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La Scena Musicale - Vol. 19, No. 4

Porgy and Bess

Par Joseph So / 1 décembre 2013

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Porgy & Bess

De nos jours, Porgy and Bess de George Gershwin est reconnu comme la quintessence de l’opéra populaire américain. Selon les statistiques des cinq dernières saisons (2008-2009 à 2012-2013), le chef-d’œuvre de Gershwin se classe au 117e rang pour le nombre de représentations parmi 2415 œuvres. Si cet opéra figure d’emblée au répertoire lyrique contemporain, ses débuts ont été plutôt difficiles.

L’opéra tire son origine d’un roman publié en 1924, Porgy, de l’écrivain Edwin DuBose Heyward, un résident de la Caroline du Sud. Le personnage de Porgy est inspiré d’une personne handicapée de race noire accusée d’un meurtre passionnel. Le roman a été ensuite adapté au théâtre avant de devenir l’opéra de Gershwin. Jouissant d’une réputation de compositeur de chansons à succès à Broadway, Gershwin, de formation classique, a tenté d’obtenir du succès comme compositeur de musique classique. Ses œuvres classiques, le Concerto en fa (1925) et le poème symphonique Un Américain à Paris (1928), ont certes été bien accueillies par le public, mais les critiques d’alors appréciaient mal l’arrivée du jazz et du blues dans la musique classique. Gershwin, nullement découragé, consacrera deux ans à composer et orchestrer Porgy and Bess, achevé en 1934. Il va sans dire que la production de cet opéra en trois actes comprenant dix-neuf personnages principaux et un grand orchestre était une entreprise colossale. L’obtention de fonds s’est avérée difficile et des coupures ont dû être effectuées. La première à Boston a remporté un succès auprès du public, mais la critique était partagée. À New York, même son de cloche et l’opéra ne tiendra l’affiche que durant 124 représentations.

Relégué par la suite aux oubliettes, Porgy and Bess n’a été repris qu’en 1942 à Broadway, sous la forme d’une comédie musicale en deux actes avec des dialogues chantés. En 1952, on tente de donner à l’opéra un nouveau souffle avec une production mettant en vedette la jeune Leontyne Price dans le rôle de Bess aux côtés de son mari d’alors, William Warfield, qui chantait Porgy. Paradoxalement, cette production a été mieux accueillie en Europe qu’en Amérique, remportant ainsi un vif succès lors de la première à Londres ainsi que lors des représentations à La Scala et à Moscou. Les versions jazz de Porgy and Bess deviennent monnaie courante dans les années 1950, grâce notamment aux interprétations de Louis Armstrong et Ella Fitzgerald. Puis, en 1959, un film en est tiré avec Sidney Poitier et Dorothy Dandridge. L’émergence du mouvement pour la défense des droits civiques aux États-Unis dans les années 1950 et 60 n’a certes pas contribué au succès du film, le public étant mal à l’aise avec le thème de la condition des Noirs américains. En effet, plusieurs artistes afro-américains ont refusé de participer au film, considérant qu’il véhiculait des stéréotypes peu flatteurs à l’égard des Noirs américains.

Ce n’est qu’à partir des années 1970 que l’opéra Porgy and Bess reprend ses lettres de noblesse, grâce notamment à un album remarquable (étiquette Decca) acclamé par la critique, enregistré en studio en 1976 selon les partitions originales de Gershwin sous la baguette de Lorin Maazel. La même année, une production du Houston Grand Opera (HGO) est couronnée de succès. Cette dernière production sera reprise avec succès à Broadway. Porgy and Bess est enfin reconnu comme un classique du répertoire lyrique contemporain. L’œuvre sera finalement présentée au Met en 1985 et mettra en vedette Simon Estes et Grace Bumbry. D’autres productions suivront, entre autres à l’opéra de Glyndebourne (1986), au New York City Opera (2000), au Los Angeles Opera (2007) et à Édimbourg (2010). Les adaptations récentes de Trevor Nunn (2006) et de Diane Paulus (2011) ont connu du succès (et soulevé certaines controverses) tant à Londres qu’à New York.

Les mélodies magnifiques et innovatrices, les personnages authentiques, le caractère intensément dramatique et la profondeur d’émotion de l’œuvre expliquent l’attraction qu’exerce Porgy and Bess. L’histoire d’amour entre le mendiant infirme Porgy et Bess, une femme opprimée, figure parmi les plus touchantes du répertoire lyrique. Les interprètes ont l’occasion de donner la pleine mesure de leur voix dans un flot de mélodies mémorables qui semblent s’enchaîner : It Aint Necessarily So, I Got Plenty O’Nuttin’, I Loves You, Porgy, My Man’s Gone Now et, bien sûr, Summertime. Pointé du doigt pour avoir présenté le point de vue d’un blanc sur la condition des Noirs américains, on doit reconnaître que Porgy and Bess a permis de lancer la carrière lyrique de nombreux chanteurs afro-américains. Selon les conditions de la succession de Gershwin, Porgy and Bess devrait dans la mesure du possible être présenté par une distribution composée exclusivement de personnes de race noire et, sauf de rares exceptions, il en a toujours été ainsi.

Discographie de Porgy and Bess

Parmi les enregistrements les plus mémorables de l’opéra Porgy and Bess, l’album réalisé en 1976 pour Decca, avec Maazel à la direction de l’orchestre de Cleveland et mettant en vedette White et Mitchell, occupe une place d’honneur. Digne de mention est l’album du Houston Grand Opera sur étiquette RCA, avec Donnie Ray Albert et Clamma Dale sous la direction de John DeMain. Suit l’enregistrement sur étiquette EMI à Glyndebourne en 1989, sous la direction de Sir Simon Rattle, avec White de nouveau dans le rôle-titre de Porgy. La représentation de 1952 enregistrée en direct à Berlin et désormais accessible, avec Price et Warfield dans les rôles-titres, présente un intérêt historique. Enfin, l’enregistrement en 2012 d’une adaptation pour Broadway par Diane Paulus, accueilli favorablement par certains, a été critiqué sévèrement par Stephen Sondheim qui lui a reproché d’avoir retouché le chef-d’œuvre de Gershwin.

L'Opéra de Montréal présente Porgy and Bess les 25, 28 et 30 janvier et le 1er février 2014. www.operademontreal.com

Traduction : Lina Scarpellini


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(c) La Scena Musicale