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La Scena Musicale - Vol. 20, No. 4

Measha Brueggergosman : Noël en toute liberté

Par Richard Turp / 1 décembre 2014

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Measha Brueggergosman

Il semblerait que le soprano Measha Brueggergosman vit une période de réjouissance à l’heure actuelle. Après une opération à cœur ouvert en 2009 suivie de la naissance de son fils Shepherd il y a deux ans, elle retourne au tourbillon du monde de la musique classique (qui incluait une merveilleuse prestation en Bess dans la production de l’Opéra de Montréal de Porgy and Bess de Gershwin la saison dernière). Très attachée à son mari Marküs et à leur fils Shepherd, elle partage son temps entre des résidences en Suisse et dans les provinces maritimes. Avant d’entreprendre une tournée pancanadienne qui couvrira plus de vingt villes dans sept provinces, Measha Brueggergosman m’a parlé de son plus récent enregistrement, simplement appelé Christmas sur Warner Classics. L’album représente une nouvelle direction de carrière pour Brueggergosman.

Plutôt que d’engager un orchestre symphonique et de présenter un traditionnel récital « classique » de Noël, Brueggergosman a préféré miser sur quelques classiques de la chanson populaire américaine (en plus de deux nouvelles chansons) et collaborer avec deux musiciens canadiens de renommée internationale du monde populaire, Royal Wood et Sarah Harmer. De plus, elle s’associe aux réalisateurs Aaron Davis et Michael Philip Wojewoda, ce dernier étant le producteur d’albums pour Barenaked Ladies et Rheostatics.

Ainsi, aux côtés des célèbres et populaires Little Drummer Boy et The Christmas Song (ou si vous préférez, Chestnuts Roasting On An Open Fire) et la très belle chanson River de Joni Mitchell, Brueggergosman interprète des pièces classiques telles Es Ist Ein’ Rose Entsprungen et Minuit, Chrétiens d’Adolphe Adam. Un aspect révélateur du projet pour Brueggergosman fut le processus utilisé. « L’environnement créatif du projet était vraiment positif. À titre d’artiste lyrique avec un bagage très classique, je suis habituée d’interpréter et d’enregistrer un répertoire qui existe déjà, connu d’avance. Dans un sens, mon rôle comme interprète est déjà déterminé. Mais ici, j’avais une immense liberté et des possibilités créatives. Par exemple, si je voulais des clochettes ou un tambourin dans certains passages, eh bien, on me l’accordait. Ou si jamais je pensais enregistrer ma voix sur une piste puis me doubler sur une deuxième piste en accompagnement, je pouvais le faire. »

Un autre élément crucial pour Brueggergosman fut le temps consacré au projet. « Dans le domaine classique, nous avons en général trois ou quatre jours et rarement une semaine pour enregistrer un album. Ici, le processus s’est étendu sur quatre mois. Nous avons passé dix jours à planifier l’album en détail, puis nous l’avons enregistré sur trois mois. En fait, entre mai et juillet de cette année à Madrid, puis au nord de l’Ontario. Pouvez-vous imaginer le luxe de travailler dans de telles conditions, le privilège et le simple plaisir de travailler dans un processus de collaboration comme celui-ci ? » Elle en rajoute rapidement, en riant : « Comme le disait Michael Phillip Wojewoda, ça nous a permis “de programmer l’organe de Measha”. Cela m’a donné l’espace, le temps et la vision pour maximiser ma contribution vocale. »

Ces valeurs de production ont aussi permis à Measha Brueggergosman de garder ses propres priorités artistiques : « À titre d’artiste, j’ai une responsabilité de présenter un spectacle ou projet bien conçu, bien préparé et, je le souhaite, un aboutissement naturel pour moi. Mais en même temps, comme artiste lyrique, je procède de façon fort méthodique. Par exemple, feu Gérard Mortier m’a engagé pour chanter Jenny dans l’Opéra de quat’sous de Weill puis les trois rôles féminins dans Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach. Je croyais qu’il était fou, mais j’ai dit oui, car j’avais confiance en lui. Finalement, j’ai chanté Giulietta et Antonia, mais il avait raison de me demander de me surpasser. Ce projet avait des fins similaires. Le réalisateur Aaron Davis et moi avons travaillé sur le projet avant tout parce qu’il nous permettait, comme Aaron disait, “de mettre de nouveaux vêtements sur un corps qui existait déjà.” Je dois avouer que j’ai vraiment adoré pouvoir intégrer une partie de nous-mêmes dans ces chansons populaires et, personnellement, j’ai trouvé ça une expérience libératrice. »

Comment se sent-on quand on aborde des classiques modernes tels The Little Drummer Boy, It’s the Most Wonderful Time of the Year et Do You Hear What I Hear ? « Vous savez, je ne voulais pas refaire le monde. J’ai toujours laissé la musique me guider et j’ai grandi avec ces chansons. J’y ai apporté mes capacités et possibilités vocales tout en réalisant que les fins artistiques me semblaient sans limites. Puis je suis consciente de ma voix depuis des années. Je chante et je joue le piano depuis que j’ai quatre ans, alors j’espère que mon expérience et mes connaissances de ma personnalité vocale ont ajouté au processus. »

ChristmasUltimement, Measha Brueggergosman considère que cet enregistrement fut une expérience très positive. « Je suis très reconnaissante. J’apprécie énormément d’avoir eu la chance de travailler avec des musiciens et des réalisateurs d’un tel talent et surtout dans un environnement créatif aussi jouissif. Le fait d’avoir bénéficié de telles conditions, d’avoir eu ce temps, cet espace et d’avoir eu l’occasion d’être associée avec les bonnes personnes, de si merveilleux musiciens, a été l’expérience la plus excitante et inspirante qu’on puisse imaginer. J’espère simplement que le public aimera le résultat. »

En tournée au Canada Atlantique pour son album Christmas jusqu’au 20 décembre 2014. www.measha.com


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