Compétitions
par Philip Anson
&
Wah Keung Chan
En été,
les concours musicaux abondent, et Montréal sert d'hôte à plusieurs
de ces événements prestigieux. La Scena Musicale a demandé à
plusieurs gagnants de concours de nous entretenir sur leurs
expériences.
Angela Cheng (récipiendaire du premier prix de piano en
1988 au Concours International de Montréal de piano):
"J'étais
très jeune lorsque j'ai commencé à participer aux concours, comme
celui des Kiwanis et le Concours de musique du Canada. Les concours
m'ont appris à bien me préparer et planifier mon travail, car quand
j'étais enfant, j'étais un peu paresseuse. Ces concours m'ont permis
d'avoir des objectifs et je savais qu'il me fallait pratiquer de
façon plus assidue pour les rencontrer.
"Si on réussit, cela nous donne de l'assurance ainsi que de
l'expérience. Chaque concours est différent. Le Concours
International de Montréal est très exigeant dû au large répertoire
demandé. Le chemin des concours n'est pas aussi utile à tous, mais
c'est la seule façon pour moi de débuter ma carrière.
"Chaque performance, que ce soit en concert ou en concours, est
source de stress. On veut tellement rendre la musique à son
meilleur. Le stress est tout aussi grand lorsque l'on joue en
compétition devant une seule personne, ou lors d'un concert devant
mille personnes.
"Les concours à mon avis sont seulement une façon de se
différencier des autres. Contrairement à un examen de mathématique,
le résultat n'est pas la vérité absolue. Même si on gagne, ça ne
veut pas dire qu'on est le meilleur dans le groupe. Ça veut
simplement dire que ce jury-là avait une préférence envers moi par
rapport aux autres. C'est subjectif. Tu dois toutefois communiquer
l'importance qu'a la musique pour toi, pourquoi tu la joues et
pourquoi tu veux la partager. La seule différence peut être la façon
que tu projettes dans une salle plus grande par rapport à une salle
plus petite.
"J'ai été très chanceuse et j'ai été au bon endroit au bon
moment. La victoire à Montréal a ouvert beaucoup de portes au
Canada. Encore plus important, c'est de se faire réengager; c'est
ça, la preuve du succès."
La soprano Karina Gauvin a remporté de nombreux prix de
concours. Entre autres, le Concours national de la radio de CBC pour
Jeunes Interprètes 1995, le prix Lieder et le prix du public au
Concours International de Chant de S'Hertogenbosh, le premier prix
en 1994 au concours du Club Musical des Dames à Toronto, et en 1992,
le premier prix au Concours National de Chant de Guelph.
"Le Concours de musique du Canada fut le premier concours auquel
j'ai participé. Il est primordial dès le début d'une carrière de
monter sur scène. Les concours peuvent être très effrayants, plus
encore qu'un concert. Parfois je suis tellement effrayée que je me
demande ce que je fais là. Ce qui m'aide beaucoup, c'est d'avoir un
public en avant-plan et le jury à l'arrière. Dès la première ronde
du concours de S'Hertogenbosh, le public s'est fait nombreux ainsi
que très chaleureux. Alors j'ai senti que je chantais pour un public
et non pour une salle vide.
"L'un des fruits de ces expériences, c'est d'avoir appris à gérer
le trac. Maintenant, lorsque je suis inquiète pour un concert, je
n'ai qu'à me souvenir d'un concours très éprouvant, et je vois que
j'ai survécu à bien pire. Toutefois, il est difficile les premiers
temps de se rendre compte qu'on ne peut plaire à tout le monde. Il y
a presque toujours un membre du jury en particulier qui nous
inquiète. Parfois les décisions rendues n'ont pas beaucoup de sens.
Par exemple, l'année où j'ai remporté le deuxième prix au Concours
de l'Orchestre Symphonique de Montréal, ils m'ont dit que j'étais
trop jeune pour recevoir un premier prix.
"Les concours m'ont aidé à apprendre du répertoire rapidement,
surtout les morceaux contemporains. Ils m'ont également appris à
demeurer objective, à savoir si mon interpétation est bonne, si le
public l'apprécie. On ne sait jamais si le monde va nous aimer. Les
fois où nos performances ne passent pas bien avec l'auditoire nous
servent alors de leçons d'humilité. Malgré cela, il nous faut
demeurer vrai. Je ne participe jamais à un concours en étant
certaine de ma victoire. Ce serait ridicule. Je ne pense qu'à la
musique et à l'interprétation que je veux en faire. Notre but
artistique est d'émouvoir les gens par la musique en communiquant
l'intention du compositeur; on espère que c'est aussi ce que le jury
recherche. On peut ne pas gagner, mais ça ne veut pas dire qu'on
n'est pas bon. Et si on se prépare pour le pire, notre victoire
devient alors une belle surprise."
