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La Scena Musicale - Vol. 5, No. 10

Saxo d'hier . . . Sax aujourd'hui

Par Marc Chénard / 1 juillet 2000

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Du 5 au 9 juillet, Montréal accueillera un événement international unique : le Congrès mondial du saxophone (C.M.S). Mise sur pied en 1980, cette rencontre triannuelle se déroulera à l'Université du Québec à Montréal. Ateliers, conférences, exposition des fabricants, tout est prévu pour satisfaire l'instrumentiste aguerri et les mélomanes de tous genres. Au programme, 330 événements sont prévus, dont une brochette de concerts comprenant près de 125 créations par des compositeurs d'ici et d'ailleurs. La participation des milieux classiques et contemporains sera forte, mais le jazz aura la place d'honneur lors du grand concert « Horizons divers » qui se déroulera le vendredi 7 à la salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau (voir chronique les Sentiers du jazz ailleurs dans ce numéro).

Même si le saxophone a acquis ses lettres de noblesse dans la musique afro-américaine, il reste encore marginal en musique classique. Pourtant, il fit son apparition au XIXe siècle, une période particulièrement féconde en matière de nouvelles inventions instrumentales. À l'instar de la lutherie électronique qui a pris tout son essor en cette fin de siècle, le XIXe a été l'époque d'or pour les instruments à vent. Perfectionnement des systèmes de clés et de valves, conception de nouveaux hybrides, tout semblait possible aux facteurs d'instruments, qui rivalisaient farouchement. Le plus intrépide de ces derniers fut certainement l'inventeur du saxophone, Adolphe Sax.

Né en 1814 à Dinant, ville jadis française, mais annexée au Royaume de la Belgique en 1830, M. Sax passa la plus grande partie de sa vie dans la Ville Lumière. C'est en 1846 qu'il breveta l'instrument et même s'il conçut sept modèles, de l'immense contrebasse de deux mètres de hauteur au minuscule sopranino, son invention était loin de faire l'unanimité dans les milieux musicaux parisiens. Bien au contraire : non seulement refusa-t-on son entrée dans l'orchestre symphonique, dont l'instrumentation avait été dûment constituée durant les années 1830, mais son inventeur était vu d'un bien mauvais oeil par ses nombreux concurrents qui défendaient leurs fiefs devant l'intrus. Loin de se décourager, Adolphe Sax passa la moitié de sa vie à travailler d'arrache-pied à perfectionner d'autres instruments, entre autres les saxhorns (une famille de cuivres qui n'est pas sans rappeler les euphoniums ou les tubas); quant à l'autre moitié de sa vie, il la passa devant les tribunaux à défendre ses innombrables brevets. Tout au long de sa vie mouvementée, il sera impliqué dans trois procès majeurs, le dernier se soldant par un cuisant échec. Ayant tout perdu, il vécut les 17 dernières années de sa vie dans la pauvreté et retira une modeste rente jusqu'à sa mort en 1894.

De son vivant, il réussira à enseigner son instrument au Conservatoire de Paris, mais sa classe sera supprimée à la révolution de 1870. Il faudra attendre jusqu'en 1942 le retour du saxophone dans cette institution, cette fois-ci sous la direction du plus célèbre des saxophonistes classiques, Marcel Mule - encore parmi nous à 98 ans! L'absence de reconnaissance dans les milieux académiques a certes joué pour beaucoup dans l'exclusion du saxophone. En revanche, les compositeurs ne l'ont pas complètement ignoré. Parmi les premiers, Bizet écrira une mélodie pour saxo alto dans sa célèbre suite l'Arlésienne, composée en 1872. Suivront alors le Concerto pour saxophone de Glazounov, les solos de soprano et d'alto dans le Boléro de Ravel, une partie de ténor dans l'opus 22 d'Anton Webern, voire le très virtuose Scaramouche de Darius Milhaud.

Mais il revient enfin au jazz d'avoir exploité des possibilités insoupçonnées de l'instrument. Personne ne peut nier l'importance d'un Coleman Hawkins et son rôle « d'inventeur » du saxophone ténor. Et que dire alors de Charlie Parker, le héraut de l'alto de l'époque bop, sans oublier Sonny Rollins ou John Coltrane, deux autres maîtres incontestables du ténor? Même si Adolphe Sax voyait son instrument comme un substitut pour les instruments à cordes dans les fanfares et les orchestres militaires, le saxophone a trouvé par l'entremise du jazz une personnalité que son inventeur n'aurait sans doute jamais pu pressentir.

Le congrès donnera l'occasion de voir et entendre quelques-unes des sommités internationales, Eugène Rousseau et Jean-Marie Londeix en tête de liste. Il y aura bien entendu des quatuors de saxophones à volonté, mais il faut aussi signaler que le thème de ce sixième congrès sera « De Sax et d'autres ». On retouvera donc l'un ou l'autre des membres de la famille accompagné d'orchestres de chambre, de grandes orgues et de dispositifs électroniques. Qui plus est, la compagnie Selmer de Paris, le fabricant le plus renommé de saxophones, dévoilera de nouveaux modèles durant ces journées. Peu importe que vous soyez amateur, professionnel ou simple mélomane, vous en aurez plein la vue et les oreilles!

Information :
(514) 382-3045
(Des forfaits sont offerts pour les matins, les après-midi et les soirées.)

Courriel : cms2000@total.net
www.total.net/cms2000/wsc.home.html


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