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La Scena Musicale - Vol. 6, No. 9

Les acouphènes

Par Sylvie Hébert, Ph.D. / 1 juin 2001

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Ludwig van Beethoven et Robert Schumann auraient tous les deux souffert d’acouphène. Dans une lettre à son ami Wegeler, Beethoven se plaint d’un bourdonnement dans ses oreilles présent nuit et jour, sans relâche. Quant à Schumann, des comptes rendus anecdotiques suggèrent qu’il entendait en permanence une note musicale dans sa tête.

 

L’acouphène est la perception illusoire d’un son dans les oreilles ou la tête, et constitue un des problèmes auditifs les plus courants. On le décrit généralement comme un bourdonnement ou un sifflement (par exemple le chant de la cigale), et on estime qu’il touche de 10 à 15 % de la population adulte. La perte auditive en constitue le facteur prédicteur le plus important. Par conséquent, il est intimement, quoique non exclusivement, relié au vieillissement, puisque c’est en association avec le vieillissement que la perte auditive est la plus commune.

 

L’acouphène peut causer une détresse considérable chez la personne qui en souffre, car il fluctue en intensité et peut parfois devenir intolérable. La personne affectée n’arrive plus à « retrouver le silence » et ce bruit permanent dans la tête ou les oreilles peut contribuer à entraver son repos et à la rendre irritable, déprimée ou anxieuse. Il n’y a pas de traitement universellement reconnu pour ce problème. Par contre, certains symptômes associés, comme la difficulté à dormir ou les symptômes de dépression, peuvent être traités et, par ricochet, diminuer l’impact de l’acouphène sur l’humeur et le bien-être de la personne atteinte. Il faut également savoir que quoiqu’ils puissent être extrêmement dérangeants pour la personne atteinte, la grande majorité des acouphènes ne constituent pas un risque pour la santé. Ils ne sont donc pas dangereux en tant que tels mais peuvent, dans de rares cas, signaler la présence de problèmes de santé (diabète ou hypertension, par exemple).

 

Difficile à objectiver, l’acouphène pose un défi particulier à la recherche scientifique. Décrire l’acouphène est un peu comme décrire un mal de dos : seule la personne atteinte connaît véritablement l’ampleur de son mal. Les moyens cliniques actuels ne permettent pas de détecter la présence de l’acouphène. Si, par exemple, une personne avec acouphène consulte en audiologie mais ne mentionne pas qu’elle en souffre, les professionnels ne pourront le détecter d’emblée. On ignore ses mécanismes exacts. Ils impliquent probablement la plasticité cérébrale, c’est-à-dire la capacité du cerveau de se réorganiser à la suite d’une perte auditive, mais pourraient aussi concerner des processus neurochimiques anormaux. La recherche actuelle en neurosciences devrait sous peu apporter des réponses (et des traitements) à ce problème auditif fort répandu.

 

L’auteure détient un doctorat de l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal. La rédaction de cet article a été rendue possible grâce à une bourse salariale du Fonds de la recherche en santé du Québec.


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(c) La Scena Musicale 2002