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La Scena Musicale - Vol. 19, No. 3

Fabien Gabel : Une vision pour Québec

Par Caroline Rodgers / 1 novembre 2013

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Fabien Gabel

C’est un public fidèle et attentif, mais il y a un intérêt pour tout ce qui est nouveau. Récemment, nous avons fait un programme combinant le Prélude à l’après-midi d’un faune et les deux premiers Nocturnes de Debussy, les Sept lieder de jeunesse de Berg, Shéhérazade de Ravel et l’Oiseau de feu de Stravinski. C’était un programme très flamboyant, mais pas nécessairement un programme que les Québécois ont l’habitude de voir sur papier. J’ai été agréablement surpris par la qualité de l’écoute. Le Berg a été extrêmement bien accueilli. »

Le même accueil positif a été constaté, l’an dernier, quand l’OSQ a joué pour la première fois la Symphonie opus 21 de Webern.

« Avant le concert, j’ai pris le temps d’expliquer la pièce, prévenant les auditeurs qu’ils pourraient aimer ou ne pas aimer, mais en l’occurrence ça a été très apprécié. C’est une œuvre courte, car je ne choisirais pas pour commencer une œuvre très atonale de 45 minutes. Le public n’a pas forcément l’habitude. J’y vais progressivement. »

Bien qu’il ait senti à cette occasion le besoin de présenter l’œuvre de Webern avant de la faire entendre, Fabien Gabel n’est pas un partisan des petits discours pédagogiques pour introduire chaque œuvre. 

« Je sais que c’est une mode présentement pour les chefs de parler tout le temps au public. C’est bien, mais pour moi, ce n’est pas nécessaire de le faire systématiquement. Je ne me vois pas en train d’expliquer une symphonie de Beethoven ou de Mozart. Les gens ont l’habitude d’entendre ce répertoire et je ne vois pas ce que je vais leur apporter qu’ils ne connaissent pas déjà. Le répertoire traditionnel n’a pas besoin d’éclaircissements. Par contre, quand on a une œuvre qui n’a pas été jouée depuis de nombreuses années ou complètement nouvelle, alors j’en parle. Prochainement, nous allons faire une création du compositeur québécois Yannick Plamondon. Je lui ai donc demandé de venir sur scène pour expliquer sa pièce. »

De cette même vision d’élargir le public et les horizons de l’orchestre découle l’intention ferme d’inviter à l’OSQ encore plus de grands solistes internationaux et de chefs reconnus.

« Je trouve normal que Québec devienne un point de passage obligé au Canada et en Amérique du Nord, c’est la capitale de la province. Nous avons déjà commencé cette année avec Emmanuel Ax, Jennifer Larmore et Alina Pogostkina, et je suis déjà en train de travailler aux invitations à venir. »

Cette même vision d’élargissement des horizons s’étend aussi à une plus grande ouverture du répertoire.

« Nous ne pouvons pas toujours nous limiter aux symphonies de Beethoven ou de Brahms, dit-il. Ce sont des piliers du répertoire et nous allons continuer de les jouer, bien sûr, mais il y aura toujours, à côté, une œuvre nouvelle ou inhabituelle. Il faut élargir le spectre musical. J’aime concevoir des programmes éclatés, très variés, qui combinent des esthétiques différentes. »

La première saison du jeune chef de 38 ans avec l’OSQ n’a duré que sept semaines puisque, au moment de sa nomination en décembre 2011, son agenda pour 2012-2013 était déjà passablement rempli. Même si elle fut très partielle, il dresse un bilan positif de cette première année. Déjà, il a commencé à laisser sa marque.

« Cela s’est merveilleusement bien passé, dit-il. J’avais déjà établi un bon contact avec les musiciens auparavant comme chef invité. Depuis que je suis arrivé, nous avons fait beaucoup de répertoire nouveau. Nous avons joué du Webern, une première pour l’OSQ. Et pour la saison qui vient, il y aura encore beaucoup de nouveau répertoire. »

Pour le jeune chef, cet élargissement du répertoire de l’OSQ est essentiel.

Par exemple, dans le cadre du concert « Le maître de la harpe », en mai 2014, le programme donné au Palais Montcalm combinera la Symphonie no 1 de Beethoven, la Sinfonietta de Poulenc, jamais jouée par l’OSQ, et le Concerto d’Aranjuez de Rodrigo, en version pour harpe, avec le harpiste français Xavier de Maistre.

Dans le même souci de variété, le programme « Tradition et modernité » mariera Mozart et Beethoven à une œuvre de Matthias Pintscher, qui sera chef invité.

Les attentes du public

Aujourd’hui, le public attend d’un chef d’orchestre qu’il communique davantage et soit présent dans la communauté.

« Mais cela ne veut pas forcément dire de prendre le micro pour dire bonjour avant le concert. Il faut aussi communiquer hors des murs de la salle de concert en allant vers les gens. Je suis constamment sollicité pour rencontrer le public, j’accueille des étudiants et l’OSQ organise beaucoup d’activités éducatives et sociales. Nous allons jouer dans les villes qui n’ont pas d’orchestre, dans les écoles. »

En septembre dernier, il était invité sur la patinoire du Colisée Pepsi pour faire la mise au jeu lors d’un match des Remparts de Québec.