Le ténor Jianyi Zhang était en troisième année d'études au
Conservatoire de Shanghai lorsqu'il a remporté le premier prix du
prestigieux Concours de Chant Belvédère en 1984.
"Beaucoup de compétiteurs ont participé dans l'espoir de gagner.
Moi, j'étais tout simplement parmi les étudiants du Conservatoire de
Shanghai que le gouvernement chinois avait envoyés. À l'époque, je
ne savais pas que ce concours était d'un tel prestige; alors sans
prétentions, j'ai chanté les huit airs que je possédais à mon
répertoire, et voilà que j'ai remporté le premier prix! Ça a été un
point tournant parce que j'ai reçu plusieurs offres de chanter à
l'opéra. Malgré mon manque d'expérience dans les productions d'opéra
avec mise en scène, je désirais vivement apprendre."
Dans l'espace d'un an, la carrière du baryton canadien Desmond
Byrne a connu un impresionnant début de carrière en se
distinguant lors de 3 concours internationaux. Il obtient en 1990 le
ler Prix Mozart et le 3ème prix au concours Belvedere International,
en 1991 le 4ième prix au concours Gloire de Mozart et le 5ième prix
au concours Rosa Ponselle en 1990.
"Je n'ai jamais participé aux concours canadiens. Je suis un
chanteur très critique vis-à vis moi-même. Je me suis développé
tardivement et je ne me sentais pas prêt à auditionner avant la fin
de la vingtaine. Au concours Belvedere, il y avait 350 chanteurs
seulement dans les 3 premiers jours. J'ai décidé d'attirer
l'attention en interprétant le monologue du Hollandais volant.
Les concours sont de bonnes occasions pour voir comment nous
réagissons sous pression. C'est un moment privilégié pour apprendre
mais ce n'est pas comme une vraie performance. Lors d'un concert, le
stress est moins intense. Après les concours Belvedere, Gloire de
Mozart et Rosa Ponselle j'étais exténué, mon corps épuisé.
J'ai participé à ces concerts dans le but de donner le meilleur
de moi-même. Je ne pensais pas remporter de prix. La plupart des
concours sont des compétitions pour "grandes"voix à moins que le
chanteur lyrique ou le colorature soit exceptionnel. Je suis
chanceux, j'ai un assez puissant instrument.
Les concours nous permettent de se faire entendre et nous
d'entendre les autres. C'est en ces occasions qu'avec mon agent,
j'ai obtenu quelques contrats car les personnesqui prennent des
décisions artistiques m'y ont entendu.
La carrière du pianiste canadien Anton Kuerti a également
été propulsé gràce au prestigieux prix Leventritt. Suite à cette
distinction, une série d'enregistrements sous étiquettes
internationales ont été réalisés et sa carrière comme concertiste a
connu un essor.
"En de
rares occasions, j'ai été jury à des concours, mais j'ai plus
souvent refusé qu'accepter. Le mieux que l'on peut dire au sujet de
ces concours c'est qu'ils sont un mal nécessaire. Comment juger ce
qui est le meilleur? La musique est un art et chaque personne a ses
opinions et ses propres critères. Il y a tellement d'autres facteurs
impliqués, politique, favoritisme et même sabotage-oui cela est
arrivé quand un pays se sentait menacé par un autre. Néanmoins,
c'est une occasion pour les jeunes musiciens talentueux de se faire
remarquer par les agents, chefs d'orchestre, imprésarios, gérants
d'artiste et le public, surtout s'ils n'ont pas d'argent et de
contacts. Dans l'ensemble, les concours sont utiles.
"Je fais partie maintenant du comité pour les Prix des jeunes
musiciens canadiens. Chaque année, les musiciens sont sélectionnés
non pas par concours mais plutôt par leur expérience et
réputation.
"On peut demander à un ou deux candidats de jouer afin de
s'assurer qu'ils sont prêts pour être aidés et dirigés vers une
carrière solo mais ce n'est définitivement pas par concours."
La soprano canadienne Isabel Bayrakdarian nous décrit
l'expérience de cette victoire.
