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La Scena Musicale - Vol. 21, No. 4 décembre 2015

Gino Quilico : Le plaisir de chanter

Par Caroline Rodgers / 1 décembre 2015

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Gino Quilico
Gino Quilico - Photo Andréanne Gauthier

Après trente-huit ans de carrière, il pourrait se dire qu’il a fait le tour du jardin. Mais Gino Quilico, qui aime toujours chanter, continue d’enchaîner les projets. Il fera un retour à l’opéra dans Les Feluettes, une création de l’Opéra de Montréal, en 2016. Il vient de lancer Secrets de Noël, son nouveau disque sous étiquette Analekta, et continue de donner ses spectacles à saveur populaire qui lui ont gagné l’amour d’un nouveau public.

L’album précédent de Gino Quilico, Serata d’Amore, lui rappelait des souvenirs de l’époque où il vivait à Rome avec ses parents. Les week-ends, ils allaient à la campagne en voiture et chantaient ces chansons italiennes. Secrets de Noël, qui inclut trois chansons en duo avec feu son père Louis Quilico, replonge également le baryton dans ses souvenirs familiaux, cette fois du temps des fêtes.

« J’ai dédié l’album à mes parents, dit-il. Noël, pour nous, c’était des moments de joie. Chaque Noël, on se mettait au piano et on chantait. Cela faisait partie de nos traditions. Cela fait quinze ans que papa est décédé et il y a un moment que je voulais faire ce disque. J’ai aussi déniché une chanson à faire en duo avec ma fille Sofia, qui n’est pas une chanteuse professionnelle. Elle est comptable, mais elle a toujours chanté et je l’invite de temps à autre à participer à mes spectacles. Je me suis dit que ce serait beau d’avoir trois générations sur le même album. »

Il se souviendra toujours d’un Noël, à Strasbourg, alors que toute la famille avait suivi Louis Quilico qui chantait dans Les contes d’Hoffmann.

« Le plus beau Noël que j’aie connu comme enfant, c’est celui-là. Je devais avoir neuf ans. Nous étions dans une chambre d’hôtel et on n’avait qu’un tout petit sapin de deux pieds de haut, sur la télévision. Tous les chichis habituels de Noël étaient absents. Il n’y avait que nous : papa, maman, ma sœur et moi. C’était très intime et c’était magique. »

Avec ses enfants, le baryton a essayé de créer une atmosphère musicale dans le temps des fêtes, d’avoir des traditions.

« On se fait un festin de crabe, on déballe nos cadeaux et avant minuit, nous allons retrouver ma tante, Madeleine Quilico, la sœur de papa et la seule de sa famille encore vivante. Elle a 84 ans. C’est une femme incroyable, pleine de vie et chaleureuse. C’est une grande inspiration dans ma vie. Je la remercie d’ailleurs dans le livret de mon disque. Elle cuisine aussi des mille-feuilles légendaires que tout le monde attend avec impatience ! On passe Noël avec elle et mes cousines, et on chante. Évidemment, ma famille me fait chanter ! Appelons ça les concerts gratuits chez les Quilico (rires). »

Sur l’album Secrets de Noël, on retrouve trois chansons en duo avec Louis Quilico. Ils proviennent d’un enregistrement de 1992 entièrement rematricé avec des musiciens du Toronto Symphony Orchestra et le Toronto Children’s Chorus. L’Ave Maria de Schubert, interprété par Louis Quilico seul, y figure également.

« C’est un disque de Radio-Canada, enregistré lors de concerts que nous avions donnés ensemble », précise Gino Quilico.

Pour les autres chansons, il a apporté un soin particulier aux arrangements.

