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La Scena Musicale - Vol. 6, No. 7

STANISLAW MONIUSZKO, compositeur national [Seulement sur le Web]

Par Radoslaw Rzepkowski / 1 avril 2001

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Du 20 au 29 avril prochain aura lieu à Varsovie le IVe Concours vocal international de Moniuszko. Pratiquement inconnu en dehors de son pays d'origine, Stanislaw Moniuszko est pourtant le deuxième compositeur polonais en importance, après Chopin, et a composé une musique d'une grande beauté et d'une remarquable richesse d'invention.

Contexte socio-politique

Moniuszko a vécu à l'époque où la Pologne, partagée entre la Russie, la Prusse et l'Autriche, ne figurait plus comme pays sur la carte de l'Europe. Durant cette période, de nombreux artistes polonais, incapables de poursuivre leur mission dans leur pays, ont dû émigrer et trouver refuge à l'étranger (Chopin, Mickiewicz, Slowacki, Norwid). Moniuszko, cependant, est resté dans sa patrie. Il y a travaillé toute sa vie en se sacrifiant pour la survie de la culture polonaise.

Après des années de contraintes politiques et sociales, dans les nations de l'Europe de l'Est, se développent au XIXe siècle le nationalisme et, avec lui, les revendications patriotiques, encouragées de façon significative par les artistes. C'est pendant cette période qu'ont pris naissance en Europe, dans des pays jusque-là livrés à l'école italienne ou allemande, les « écoles nationales » en musique (russe, tchèque, scandinave, polonaise) . Moniuszko a été l'un des représentants importants de l'école nationale polonaise. Son ¦uvre s'adressait avant tout aux Polonais et soutenait les espoirs de la nation à recouvrer son indépendance.

Esquisse biographique

Stanislaw Moniuszko est né en 1819 à Ubiel. A huit ans, il étudie la musique chez August Freyer, à Varsovie. De 1837 à 1840, il profite de l'enseignement de Carl Rungenhangen, grand pédagogue établi à Berlin, avec qui il étudie l'harmonie, le contrepoint, l'instrumentation et les formes musicales. Moniuszko a passé la moitié de sa vie à Vilno, ville polonaise aux longues traditions culturelles. En plus d'occuper les fonctions d'organiste, il veilla à organiser la vie musicale de la ville et y fit exécuter de grands chefs d'¦uvre.

Moniuszko a peu voyagé, mais il a fait, cependant, quatre séjours à Saint Pétersbourg, deux à Paris et deux à Prague. En Russie, il s'est lié d'amitié avec Cesar Cui, Alexandre Dargomyjski et Mikhaïl Glinka et a fait la connaissance, en France, de Daniel Aubert et de Gioacchino Rossini. Moniuszko a aussi connu Betrich Smetana qui a préparé la première de « Halka » à Prague. À Weimar, le musicien a rencontré Franz Liszt, qui a joué ses compositions. En outre, Moniuszko s'est lié d amitié avec la pianiste Marie Kalergis, élève de Chopin, le violoniste Henri Vieuxtemps et le violoncelliste François Servais. A partir de 1858, Moniuszko a vécu à Varsovie, où, jusqu'à sa mort, survenue en 1872, il occupa le poste de chef d'orchestre à l'opéra. Ses obsèques ont donné lieu à Varsovie à une grande manifestation patriotique.

Création

Contrairement à Chopin, qui s'est consacré presque exclusivement à la musique pour piano, Moniuszko, lui, s'est consacré à la musique vocale. Ses mélodies et ses opéras reflètent la richesse des textes et du langage musical traditionnel polonais. Comme Glinka et Smetana, Moniuszko a utilisé un langage traditionnel, moins innovateur ou expérimental mais d'une beauté exceptionnelle.