"Je
n'ai vraiment participé aux auditions que pour l'expérience
éducative. C'est une très bonne façon d'apprendre du nouveau
répertoire et de répéter avec des gens d'expérience comme Stuart
Hamilton. On a seulement un ou deux airs pour montrer ce qu'on peut
faire, alors chacun des cinq airs qu'on prépare doit être aussi bon
que possible. Qu'on gagne ou non, ça bâtit notre caractère.
"J'ai chanté "Bel raggio lusinghier" de Rossini en premier;
ensuite le jury a choisi "Deh vieni non tardar". En fin de compte,
j'ai chanté ces mêmes deux airs à chaque tour. C'était un peu
décevant parce que je voulais montrer ma versatilité.
"La victoire régionale a été une surprise totale. Parmi les douze
finalistes, je m'attendais à recevoir le troisième prix. Quand ils
ont nommé le troisième, je me suis dit "C'était ma dernière chance".
Je n'étais pas surprise quand on a donné le second prix à quelqu'un
d'autre. Mais quand ils ont dit mon nom pour le premier prix,
j'étais abasourdie.
"Je ne considère pas que la compétition est un combat contre les
autres participants. Les finales du Met sont fermées au public mais
ils ont laissé entrer les amis et la famille, ce qui nous a donné un
petit public, et je chante mieux devant un public. Je n'étais pas
trop nerveuse. Le secret est de convertir son énergie nerveuse en
excitation et non en peur. Quand le surplus d'adrénaline se fait
sentir, l'expression artistique du chant devient soudainement une
chose divine. Ça vient avec l'expérience et l'amour du théâtre. Et
j'adore être sur la scène."
Vervier / Jeunes Ambassadeurs Lyriques --- Les premières
rondes éliminatoires de la douzième Compétition Annuelle
Internationale Vervier et du concours Les Jeunes Ambassadeurs
Lyriques (JAL) ont eu lieu à Toronto le 10 juin et à Montréal le 11
juin. C'est la première fois que la compétition Vervier de Belgique
a tenu sa première ronde en Amérique du Nord. Les auditions Vervier
ont été combinées efficacement avec JAL puisque plusieurs
compétiteurs se sont inscrits aux deux. La compétition de Toronto
était privée, mais celle de Montréal était ouverte au public, à la
Chapelle du Bon-Pasteur. Les juges étaient Raymond Rossius
(Belgique), Jeannette Aster (Canada), Jean-Louis Grinda (Monaco),
Alain Nonat (Canada) et Danièle Ory (France), dont quatre étaient
directeurs artistiques de compagnies d'opéra.
Les candidats ont soumis une liste de cinq airs. Ils ont chanté
leur premier air, et le jury pouvait leur demander un second air
dans cette liste. Selon M. Alain Nonat, organisateur de la
compétition et juge, plusieurs chanteurs (en particulier à Toronto)
sont passés à la seconde ronde sans avoir eu à chanter un deuxième
air.
"En général, nos critères étaient simplement de nous demander si
le chanteur serait engagé ou recevrait une deuxième audition dans
une compagnie d'opéra. Nous avons demandé un deuxième air si nous
voulions entendre quelque chose en particulier ou n'étions pas
certains. Pour le Vervier, nous avons seulement choisi ceux qui
avait une bonne chance d'atteindre la ronde finale en Belgique,
parce que les frais de voyage des finalistes sont remboursés."
Les candidats retenus pour les semi-finales avec mise en scène et
costumes de la compétition Vervier, qui auront lieu les 9 et 10
septembre en Belgique, sont la soprano colorature Alexandra Lennox,
le ténor David Pomeroy, la basse Randal Jakobsh et la soprano Louise
Marcotte.
La compétition JAL a choisi 20 candidats (10 de Toronto et 10 de
Montréal) pour les semi-finales le 30 novembre et le 3 décembre 1997
à Montréal. Ceux de Toronto sont Paul Grindlay, Maria Soulis,
Rayanne Dupuis, Sergei Stilmachenko, Marian Sjölander, David
Pomeroy, Olga Primak, Alexandra Lennox, Randal Jakobsh et Nathalie
Paulin. Ceux de Montreal sont Nadine Goffoy, Monique Pagé, Ethel
Gueret, Measha Gosman, Mireille Dufour, Alain Coulombe, Louise
Marcotte, Steven Pitkanen, Raphael Paquette et Joane Bellavance.
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