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La Scena Musicale - Vol. 4, No. 10

Les orgues de Montréal à l'heure d'été

Par Anne-Catherine Hatton / 1 juillet 1999

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Depuis l'arrivée en 1724 de Jean Girard, premier organiste de Nouvelle-France, à qui l'on doit Le Livre d'orgue de Montréal, la région montréalaise compte la plus forte concentration de facteurs d'orgues de notre continent et joue un rôle prépondérant dans le rayonnement et l'évolution de cet instrument en Amérique du Nord. Deux événements culturels organisés cet été nous le rappelleront.

Aux amateurs désireux de (re)découvrir la richesse et la diversité du patrimoine «organistique» montréalais, l'Académie estivale d'orgue de McGill propose, du 25 juillet au 6 août, une série de concerts mettant en valeur cinq des instruments les plus remarquables de la ville, représentatifs d'une large palette d'esthétiques. Il s'agira en quelque sorte d'un voyage dans l'espace et dans le temps, puisqu'en changeant d'instrument, on change aussi de pays, d'époque et de répertoire. Les périodes baroque et classique seront bien représentées : l'Allemagne du XVIIIe siècle avec James David Christie et Bernard Lagacé à l'orgue Von Beckerath de l'église de l'Immaculée-Conception, où ce dernier vient d'enregistrer une intégrale Jean-Sébastien Bach (Analekta), l'Europe méditerranéenne baroque avec Jean Ferrard à l'orgue Guilbaut-Thérien de la Chapelle du Grand Séminaire, la France sous le règne de Louis XIV avec John Grew à l'orgue Wolff de la salle Redpath de l'Université McGill, sur lequel il a récemment endisqué le Livre d'orgue de Nicolas de Grigny (Atma).

Les esthétiques symphoniques anglo-américaine et française du XIXe siècle seront également à l'honneur, puisque les organistes parisiens Olivier Latry et Daniel Roth, titulaires respectivement à Notre-Dame et à Saint-Sulpice, toucheront deux magnifiques orgues Casavant, celui de Saint-Jean-Baptiste et celui du Très-Saint-Nom-de-Jésus, dont la restauration vient de s'achever. Cet orgue remarquable, tant par sa puissance que par ses qualités musicales, datant de 1914 et dont le grand facteur d'orgue britannique Henry Willis affirmait qu'il justifiait à lui seul une traversée de l'Atlantique, s'était tu en 1972, faute d'entretien. La maison Casavant vient de lui offrir une deuxième vie grâce à un ambitieux projet de restauration, dont les coûts s'élèvent à 650 000 dollars, par lequel on a confirmé son esthétique symphonique française. De l'avis de John Grew, organiste à l'Université McGill, professeur d'orgue et de clavecin à cet établissement et directeur artistique de l'Académie estivale, l'orgue du Très-Saint-Nom-de-Jésus est à Montréal ce qu'est à Paris l'instrument Cavaillé-Coll de Saint-Sulpice, ce qui explique pourquoi il a invité son titulaire, Daniel Roth, qui eut des prédécesseurs aussi illustres que Charles-Marie Widor et Marcel Dupré, à y donner le concert de clôture de l'Académie estivale. Par ce concert exceptionnel, le dernier des concerts inauguraux de l'orgue du Très-Saint-Nom-de-Jésus, on souhaite également souligner le centenaire de la mort, le 6 août 1899, de l'un des plus grands facteurs d'orgues au monde, Aristide Cavaillé-Coll.

Les travaux effectués sur l'orgue du Très-Saint-Nom-de-Jésus sont représentatifs d'une tendance de plus en plus marquée à la revalorisation des instruments existants, observe Claude Goulet, adjoint au directeur artistique chez Casavant Frères : en une dizaine d'années, l'importance relative des projets de restauration a doublé par rapport aux activités de facture, un secteur qui demeure néanmoins en bonne santé, si l'on se fie au carnet de commandes de Casavant, rempli jusqu'en octobre 2001. Cette vitalité s'observe également dans le marché du disque. On compte aujourd'hui une quinzaine d'intégrales des ¦uvres de Buxtehude, et les amateurs semblent être insatiables, quoique toujours plus sophistiqués : les amis de l'orgue remplissent à nouveau les églises désertées par les fidèles, l'orgue s'intègre à la vie culturelle de son quartier et s'ouvre sur le monde. Un seul bémol, à son avis, dans la diversité des instruments offerts aux organistes et au public montréalais : l'absence d'une vraie salle de concert avec orgue, comme on en retrouve dans toutes les grandes villes du monde, dont Toronto, Calgary et Edmonton, qui permettrait de monter des pièces du répertoire pour orchestre symphonique avec orgue et ch¦ur, tel le War Requiem de Benjamin Britten dont nous sommes actuellement privés.

Après ce tour d'horizon des orgues montréalaises offert par l'Académie estivale d'orgue de McGill, ce sera au tour de la Société historique de l'orgue de convier le public à huit récitals d'orgue, entre le 19 et le 25 août, sur les instruments historiques de Montréal et de ses environs (Frelighsburg, Oka, etc.), organisés dans le cadre de son congrès annuel. Outre les récitals, des conférences et des visites à des facteurs d'orgue seront au programme.


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(c) La Scena Musicale 2002