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La Scena Musicale - Vol. 20, No. 1

Jean-Willy Kunz : La vie à l'orgue

Par Caroline Rodgers / 1 septembre 2014

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 Jean-Willy Kunz

Sur la route de Jean-Willy Kunz, il y a eu de la chance et de belles occasions, mais surtout du talent et énormément de travail. Avant d’être nommé premier organiste en résidence du Grand Orgue Pierre-Béique de l’Orchestre symphonique de Montréal, le musicien de 34 ans avait déjà accumulé une solide expérience musicale et collectionné les diplômes, en France et dans sa patrie d’adoption depuis maintenant dix ans, le Québec.

La première fois que Jean-Willy Kunz a mis les pieds au Québec, à vingt ans, c’était pour participer à un congrès international… de saxophone ! Ayant formé un duo orgue et saxophone avec un ami, ils étaient venus à Montréal pour jouer, tout simplement. Il allait revenir par la suite pour des vacances et, deux ans après sa première visite, pour entreprendre des études au Conservatoire de Montréal avec Mireille Lagacé.

Dix ans plus tard, il est devenu l’un des musiciens de l’heure dans la métropole, multipliant les concerts et les collaborations. Outre son rôle à l’OSM, il a récemment été nommé chef en résidence du Studio de musique ancienne de Montréal. Il collabore également avec l’Ensemble Caprice.

Nouvelle vie

« Je suis vraiment déménagé ici pour étudier et je n’ai pas arrêté de le faire, de 2004 à 2011, dit Jean-Willy Kunz. J’ai été très agréablement surpris de voir le haut niveau d’études au Québec. Plusieurs de mes amis musiciens souhaitent aller en Europe pour étudier ou faire carrière. Je suis l’un des rares à avoir fait le trajet inverse. Je trouve que c’est formidable. Pourquoi aller voir ailleurs quand on a ici d’excellents professeurs qui ont eux-mêmes étudié en Europe ? »

Selon lui, le Québec et Montréal possèdent d’excellents instruments.

« Ils ne sont pas aussi historiques que les orgues d’Europe, mais ils sont historiques à l’échelle du Québec. On a des Casavant de plusieurs esthétiques et de plusieurs époques. On a aussi des orgues d’autres facteurs comme Beckerath, dont celui de l’Oratoire Saint-Joseph. À Montréal, on a au moins un orgue italien dans Hochelaga-Maisonneuve, et au moins deux orgues classiques français. »

Mais le plus important pour lui est que ces orgues sont facilement accessibles.

« Je me fais très plaisir à Montréal, et j’ai eu ici des occasions et des possibilités que je n’aurais jamais eues en France. Un mois après mon arrivée, en 2004, j’avais déjà joué sur les plus grands instruments de la ville. Je n’avais que 24 ans. Les gens d’ici sont très accueillants et les organistes aussi. On m’a ouvert très grand les portes des églises. Pour faire ses preuves en France à 24 ans et avoir accès à de grands instruments, c’est beaucoup plus difficile. Quand j’ai vu l’accueil qui m’était réservé, je me suis demandé pourquoi je repartirais ! »

Pendant ses études, il a donc eu la chance de pratiquer à sa guise sur deux orgues qu’il considère parmi les meilleurs de Montréal : celui de l’église Saint-Jean-Baptiste (un Casavant de 1915) et celui de l’église Immaculée-Conception (un Beckerath).

Organiste en résidence

Au terme d’un processus de sélection piloté par un comité international de musiciens, Jean-Willy Kunz était nommé organiste en résidence du Grand Orgue Pierre-Béique de l’OSM en mars 2013. Parmi les membres du jury, on retrouvait Kent Nagano, Pierre Grandmaison, Olivier Latry et Jacquelin Rochette, de Casavant.

« Le poste d’organiste en résidence n’existe pas ailleurs au Canada, et à ma connaissance, ça n’existe pas non plus en France », dit Jean-Willy Kunz. Ailleurs au Canada, il y a très peu d’orgues dans des salles de concert. Le nouveau Casavant du Palais Montcalm en est un. On en trouve également à Toronto, Calgary et Edmonton. Aux États-Unis, plusieurs salles de concert ont des orgues et certaines ont des organistes en résidence.