« Je ne voulais absolument pas faire un disque de Noël qui ressemble à tous les autres, dit-il. Je voulais qu’on apporte quelque chose d’original, ce qui est très difficile, car en matière de disques de Noël, pas mal tout a déjà été fait. Dominic Boulianne, mon pianiste, et un ami d’Italie, Enzo de Rosa, ont fait des arrangements. J’ai aussi trouvé un arrangement fait aux États-Unis pour Le premier Noël. On a travaillé pour trouver des couleurs différentes. Le Minuit, chrétiens ne sonne pas comme tous les autres. On ne le reconnaît pas nécessairement aux premières notes de l’introduction. »

Avec sa fille, Sofia, il interprète une berceuse mexicaine, A la Nanita Nana. « À l’origine, ce n’est pas un chant de Noël, mais il existe une version de Noël où les paroles sont changées en y ajoutant Jesús. Cette version est très connue au Mexique, mais j’ai décidé de conserver la version originale. »

Quant au titre de l’album, Secrets de Noël, il s’inspire tout simplement de la chanson The Secret of Christmas, d’abord chantée par Bing Crosby en 1959 et reprise, entre autres, par Ella Fitzgerald. Elle figure sur l’album – où l’on retrouve des chansons en quatre langues – aux côtés des Gesu Bambino, Noël blanc et Have Yourself a Merry Little Christmas.

Comme pour ses autres projets, Gino Quilico est accompagné de l’Ensemble Triosphère (Dominic Boulianne, Lizann Gervais, Elisabeth Giroux) auquel il demeure très fidèle.

Deuxième carrière

Depuis une quinzaine d’années, Gino Guilico a délaissé l’opéra et s’est rebâti une seconde carrière concentrée surtout au Québec et au Canada. Il s’est tourné vers un répertoire plus populaire et la comédie musicale. En 2008, il interprétait le rôle de Jean Valjean dans Les Misérables, qui a tenu l’affiche pour 91 représentations au Capitole de Québec.

Ces dernières années, il a sillonné le Québec avec Serata d’Amore, un concert à géométrie variable. « Le spectacle est toujours en vie, il y a encore des diffuseurs qui veulent l’avoir. Je le fais beaucoup en spectacle privé ou corporatif. L’été prochain, on va probablement aller le faire en Californie, dans la région de Napa Valley. Comme je parle et chante en français, anglais ou italien, j’adapte le spectacle en fonction de l’auditoire. »

Récemment, il a entrepris un nouveau projet : le spectacle Nostalgie, plus axé sur la chanson francophone qui fait beaucoup de place à l’auteur-compositeur Claude Léveillée, qu’il admire énormément.

« Il m’a beaucoup inspiré. J’aime les paroles de ses chansons, qui sont extraordinaires. Nous les avons réinventées grâce à des arrangements qui leur donnent une tournure un peu plus mélodie française, un côté plus classique. C’est un compositeur qui se prête bien à cela. Le spectacle va aussi vers Piaf, Brel, et quelques chansons en anglais et en italien. »

Malgré son virage populaire, le chanteur aime toutefois retourner de temps à autre à ses anciennes amours lyriques. « Je donne toujours quelques récitals classiques, notamment de mélodies françaises. Ce que j’adore dans la vie, c’est chanter. Je suis heureux dans ce que je fais aujourd’hui, avec le populaire. Il fallait se réinventer et pour moi, ça fonctionne très bien. Dans le populaire il y a quelque chose de beau, une forme de liberté qui n’est pas possible dans le monde classique. On peut faire des blagues avec le public, s’amuser sur scène. Ce qui me manque de l’opéra, ce sont les costumes, le maquillage, le fait de m’évader dans un personnage. C’est pour ça que j’ai le goût de chanter dans Les Feluettes, et probablement qu’il y aura d’autres projets pour moi à l’opéra dans l’avenir, mais je ne peux pas en parler tout de suite. »

Pour lui, l’important est de faire ce que l’on aime sans trop se soucier du jugement des autres.

« Quand j’ai commencé à changer de répertoire et à aller davantage vers la musique populaire, j’ai senti qu’il y avait des gens qui n’aimaient pas ça dans le monde classique. De toute façon, même à l’opéra, j’ai déjà été sévèrement critiqué par les puristes, surtout quand j’ai chanté l’Orfeo de Monteverdi avec du vibrato. Les critiques ne m’ont jamais arrêté. »

Les Feluettes

En mai 2016, la célèbre pièce de théâtre québécoise de Michel Marc Bouchard, qui a aussi été adaptée au cinéma en 1996 sous le titre Lilies, sera créée sous forme d’opéra à l’Opéra de Montréal avec une musique du compositeur australien Kevin March. Créée à Montréal en 1987 dans une mise en scène d’André Brassard, la pièce Les Feluettes a fait le tour du monde. Elle a été produite plus de cinquante fois et elle a tenu l’affiche pendant trois mois à Paris.