« Le public de hockey n’est pas forcément le public qui vient au concert. En participant à des activités de ce genre, on fait connaître l’orchestre. Soyons lucides, je demeure persuadé que parmi les personnes présentes au match ce soir-là, il y en avait sans doute qui ne connaissaient pas l’existence de l’OSQ. Maintenant, ils savent au moins que nous existons. En allant vers les gens, j’espère attirer de nouvelles personnes au concert. »

Comme la plupart des orchestres, l’OSQ multiplie les efforts pour attirer un nouveau public, y compris les jeunes. Il offre notamment un abonnement à prix réduit, le Passeport Jeunesse TD, qui permet d’assister à cinq concerts pour 60 dollars au total, soit 12 dollars chacun. Le prix d’une place au cinéma ! De plus, les Jeunes Mécènes de l’OSQ, un cercle de jeunes entrepreneurs et gens d’affaires, font la promotion de l’orchestre auprès d’entreprises et participent à la levée de fonds.

« Nous faisons une foule de petits gestes pour aller vers le public, mais c’est important que des gens s’investissent aussi pour l’orchestre. Et puis on ne peut pas aller jouer dans le salon des gens. À un certain moment, il faut que ce soient eux qui prennent la décision de se déplacer pour venir nous entendre. Or, malheureusement, bien des gens ont une fausse idée de la musique classique, qu’ils croient très élitiste. Il faut briser la glace, mais c’est aussi une question d’éducation. »

Fabien Gabel : une biographie
• Né à Paris en 1975 au sein d’une famille de musiciens. Son père est trompettiste et sa mère, harpiste.
• Il commence la trompette vers l’âge de six ans.
• 1996 : Premier prix au Conservatoire national supérieur de Paris.
• À 20 ans, il avait déjà joué sous la direction de Seiji Ozawa, Pierre Boulez, Bernard Haitink et Sir Collin Davis, entre autres.
• Il a joué au sein d’orchestres parisiens pendant 13 ans, notamment à l’Opéra de Paris.
• À 27 ans, il décide d’aller vers la direction d’orchestre. Il apprend son métier notamment auprès de l’Américain David Zinman à Aspen, dans le Colorado.
• De 2002 à 2005, il occupe le poste de chef assistant de l’Orchestre National de France auprès de Kurt Masur.
• En 2004, il remporte le concours Donatella Flick, ce qui lui permet d’être assistant pendant deux ans au London Symphony Orchestra où il travaille en contact avec de grands chefs.
• Ses mentors et ses influences : Bernard Haitink, Kurt Masur, Sir Collin Davis, David Zinman, Thomas Hengelbrock.
• Comme chef invité dans le passé : London Symphony Orchestra, London Philharmonic Orchestra, Orchestre symphonique de la BBC, Orchestre philharmonique d’Oslo, Orchestre de la Staatskappelle de Dresde, Orchestre philharmonique de Rotterdam, Royal Scottish National Orchestra, Orchestre de Paris, Orchestre philharmonique de Radio France, Orchestre National de France, Orchestre national de Lyon, Orchestre national de Bordeaux-Aquitaine, Brussels Philharmonic, Orchestre symphonique national de Taiwan .
• Débuts à venir en 2013-2014 : Toronto Symphony Orchestra, Orchestre philharmonique royal des Flandres d’Anvers, Orchestre de l’Opéra d’Oslo, Orchestre philharmonique de Brême, Orchestre philharmonique du Würtemberg, Real Filharmonia de Galicia, Orchestre du Centre national des Arts d’Ottawa, Rochester Philharmonic Orchestra.

Quelques citations de Fabien Gabel

À propos de ses influences :

« Maintenant, j’ai un contact presque filial avec le chef allemand Thomas Hengelbrock. J’échange énormément avec lui et il me guide dans certains choix et dans la manière d’approcher un certain répertoire. Lorsque j’ai besoin de conseils, je le contacte et c’est quelqu’un d’indispensable pour moi en ce moment, qui m’influence beaucoup. »

À propos du métier :

« Un chef d’orchestre apprend toute sa vie. Même quand vous dirigez une œuvre que vous avez dirigée cinquante fois, vous la faites différemment. Vous évoluez. On apprend des orchestres et des musiciens avec qui on travaille. Le métier de chef d’orchestre est un métier d’échanges. Les musiciens donnent des idées et des suggestions, on apprend d’eux. »

À propos de son approche de chef :

« En général, on dit de moi que je suis un chef très précis dans le travail et dans la direction. J’aime bien quand on me dit cela, parce qu’ayant été moi-même musicien d’orchestre, j’essaie de diriger comme j’aurais aimé être dirigé. La flamme et l’inspiration ne servent à rien quand on ne peut pas faire de musique correctement ensemble. »

À propos de ses rêves musicaux :

« Mon rêve serait de diriger Elektra de Richard Strauss. C’est le premier opéra que j’ai entendu lorsque j’étais encore en culottes courtes. Mon père jouait à l’Opéra de Paris et il m’a emmené dans la fosse avec lui. J’avais neuf ans et ça a été un choc pour moi. C’est le premier que j’ai joué comme musicien, à 16 ans. J’ai toujours adoré cette œuvre. J’aimerais bien, aussi, faire les Gurre-Lieder de Schoenberg. »


• Le maestro Gabel sera au pupitre au mois de décembre pour diriger l’OSQ accompagnant la chanteuse populaire Catherine Major au Grand Théâtre de Québec, les 19 et 20 décembre 2013, dans le cadre de la série  Les Coups de foudre Hydro-Québec.

• Pour la série Soirées classiques, le chef d’orchestre dirigera l’OSQ et le pianiste Marc-André Hamelin le 5 février 2014. Le Concerto no 1 de Brahms et une symphonie de Friedrich Gernsheim sont au programme. Une heure avant le concert, Fabien Gabel animera une causerie avec Valérie Cloutier, journaliste à Radio-Canada.

www.osq.org


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