Au-delà du fait de donner plusieurs concerts et récitals par an sur l’orgue de l’OSM, le rôle de l’organiste en résidence est plus large. « Je suis responsable du rayonnement à long terme du Grand Orgue Pierre-Béique. C’est un poste très public, en ce sens que d’une certaine façon, je personnifie l’orgue aux yeux de la population en le représentant, par exemple, dans les médias. Mais ce n’est pas tout. Au-delà du feu d’artifice qu’a été son inauguration, il faut continuer à développer sa programmation. J’y travaille conjointement avec Marianne Perron, la directrice de la programmation de l’OSM. »

Il s’agit d’un travail passionnant qui lui permet de se tenir au courant de tout ce qui se fait ailleurs en orgue et d’être en contact avec des organistes d’Amérique du Nord et d’Europe. « J’écoute énormément de répertoire et je fais de la recherche sur les programmations de saisons d’orgue à l’étranger. Il est important d’établir des liens avec les autres villes et les autres pays pour échanger des idées et proposer des collaborations. »

Parmi les tâches connexes, il donne également des visites guidées de l’orgue lorsque le besoin se présente. Il veille également à ce que l’instrument soit toujours en bon état et bien entretenu. « Si un problème survient avec l’orgue, c’est moi qui vais appeler Casavant. »

Pour ce qui est du jeu sur le nouvel instrument de la Maison symphonique, il l’apprivoise petit à petit.

« C’est le travail de toute une vie que d’apprendre à connaître un orgue. Chaque fois qu’un organiste vient pour l’essayer, je découvre un nouvel instrument. On a tous nos préférences sonores. Pour jouer une même œuvre, dix organistes différents vont utiliser dix registrations différentes en fonction de leur bagage musical. À la journée portes ouvertes de l’inauguration, nous avons entendu sept concerts, et c’était comme s’il y avait sept instruments différents. »

Pour le soutenir dans son exploration, le système électronique ultrasophistiqué du Grand Orgue Pierre-Béique est un outil précieux.  « Je peux m’enregistrer et avec l’iPad, je peux aller à l’autre bout de la salle, appuyer sur une touche et faire rejouer l’orgue pour évaluer ce que je viens de faire. C’est un système très utile. Il faut se rappeler que l’on joue pour le public qui est assis derrière nous, dans la salle. Le fait de pouvoir s’écouter jouer comme ça, à distance, c’est formidable. »

Studio de musique ancienne et Ensemble Caprice

Pour la première fois dans son histoire, le Studio de musique ancienne (SMAM), qui vient de fêter ses 40 ans, a un chef en résidence pour épauler Christopher Jackson, son fondateur.

« Pour assurer la pérennité du SMAM et une transition vers l’avenir, Christopher a pensé faire appel à un chef en résidence. »

Pour l’organiste, qui a suivi des cours en direction d’orchestre lors de son passage au Conservatoire de Montréal, il s’agissait d’une offre impossible à refuser. « J’ai toujours beaucoup aimé la musique pour chœur. Me voir confier la direction, à moyen terme, d’un ensemble vocal professionnel de haut niveau qui vient de fêter ses 40 ans, c’était une offre très alléchante que je n’aurais même pas crue possible il y a quelques années encore. La réputation du SMAM n’est plus à faire. »

Pour la prochaine saison du SMAM, Jean-Willy Kunz dirigera quelques œuvres dans les concerts de la saison régulière ou, encore, assurera le continuo. Il fera ses débuts au premier concert de la saison, qui aura lieu le 12 octobre à l’église Saint-Léon-de-Westmount.

Cette saison, on lui confiera également une partie de la tournée du Conseil des arts de Montréal pour jouer dans les Maisons de la culture.