Elle raconte l’histoire de Simon, un détenu condamné pour le meurtre de son amoureux, Vallier. En prison, Simon et d’autres prisonniers séquestrent Bilodeau, un évêque, pour lui présenter une pièce de théâtre dans laquelle sont racontés les événements survenus à l’époque de la mort de Vallier. Leur objectif est de faire avouer à Bilodeau qu’il est le véritable auteur du meurtre. On retrouve donc, dans la pièce, deux Simon : le jeune et le vieux. Gino Quilico jouera le rôle du vieux Simon. Le jeune Simon sera chanté par le baryton Étienne Dupuis.

« Je viens de recevoir la partition et je l’ai un peu déchiffrée avec Dominic Boulianne, mais je vais m’y mettre plus sérieusement en février. Pour le moment, j’aime bien ma partie, qui est dramatique. J’apparais surtout au début alors que le vieux Simon raconte son histoire, et je reviens de façon ponctuelle par la suite. J’ai hâte d’entendre l’orchestre, car en musique contemporaine, les orchestrations sont souvent intéressantes. »

Michel Marc Bouchard lui-même a écrit le livret de l’opéra. La mise en scène sera assurée par Serge Denoncourt. La distribution, entièrement masculine, inclut également le jeune ténor québécois Jean-Michel Richer (Vallier) et le ténor canadien Gordon Gietz (Monseigneur Bilodeau). L’Orchestre Métropolitain sera dirigé par Timothy Vernon.

L’enseignement

Comme s’il n’était pas suffisamment occupé par ses multiples projets musicaux, Gino Quilico s’est laissé tenter par l’enseignement. Depuis quelques années, il donne des leçons privées.

« J’adore maintenant enseigner. Au début, j’étais hésitant, mais un jour, j’ai eu une élève, une soprano qui voulait apprendre à chanter pour le plaisir. J’ai commencé à travailler avec elle et tout d’un coup, j’ai vu une évolution. J’ai eu l’impression de lui avoir donné une voix, de l’avoir transformée. Je pense que c’est cela qui est excitant dans l’enseignement, d’amener une personne du point A au point B. Mon rêve serait, un jour, de former un grand chanteur. Que l’on dise : ça, c’est un élève de Gino Quilico. Ce serait une grande satisfaction. Mais je dis à mes élèves : c’est à vous de faire votre chemin. N’attendez pas de moi que je vous tienne la main. Je ne suis pas là pour prendre votre argent avec une leçon toutes les semaines. Travaillez de votre côté et revenez me voir. »

En février, il ira pour la seconde fois à Santa Catarina, au Brésil, donner des cours de maître dans le cadre d’un festival de musique.

« Ils me confient les mêmes élèves pendant deux semaines, quelque chose que je n’avais jamais vécu auparavant. J’ai trouvé passionnant de former ces jeunes artistes. Ça m’a donné le goût d’y retourner. Cette année, je vais faire ma première mise en scène d’opéra avec Carmen, que nous allons monter avec certains élèves. »

Les 3 mélodies préférées de Gino Quilico
Chanson Triste - Henri Duparc
L’Heure Exquise - Reynaldo Hahn
Beau Soir - Claude Debussy


Quelques concerts à venir :
Concert avec l’Ensemble Triosphère
. En première partie : la chanteuse de jazz Sonia Johnson. À l’église Saint-Jean-Baptiste, 18 décembre, 20 h. professeur-musique.com; lavitrine.com
Concert avec l’Ensemble Triosphère et le Chœur de La Prairie, 19 décembre, 20 h, église de la Nativité, La Prairie. www.choeurdelaprairie.com
Les Feluettes : du 21 au 28 mai, Opéra de Montréal. www.operademontreal.com


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