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La Scena Musicale - Vol. 21, No. 3 novembre 2015

La Magie de Vienne

Par Alexandre Da Costa / 1 novembre 2015

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Strauss
Le monument à Johann Strauss à Vienne

On m’a dit un jour que lorsqu’on quitte un lieu important dans une vie, il valait mieux ne pas y revenir avant au moins dix ans plus tard pour retrouver ce lieu inchangé et pur. J’ai suivi ce conseil à la lettre. En effet, en 2005, je quittais Vienne après y avoir vécu pendant quatre ans. Dix ans plus tard, j’ai retrouvé la ville pratiquement intacte, avec ses vieilles voitures de tramways et ses immeubles pleins d’histoire.

Revenu à Vienne en septembre 2015, j’y ai enregistré mon 25e disque, à titre de soliste et chef invité du Wiener Symphoniker, un des plus prestigieux orchestres au monde. Le moment vécu dans la ville impériale il y a quelques jours n’avait rien en commun avec le sentiment général qui m’habitait dans cette capitale musicale dix ans auparavant. La ville retrouvée était pleine de magie et de rêves, et d’un sentiment de fraîcheur que je n’avais pas réellement ressenti à cet endroit, qui m’avait paru plutôt austère et conservateur dans les années 2000. Cette fois, je vivais littéralement cette ville comme le dernier bastion sur terre où la musique et la culture en général inondent l’espace et habitent chaque personne dont les pieds se posent sur les pierres et les routes qui ont porté les pas d’innombrables génies tels que Mozart, Beethoven et Schubert. Une ville magique pour les musiciens.

La pierre angulaire du style musical viennois, un des piliers de mon cheminement académique, est une philosophie du son unique qui devrait faire partie de l’arsenal culturel et musical de chaque musicien. L’attaque des notes n’est jamais agressive, sans être faible non plus. J’ai toujours tenté d’expliquer cette philosophie à mes étudiants et j‘étais sincèrement ému de la retrouver chez tous les musiciens de l’Orchestre symphonique de Vienne. Spontanément, je n’ai pu m’empêcher de prendre quelques instants pendant l’enregistrement pour les remercier de cette chaleur sonore qui fera de ce disque un coffre aux trésors. Dire qu’il m’a fallu une décennie pour retrouver ce son qui calme les âmes et qui signifie pour moi le summum de la culture musicale !

Ayant été fortement influencé par la culture viennoise, c’est en tant que Stehgeiger (« le violoniste-debout ») que j’ai voulu aborder ce projet. Ce concept de soliste et chef à la fois est très viennois et suit les traces de compositeurs tels que Mozart et Johann Strauss. C’est d’ailleurs un rôle dans lequel je me sens très à l’aise pour un certain répertoire. Ce fut un réel délice de travailler de cette manière avec l’Orchestre de Vienne. J’ai pu obtenir le résultat musical que je recherchais grâce à la sensibilité des musiciens de l’orchestre, qui ont tous accepté de traiter cet enregistrement comme un grand projet de musique de chambre. Ils ne m’ont pas « suivi », nous avons tous joué ensemble, à la gloire de la grande musique.

Leur intérêt pour chaque détail musical lors des sessions d’enregistrement fut absolument remarquable. À chaque moment, chaque musicien donnait son maximum et désirait servir la musique de la meilleure façon possible. Personne n’était là pour faire juste « son boulot », ils étaient là pour vivre leur passion et le mode de vie qu’ils ont choisi. Sur les visages, je lisais le bonheur, je voyais des sourires sincères et des yeux ardents.

Vienne est un endroit où la musique fait partie intégrante du quotidien et où le passé, le présent et le futur sont remplis d’une culture qui nous est tout simplement vitale. J’y serai de retour dans quelques mois, pour un concert au Musikverein de Vienne avec l’Orchestre symphonique de Vienne, et partirai en tournée avec ce même orchestre en 2016-17 en Europe et en Asie. Je ne manquerai pas de m’inspirer du feu puissant qui embrase la plupart des musiciens de cette ville.

Le disque que je viens d’enregistrer se veut un partage généreux avec tous les publics, tant mélomanes et amateurs que puristes et connaisseurs. J’ai voulu rassembler tout ce que la musique classique a de mieux à offrir : le son et les musiciens de cette ville phare de la musique, un répertoire qui présente les plus belles mélodies des plus grands opéras sous forme de fantaisies et d’adaptations de violonistes du siècle passé comme Auer, Sarasate et Wilhelmj, et ma passion la plus intense. J’ai aussi joué sur l’un des plus beaux Stradivarius de la planète, le « Di Barbaro » de 1727, qui m’est prêté par la compagnie Canimex. Je crois donc avoir réuni les meilleurs ingrédients pour offrir la plus savoureuse des « Sachertorte » viennoises en musique : raffinée, sucrée, typique et unique !


Sur disque : Stradivarius à l’Opéra sera distribué mondialement début 2016.
En concert : Alexandre Da Costa sera en concert à la Place des Arts le 26 janvier prochain, http ://placedesarts.com


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(c) La Scena Musicale