« Mon travail avec le SMAM va évoluer au fil des mois et des années, dit-il. Progressivement, Christopher va me confier la direction de plus en plus. Il faut établir une confiance mutuelle. Nous avons déjà la même conception de la musique et des idées qui se ressemblent. Il est lui aussi organiste et nous sommes spécialisés à peu près dans le même répertoire. » Les deux musiciens se rencontrent régulièrement pour discuter du répertoire à venir. « Petit à petit, je vais prendre plus de place », dit-il.

Une autre collaboration lui tient à cœur : celle avec l’Ensemble Caprice. « J’adore travailler avec eux. Nous avons toujours des programmes très intéressants et j’ai eu l’occasion d’enregistrer avec eux l’an dernier pour le disque Adagio. C’est un ensemble à géométrie variable en fonction des projets. On peut aussi bien n’être que trois musiciens que former un orchestre baroque au grand complet. »

Concours international d’orgue du Canada

En octobre aura lieu la troisième édition du Concours international d’orgue du Canada. Lors de la première édition, Jean-Willy Kunz a terminé troisième et remporté le Prix du public Richard-Bradshaw. Cette année, il participera au concert inaugural.

« J’ai très hâte de voir la relève. Parmi les seize candidats que nous allons entendre, une grande majorité a déjà remporté des prix internationaux. Les concours comme celui-là créent une formidable émulation. Ce sera la folie. À Montréal, tout le monde va parler d’orgue. »

Le concert gala des lauréats du concours aura lieu à la Maison symphonique le 19 octobre.

Jean-Willy Kunz, une biographie
1980  : naissance dans la région de Grenoble, en France
À 4 ans, il commence l’apprentissage du piano.
À 8 ans, il entre au Conservatoire de Grenoble en piano.
À 9 ans, il essaie l’orgue pour la première fois.
À 12 ans, il entre au Conservatoire de Lyon en orgue.
Pendant plusieurs années, il étudie le piano et l’orgue simultanément dans les deux conservatoires.
À 18 ans, il obtient son prix du Conservatoire de Lyon (Médaille d’or) et décide d’arrêter l’orgue. Il s’inscrit en jazz au même conservatoire et étudie cette musique pendant cinq ans.
De 17 à 19 ans, il poursuit des études d’allemand à l’université. Il forme un duo saxophone et orgue avec un ami, Frédéric Lagoutte. Il enseigne aussi le piano.
À 20 ans, il participe à un congrès international de saxophone avec son duo, à Montréal.
À 23 ans, il revient en vacances au Québec et tombe amoureux de la Belle Province.
À 24 ans, il déménage à Montréal et recommence l’orgue avec Mireille Lagacé au Conservatoire de Montréal. Il étudie également le clavecin avec elle.
À 31 ans, il termine son doctorat en interprétation en orgue à McGill avec John Grew.

Prix
2008 – 2e prix au Concours international d’orgue de Chartres
2008 – 3e prix et prix du public au Concours international d’orgue du Canada

Dix concerts à venir en 2014
13 septembre, 15 h  : Cantates de Bach avec l’OSM, salle Bourgie
14 septembre, 14 h  : Cantates de Bach avec l’OSM, salle Bourgie
7 octobre, 20 h  : Concert d’ouverture du CIOC, église St. James United
12 octobre, 15 h  : Concert Ibérie mystique avec le SMAM (débuts comme chef en résidence), église Saint-Léon de Westmount
9 novembre, 14 h 30  : Concerto pour orgue de Jacques Hétu avec l’OSM, Maison symphonique
12 novembre, 20 h  : Symphonie no 3 de Saint-Saëns avec l’OSQ, Palais Montcalm
16 novembre, 19 h 30  : Concert avec l’Ensemble Caprice, église Saint-Pierre-Apôtre
26 novembre, 19 h 30  : récital d’orgue dans le cadre du Festival Bach, église de l’Immaculée-Conception
3, 4 et 7 décembre  : Concert Bach et Mendelssohn avec l’OSM et Masaaki Suzuki, Maison symphonique
10 décembre, 20 h  : Messie de Haendel avec l’OSM, Maison symphonique

www.jwkunz.com; www.smam-montreal.com; www.ciocm.org; www.osm.com; www.fondationartemusica.ca


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