la rivalité entre Wolfgang et son père, ses éclats amoureux, ses doutes créatifs, ses liens avec la franc-maçonnerie, ses difficultés matérielles. Pour la première fois (ou peu s'en faut), on s'attaque aussi à la légende de la fin misérable de Mozart et de son enterrement dans une fosse commune, pratique plus répandue qu'on ne pourrait le croire à prime abord. L'historien-biographe s'appuie sur de nombreuses lettres échangées à l'époque (entre Mozart et son père, particulièrement) pour étayer ses thèses. Le style reste direct, précis mais fouillé. Une façon de poser un regard neuf sur le divin Mozart.


English Version...

(c) La Scena Musicale 2002