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La Scena Musicale - Vol. 21, No. 2 octobre 2015

Ji Young Lim, lauréate du Concours Reine Elisabeth

Par Camilo Lanfranco / 1 octobre 2015

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Ji Young LimTantôt sombrement ludique, tantôt parfaitement délirante, la présentation de la violoniste sud-coréenne Ji Young Lim était à couper le souffle. Pour commencer l’épreuve, elle a choisi ...aussi peu que les nuages... du compositeur suisse Michel Jarrell, qui était présent. La composition, incorporant l’anxiété d’après-guerre, est quelque peu irrévérencieuse et comporte une touche épique. Rompant avec l’influence atonale de l’éphémère de Webern, la pièce était parfaitement choisie pour cet auditoire et ce jury contemporains.

C’est une œuvre d’art contemporain si puissante qu’il était difficile de ne pas être touché lorsque les rythmes complexes, les atonalités et les éclats énergiques de virtuosité semblaient émaner du plus profond de la jeune violoniste. Dans cette œuvre, aucun musicien ne saurait se sentir calmement entouré des schémas harmoniques habituels ou des règles mélodiques tonales; elle met mal à l’aise, elle dérange. Chaque virage dynamique est un défi inattendu. Le chef et l’orchestre ont suivi Young Lim avec tact et détermination. La violoniste, âgée de seulement 20 ans, qui a étudié en Corée, semblait plonger dans les entrailles profondes et tourmentées de ce monstre contemporain et le vider patiemment et méticuleusement de l’intérieur. Virtuose incroyable, Young Lim a soigneusement dessiné avec son instrument les sentiments subtils de chaque note, tirant de ses cordes un niveau de tonalité musicale allant du son brut et dur d’un coup de poignard en délire à la douce caresse d’une berceuse maternelle.

Parfois, Young Lim vous accrochait d’une note mi-aiguë ayant la douceur d’un crochet qui vous atteint droit au cœur. Quelques secondes plus tard, le crochet se retirait et vous étiez pleinement embarqué dans le périple. C’est cette capacité d’équilibrer les émotions fortes au sein d’une mer orageuse de rythmes variables, entre l’irrévérence et le désespoir, sans jamais tomber dans le cliché, qui a permis à Young Lim de mener efficacement l’orchestre à travers la tempête, jusqu’à la sécurité des eaux calmes.

La deuxième œuvre de son épreuve finale était le Concerto en ré majeur de Johannes Brahms.

Apprenant qu’elle avait remporté le concours, Young Lim trouvait enfin, en larmes, sourires et signes de reconnaissance, un exutoire à ses émotions, et son travail acharné était récompensé. Elle a reçu 25 000 € et le Stradivarius « Huggins » de 1708, prêté quatre ans.

La finale du Concours musical international Reine Elisabeth a eu lieu le 30 mai au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. L’Orchestre national de Belgique était dirigé par Marin Alsop.


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