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La Scena Musicale - Vol. 20, No. 4

Marie-Josée Lord : Amazing Grace

Par Richard Turp / 1 décembre 2014

English Version...


Marie-Josée LordMême au téléphone, on imagine facilement Marie-Josée Lord sourire. On l’entend dans sa voix et, quand le rire éclate, on retrouve cette femme si sympathique, vraie et franche. Peu surprenant donc qu’elle m’informe qu’elle ne voulait pas faire un album de Noël.

« Non, ironie du sort, on discutait d’un autre projet – qui prendra plus de temps à réaliser – quand on m’a proposé un album de Noël. Au départ j’étais contre parce que je trouvais l’idée moins originale; beaucoup d’artistes ont fait leur disque de Noël. Je ne voulais surtout pas faire une autre version de Mon beau sapin ou Jingle Bells. Puis, en discutant avec l’équipe d’ATMA Classique, j’ai réalisé que je pouvais apporter ma personnalité au projet. »

« Avant tout, je voulais un album vocal de recueillement et de réjouissance, un album qui refléterait ce que je considère comme la vraie signification du temps des fêtes. J’avoue que le matérialisme, la surconsommation qu’on associe aujourd’hui avec Noël m’énerve et m’exaspère. C’est peut-être à contre-courant, mais je cherchais à offrir un disque qui aiderait ou qui inspirerait la réflexion, un regard intérieur. »

Lord opte aussi pour la qualité et la simplicité dans son équipe de collaborateurs et pour les arrangements musicaux. Elle recrute l’organiste Jean-Willy Kunz et le violoniste Antoine Bareil ainsi que l’ensemble vocal Épiphanie pour partager l’interprétation de quelques spirituals tels Mary had a baby et Ain’t got time to die. Le disque comporte aussi des pièces plus « classiques » (telles l’Ave Maria de Bach/Gounod, Pietà Signore et le traditionnel Minuit, Chrétiens d’Adolphe Adam). « Ce répertoire était déjà prêt, je le chante depuis longtemps, mais je voulais aussi intégrer de nouvelles pièces comme The Holy City de Stephan Adams, qui m’avait tellement marquée lorsque j’avais entendu Jessye Norman l’interpréter. Finalement, on y retrouve seulement trois ou quatre morceaux associés à Noël et, bien humblement, j’espère que ce disque peut offrir un élément spirituel, un moment de recueillement et d’inspiration à l’année longue. »

Quand je lui demande si elle est heureuse du résultat, elle affirme que oui, puis nuance sa réponse : « La chose que je trouve la plus difficile à faire est de lâcher prise. On produit un disque compact de façon rapide; celui-ci a pris quatre jours à enregistrer. Un enregistrement demeure un défi vocal de taille, mais pas seulement vocal. C’est un processus intense et exigeant autant mentalement que vocalement. De plus, j’ai dû demander une journée de repos à l’intérieur de l’horaire d’enregistrement originalement prévu, alors la pression se faisait ressentir davantage. Puis, on aimerait toujours refaire, reprendre, améliorer l’interprétation ou la conduite vocale, on peut raffiner de plus en plus, mais il y a des limites et à un moment donné, on doit arrêter. » Puis après un autre éclat de rire, Lord ajoute que « c’est précisément cet état de “lâcher-prise” que je trouve difficile à trouver. »

Quand j’ai parlé à Marie-Josée Lord, elle était en pleine tournée provinciale, une tournée de concerts axée sur la sortie de l’album Amazing Grace. « Nous quittons Baie Comeau aujourd’hui en direction de Sept-îles. J’avoue que j’ai réduit le nombre de tournées que j’entame par saison. Entre 2008 et 2012, il me semble que je n’ai pas arrêté de tourner. Aujourd’hui, je trouve ça plus difficile de partir, de quitter la maison. Par exemple, après un concert, la nuit venue, on se retrouve à penser souvent qu’on aimerait se coucher dans son propre lit, retrouver son oreiller et sa douillette. Paradoxalement, je trouve que je vis de façon plus intense une fois sur scène. C’est sur scène que j’oublie tout pendant deux heures. C’est là que je peux me concentrer sur ma performance, sur ma relation avec le public, ce même public qui me nourrit et qui m’anime. À ce moment-là, je pense souvent à Edith Piaf. [Lorsqu’elle était] malade et épuisée, on lui avait suggéré de diminuer ses activités. Elle avait refusé. Puis, quand on lui avait demandé ce qu’elle ferait si elle quittait la scène, elle avait simplement répondu : mourir. » En riant de nouveau, la soprano ajoute : « Je ne me compare pas à la Piaf, mais je comprends ce besoin d’être sur scène, de partager avec le public. C’est ça qui me donne de l’énergie et me nourrit. »

Amazing GraceUne fois la tournée Amazing Grace terminée, qu’est-ce qui attend la chanteuse ? « L’autre chose qui me nourrit, ce sont de nouveaux projets. J’ai besoin de nouveaux projets, de nouveaux défis pour avancer. Sans cela, je tomberais dans la dépression ou la paresse. » Le nouveau projet de Marie-Josée marque un certain retour au monde de l’opéra. « Après Bouillon il y a quelques années, j’appelle ce nouveau spectacle Femme. Je voulais illustrer des aspects de la femme à travers des airs d’opéras et quelques extraits du répertoire plus populaire. Je voulais dessiner un portrait de la femme, explorer les passages obligés dans la vie d’une femme à travers la musique et les personnalités vocales de Mozart, Gounod et Massenet. C’est un autre défi vocal pour moi. On m’associe souvent à la musique de Puccini et Gershwin mais là, je dois utiliser une dimension plus ‘spinto’ de ma voix. » Après une courte pause, elle continue : « On verra bien ce que ça donnera – et assez rapidement –, car on part en tournée avec le spectacle au mois de janvier 2015 ! » Comme vous le devinez, Marie-Josée Lord termine l’entretien avec un dernier éclat de rire.

En concert : 5 déc. à Longueuil, QC; 7 déc. à Oxford, QC; 12 déc. à Sainte-Julie, QC. www.mariejoseelord.com


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