Moniuszko a laissé plus de trois cents mélodies avec accompagnement de piano qui, du point de vue de l'invention mélodique, se rapprochent des lieder de Schubert. Les mélodies de Moniuszko couvrent une large gamme d'émotions et leurs structures musicales suivent le contenu poétique des textes. Bien que quelques-uns des textes choisis par le compositeur soient des traductions polonaises de poésies de Goethe - notamment la magnifique chanson « Znasz-li ten kraj », une traduction de Mickewicz du texte de Goethe « Kennst du das Lied », également utilisé par Beethoven, Schubert et Schumann - , Heine, Byron, Scott, Hugo, la majorité sont des textes d'éminents poètes polonais (Mickiewicz, Pol, Syrokomla, Lenartowicz, Czeczot, Odyniec). Chaque mélodie est différente et l'ensemble peut se comparer à une immense galerie de tableaux. On trouve des mélodies humoristiques, épiques, dramatiques, historiques ainsi que des ballades. Elles ont enrichi de façon remarquable la littérature vocale polonaise, jusque-là très modeste. Expressives et simples, les mélodies de Moniuszko ont vite été assimilées par le peuple polonais. Dans la Pologne occupée du XIXe siècle, elles jouèrent un rôle particulier en confirmant l'existence de la nation.

Moniuszko a été un grand maître de l'opéra. Sans rejeter les traditions opératiques des époques antérieures, il a réussi à imbriquer les airs, les duos, les ch¦urs et le déroulement du drame. Au seuil du XXIe siècle, la valeur de ses opéras est toujours reconnue.

Présenté sur de nombreuses scènes, tant en Europe qu'en Amérique, l'opéra « Halka » (1858), abordant une problématique sociale, est célèbre partout dans le monde. Hans von Bülow, le premier, en a fait une critique élogieuse qui parut en décembre 1858 dans la « Neue Zeitschrift für Musik », la revue musicale qu'avait fondée Robert Schumann. La popularité de cet opéra vient de l'invention mélodique, de sa spontanéité et de l'exploitation dramatique du sujet. L' «Air de Halka » et l' « Air de Jontek » font partie des plus beaux trésors de la littérature vocale.

Le deuxième opéra d importance écrit par Moniuszko est le « Le Château mystérieux » (1865), un opéra qui reflète la richesse des traditions musicales polonaises. Écrit sur un libretto de J. Checinski, l'opéra a été créé après l'échec du soulèvement national de 1863. En combinant les inspirations nationales et l'humour, l'opéra visait à apaiser les malheurs des Polonais. Les mélodies du « Château mystérieux » révèlent le grand talent et l'imagination de Moniuszko; le finale du deuxième acte ne cède en rien aux plus célèbres ensembles de Rossini. L'« Air de Stefan » , avec carillon, unique en son genre, réussit à maintenir une atmosphère mystérieuse du début jusqu à la fin.

Les opéras « Flotteur » (1858) et » Verbum nobile » (1861), deux opéras en un acte, font partie du répertoire mondial. L'ouverture de « Flotteur », vivante et bien construite, est souvent exécutée. De même, l'opéra satirique « La Comtesse », est présenté de temps en temps sur les scènes polonaises. L'opéra est une critique de l'aristocratie de l'époque.

Moniuszko a éliminé de façon définitive les influences étrangères dans l'opéra polonais. Il y a introduit les danses polonaises (mazur, polonaise) et utilisé les ressources des traditions folkloriques. A ce titre, Moniuszko peut être placé à la tête des représentants de l'opéra national polonais.


De nombreuses ¦uvres de Moniuszko méritent également aussi d'être soulignées, notamment l'ouverture fantastique « Bajka » (Conte d hiver), dédiée à Dargomyjski, la cantate « Widma », scènes lyriques sur des textes de Mickiewicz pour solistes, ch¦ur et orchestre, les opérettes (Beata, Jawnuta, Karmanio , Loterie, Nuit dans les Apenines) et quatre Litanies Ostrobramskie.

Culte de Moniuszko

Le vivant et incessant culte dont Moniuszko est l'objet en Pologne démontre bien les mérites de ce compositeur. Des monuments et des sculptures lui rendent hommage. Des écoles, des sociétés musicales, une maison d'opéra (l'opéra de Poznan), un festival (qui a lieu chaque année depuis 1962 à Kudowa, en basse Silésie) et un concours musical portent son nom.
La musique de Moniuszko, issue de l'âme polonaise, séduit et gagne les c¦urs des Polonais. De nombreuses transcriptions de chansons et d'arias pour ch¦urs et instruments variés démontrent la popularité de sa musique. Moniuszko est considéré, comme Chopin, le compositeur le plus polonais de tous les compositeurs polonais.


Radoslaw Rzepkowski est un musicologue polonais résidant maintenant à Montréal, auteur de nombreux articles et travaux scientifiques.



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