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La Scena Musicale - Vol. 21, No. 6 avril 2016

La musique et le cerveau

Par Julia Huang / 1 avril 2016

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Alive Inside
Image tirée du film Alive Inside: The Story of Music and Memory. Photo: Michael Rossato-Bennett

« Pour eux, la musique n’est pas un luxe, mais une nécessité. »

Cette phrase tirée du livre Musicophilia ducélèbre neurologue Oliver Sacks témoigne des bienfaits de la musique sur nos capacités intellectuelles et de ses puissantes propriétés thérapeutiques.

De nos jours, les ateliers de musicothérapie se multiplient. Ils ont comme objectif le traitement de nombreuses maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer, mais également du stress, de la douleur ou encore de la dyslexie.

Hervé Platel est chercheur en neuropsychologie. « La musique engage le cerveau dans sa globalité, dit-il, elle le sollicite dans des zones qui ont des fonctions beaucoup plus larges. Écouter une œuvre musicale crée dans le cerveau une véritable “symphonie neuronale” mettant en jeu les autres lobes cérébraux, le cervelet ou encore l’hippocampe, surtout connu pour son rôle dans la mémoire. »

L’organisme à but non lucratif Music & MemoryMD a justement lancé son programme de musicothérapie au Québec en novembre dernier. Celui-ci a comme objectif d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, tout cela grâce à la musique. Le principe est simple : afin de recréer les souvenirs des personnes atteintes de troubles cognitifs et de la maladie d’Alzheimer, des intervenants certifiés leur concoctent des listes de pièces musicales personnalisées.

Selon Lise Lalande, directrice générale de la Société Alzheimer Laval, première société à avoir obtenu la certification Music & Memory, les résultats observés auprès des personnes atteintes, qui écoutent des pièces musicales significatives pour elles, sont renversants. « La musique fait des miracles sur la mémoire et la qualité de vie. C’est une approche qui est simple et efficace et qui facilite l’interaction avec les personnes atteintes. »

Peut-être avez-vous vu il y a quelques années sur YouTube l’extrait du documentaire Alive Inside : A Story of Music and Memory qui avait suscité beaucoup d’enthousiasme sur la Toile. On y faisait la connaissance de Henry, patient atteint de la maladie d’Alzheimer, dont le visage s’illuminait à l’écoute de ses morceaux préférés. Je vous recommande d’aller le visionner si ce n’est déjà fait.

On remarque qu’à l’écoute de leurs musiques favorites ou même de mélodies qui leur sont simplement familières, les patients « s’éveillent ». Souvent, après des mois ou des années sans communiquer, les patients recommencent tout doucement à parler et deviennent plus sociables. Lorsque les premiers programmes ont été mis sur pied, on remarqua même une diminution fantastique de l’utilisation de médicaments chez les patients. Certains se rappellent soudainement de noms qu’ils avaient oubliés depuis longtemps, et fait encore plus impressionnant, certains se rappellent même qui ils sont.

Dan Cohen, à l’origine de l’approche Music & Memory, s’assure de former des intervenants spécialisés dans ce domaine afin d’offrir aux patients des listes de pièces musicales adaptées à chacun. En attendant de trouver un remède efficace contre les lésions à l’origine de ces dégénérescences cérébrales, il cherche à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de cette maladie.

D’un point de vue plus scientifique, nous savons que la musique stimule des régions dans le cerveau très variées, comme la zone liée au plaisir ou encore la mémoire ou le langage. Platel se réjouit en effet de constater que même à un stade très avancé, la mémoire musicale résiste, car le cerveau continue « d’encoder » des informations.

Le neuropsychologue explique que malgré la présence d’amnésies majeures, une personne sera capable de fredonner une mélodie des mois plus tard. Ces personnes affichent de graves lésions de l’hippocampe, zone du cerveau dont le rôle principal est la mémoire comme nous le disions plus haut. Cependant, la mémoire musicale emprunte un chemin différent, ce qui permet à la mélodie de persister dans leurs têtes, car ce chemin est moins vulnérable aux lésions cérébrales. On parle « d’effet dissociatif ».

Les chercheurs espèrent que le travail de stimulation engendré par les séances de musicothérapie aura un impact sur les réseaux encore intacts du cerveau afin qu’ils réorganisent leur structure et qu’ils développent une plasticité cérébrale pour compenser les fonctions cognitives détériorées par la maladie. On n’espère pas arrêter la maladie, mais simplement aider les personnes à lutter contre celle-ci à l’aide de méthodes non médicamenteuses.

Des études sont en cours afin de déterminer quelles sont ces zones du cerveau qui restent intactes malgré la maladie. La musique provoque une hypertrophie de certaines régions du cerveau, c’est-à-dire une augmentation du volume de ces régions, ce qui peut prévenir les troubles de la mémoire. Cependant, chaque cerveau est différent.

La musique peut ainsi avoir un rôle fondamental dans la prise en charge des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, de démence ou encore faisant face à des défis cognitifs ou physiques et peut faciliter leur quotidien comme celui de leur entourage. Le programme Music & Memory, désormais offert au Québec, offre un soutien complémentaire sans égal pour les patients et permet parallèlement de diminuer leur agitation et leur angoisse.


Pour en savoir plus :

Dans Musicophilia, le médecin et neurologue Oliver Sacks, décédé en août dernier à l’âge de 82 ans, présente de nombreux exemples, témoignages et anecdotes très intéressants qui illustrent les corrélations extraordinaires entre musique et cerveau.

Pour donner un iPod et soutenir l’organisme Music & MemoryMD, ou trouver des ressources afin d’accompagner vos proches, rendez-vous sur le site fr.musicandmemory.org


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