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La Scena Musicale - Vol. 7, No. 1

Stéphane Lemelin: à l’écoute de la musique

Par Lucie Renaud / 1 septembre 2001

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Soliste recherché, récitaliste au timbre moelleux, pédagogue convaincu et chambriste versatile.: la polyvalence du pianiste Stéphane Lemelin lui permet d’être aussi à l’aise dans un concerto qu’en quintette. Son vaste répertoire couvre toutes les époques, ou presque, de la musique classique. Schubert, Schumann (son premier enregistrement en 1992 était d’ailleurs consacré à ces deux compositeurs), Fauré (il a réalisé une intégrale des trop peu joués Nocturnes sur étiquette Radio-Canada que la critique a encensé), Ravel (le compositeur qui semble le toucher le plus) aussi bien que les compositeurs oubliés (il a consacré un enregistrement au compositeur impressionniste français Gustave Samazeuilh et un disque des œuvres pour piano de Guy Ropartz paraîtra à l’hiver 2002) interpellent tout autant sa sensibilité artistique.

Travailleur infatigable, il ressent le besoin de passer cinq ou six heures quotidiennes à l’approfondissement du répertoire. Il avoue aborder les œuvres directement, sans perdre de temps en gymnastique digitale, mais passe également du temps loin de l’instrument à en analyser les moindres subtilités. « Il faut aussi vivre avec l’œuvre pour savoir quelles sont les possibilités et pouvoir développer son imagination », confie-t-il.

Le répertoire plus que le médium l’attire spontanément, ce qui explique ses nombreuses collaborations avec des chanteurs (entre autres, la soprano Donna Brown, avec laquelle il a enregistré les Frühlingslieder et les mélodies de jeunesse de Debussy) et des instrumentistes. Les rapports qu’il établit avec d’autres musiciens grâce à la musique de chambre le comblent totalement. « ýomme mon collègue Jacques Israeliévitch le disait, “c’est comme danser avec quelqu’un”. Il faut s’adapter chaque fois. C’est un peu différent, même si tu danses les mêmes pas, si tu joues la même œuvre. Ce rapport toujours renouvelé de la musique de chambre me fascine. Une des expériences les plus satisfaisantes qu’un pianiste puisse avoir, selon moi, est de jouer le Winterreise avec un bon chanteur, mais je pourrais dire la même chose de certaines œuvres de musique de chambre, les quatuors avec piano de Brahms ou son Quintette, par exemple. »

ýl transmet depuis la fin de ses études sa passion du son à des étudiants universitaires. Après avoir passé plusieurs années à l’Université d’Alberta à Edmonton, il vient d’accepter un poste de professeur à l’Université d’Ottawa et d’être nommé professeur invité à l’Université de Montréal. « On parle toujours de ce qui nous semble le plus essentiel, réfléchit-il. L’écoute du son est quelque chose dont je parle beaucoup quand j’enseigne et qui me vient souvent à l’esprit quand j’entends les gens jouer. » Mais l’imagination reste essentielle à une meilleure compréhension du répertoire, selon Lemelin. « Lorsqu’on joue une œuvre, il faut chercher un point de contact, il faut pouvoir établir un lien entre soi-même et l’œuvre. Cela peut venir du vécu émotionnel, des expériences qu’on a eues, de choses concrètes ou pas. Il faut l’aborder sous plusieurs angles. On peut essayer d’établir le contact avec l’œuvre en passant par une autre expérience artistique, qu’elle soit littéraire, picturale… »

Les pianistes qu’il admire le plus sont ceux qui savent manier le son et toucher son cœur en même temps. Il mentionne ainsi Schnabel (il a d’ailleurs étudié avec son fils, Karl-Ulrich), Kempf, qui l’émeut plus maintenant que dans sa jeunesse, Clara Haskill, qui l’a ravi pendant de longues années mais dont il se détache progressivement, Serkin, dont le jeu l’intéresse de plus en plus, Samson François, qu’il vient de découvrir, Vlado Perlemuter pour son Ravel, Murray Perahia, Radu Lupu et Maria João Pires. S’il ne devait partir qu’avec quelques œuvres sur une île déserte, il amènerait le Quintette avec deux violoncelles de Schubert et le Trio de Ravel. « Si j’avais à passer le reste de ma vie avec une seule œuvre, le Clavier bien tempéré de Bach en vaudrait sûrement la peine. On ne s’en fatigue jamais… » La clarté au service de l’émotion…


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(c) La Scena Musicale 2002