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La Scena Musicale - Vol. 6, No. 7

INVITATION À LA DANSE BAROQUE

Par Frédéric Cardin / 1 avril 2001

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Marie-Geneviève Massé, la fondatrice de la troupe de danse baroque L’Éventail, était de passage avec son groupe à Montréal en février dernier dans le cadre du spectacle « Voyage en Europe », en collaboration avec l’ensemble Les Idées Heureuses, dirigé par Geneviève Soly. La Scena l’a rencontrée.

Enchantée par le dynamisme des couleurs ainsi que l’élégance et la précision rigoureuse des interprétations des Idées Heureuses, Marie-Geneviève Massé s’est dit tout à fait ravie et emballée du jeu de l’ensemble québécois. Voici des compliments d’autant plus significatifs qu’ils proviennent d’une artiste qui a travaillé avec avec d’aussi éminents musiciens baroques que les Kuijken, Malgoire, van Immerseel, Hervé Niquet, Christophe Rousset, etc. La chorégraphe souhaite d’ailleurs ardemment répéter l’expérience avec l’ensemble montréalais et même les inviter en France.

Des débuts difficiles

Marie-Geneviève Massé a découvert la danse baroque lorsque Francine Lancelot, pionnière de la renaissance de cet art depuis les années 70, la remarqua lors d’une audition en 1980. Surmontant ses réticences initiales – « à ce moment, j’étais jeune et la danse baroque m’apparaissait terriblement ringarde » - elle s’engagea et n’a pas arrêté depuis.

Les débuts n’ont pas été aisés. Lancelot et ses danseurs n’ont pas été pris au sérieux immédiatement. Puis, en 1984, Rudolf Nureyev commande une œuvre à Lancelot, puis, peu après, un solo. La situation s’est alors améliorée mais, ironiquement, la passion pour les films d’époque au début des années 90 a nui au travail des danseurs baroques. Selon Marie-Geneviève, beaucoup de troupes oeuvrant dans ces productions étaient de mauvaise qualité et, en conjugaison avec la vision parfois trop stéréotypée de ce type de danse de la part des réalisateurs, les résultats se sont avérés souvent pompeux, nuisant ainsi à l’image de cet art dans le public.

Une situation encore fragile

Même si l’atmosphère est plus favorable maintenant, il reste des difficultés majeures à surmonter, d’abord le coût prohibitif de telles productions. Les décors et les costumes doivent être assez élaborés pour bien recréer l’ambiance et l’esprit baroques. Et puis il y a les musiciens! Il est en effet difficile d’imaginer des chorégraphies de ce type accompagnées d’une musique sur bande, comme c’est le cas avec les troupes de ballet ou de danse moderne. Toute la force de la danse baroque est de suggérer une soirée à la Cour royale après tout!

Dans « Voyage en Europe, Marie-Geneviève Massé avoue qu’elle aurait préféré des contrastes beaucoup plus prononcés entre les costumes et les décors des différents tableaux. Mais cela aurait littéralement défoncé le budget.

Un autre obstacle est le manque de reconnaissance du gouvernement français. En effet, la danse baroque n’est pas considérée comme faisant partie du Patrimoine national, ce qui bloque l’allocation de subventions qui pourraient être salvatrices.

De plus, un seul festival baroque prévoit de la danse à son programme de façon régulière, et c’est celui de Sablé-sur-Sarthe. Puor les autres, c’est encore occasionnel.

Combat

Pour Marie-Geneviève Massé, la danse baroque, en plus de constituer un combat constant pour sa survie et sa diffusion, est également un combat contre la mondialisation à l’américaine. « En fait, c’est un combat avec la mondialisation – car nous nous servons des médias de diffusion et de l’Internet autant que possible – contre une mondialisation qui fait la part trop belle à la culture facile américaine ». L’engouement grandissant pour la danse baroque (fragile, mais certain), et celui, solidement établi, pour la musique démontre que le combat contre l’américanisation de la culture mondiale n’est pas nécéssairement perdu d’avance pour les cultures nationales.

Un avenir plein d’espoir et de projets

Mais malgré le embûches, Marie-Geneviève demeure optimiste. « Si je n’avais pas eu d’espoir, il y a longtemps que j’aurais arrêté! ».

À savoir si elle aimerait innover l’esthétique de la danse baroque, elle répond sans hésitation : « Oui! ». Et pourquoi pas commander de la musique à un compositeur contemporain? « J’aimerais beaucoup, c’est certain! Bien sûr, il faudrait respecter certaines conventions inhérentes au Baroque, mais il y a toujours de la place pour l’originalité. Vous savez, la danse, c’est comme un forêt. Certains arbres ont été plantés il y a 200 ans (la danse baroque), d’autres il y a à peine quelques années. Et même si l’arbre de 200 ans est toujours là aujourd’hui, il n’est plus exactement le même, Il a changé, il s’est transformé, parce qu’il vit. La danse baroque aujourd’hui ne peut et ne doit pas être exactement comme à ses débuts, sinon elle ne serait pas vivante. ».

Dans quelques mois, Marie-Geneviève donnera la première de son nouveau spectacle, Don Juan de Gluck. Puis, possiblement pour 2003, elle aimerait bien monter une chorégraphie sur le thème des sérénades. « Des sérénades baroques à celles de Schubert! Nous verrons bien jusqu’où je pourrai pousser la danse baroque! »


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(c) La Scena Musicale 2002