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La Scena Musicale - Vol. 18, No. 6

Pleins feux sur Manon

Par Joseph So / 1 avril 2013

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Marianne Fiset incarne Manon dans le production de l'Opéra de Montréal.Des trente-trois opéras composés par Jules Massenet (1842-1912), Manon est sans contredit le plus populaire. Depuis sa création en 1884, cet opéra est devenu un classique du répertoire français. Selon les statistiques sur les représentations d’opéra à travers le monde, pour la période comprise entre janvier 2011 et décembre 2015, Manon se classe au 62e rang avec 86 représentations. Certes, à l’échelle de la popularité, sa cote peut sembler bien basse comparativement à celle de La traviata (629) ou de La bohème (580), mais Manon l’emporte d’emblée sur les opéras tels que La clémence de Titus (83), La force du destin (72) et Les maîtres chanteurs de Nuremberg (64). 

L’histoire de Manon, tirée du roman de l’abbé Prévost, l’Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, n’a pas inspiré que Massenet. Le roman a donné lieu à diverses adaptations. Ainsi, en danse, deux ballets ont été créés, un par Jean-Louis Aumer (1830), l’autre par Sir Kenneth MacMillan (1974). En musique, il y a eu les opéras d’Auber (1856), de Puccini (1893) et le Boulevard Solitude de Hans Werner Henze (1952). En 1894, Massenet décida même d’écrire une suite, un opéra en un acte intitulé Le portrait de Manon dans lequel le chevalier Des Grieux est désormais âgé.

La personnalité de Manon s’apparente à celle de Salomé, de Lulu, de Carmen, de Dalila et de Kundry ; toutes des femmes fatales, provocantes, intrigantes et marginales, portant à la déchéance quiconque les côtoie. Si on met de côté la perception masculine de la femme-objet, Manon est un rôle formidable pour une artiste lyrique. La soprano doit posséder une voix ravissante, avec diverses coloratures, pouvoir chanter mezza-voce et avec désinvolture, notamment dans la Gavotte. La voix doit exprimer la sensualité de Manon – une voix lirico spinto sera plus appropriée pour interpréter la Manon Lescaut de Puccini. Le rôle exige une interprétation vivante, dramatique, digne d’émouvoir l’auditoire qui, de nos jours, s’attend à ce que la soprano possède également le physique du rôle pour rendre Manon crédible. Il en va de même pour le rôle du chevalier Des Grieux qui, idéalement, doit être interprété par un ténor lyrique à la voix fluide, capable d’expression théâtrale.

Parmi les sopranos qui ont brillamment incarné Manon par le passé, mentionnons Sybil Sanderson, Fanny Heldy, Lucrezia Bori, Bidu Sayao, Victoria de Los Angeles, Anna Moffo et Beverly Sills. Plus près de nous, Renée Fleming, Angela Gheorghiu, Anna Netrebko et Natalie Dessay ont toutes remporté du succès dans ce rôle. L’opéra de Montréal compte sur une très belle distribution. La soprano québécoise Marianne Fiset offre à Montréal le rôle de ses débuts à l’Opéra National de Paris Bastille. Le ténor portugais à la belle prestance, Bruno Ribeiro, personnifie le chevalier Des Grieux avec sa voix chaude et expressive. Le baryton canadien Gordon Bintner, une étoile montante, interprète Lescaut. Le Comte Des Grieux est interprété par la basse Alain Coulombe, un vétéran qui sait donner au personnage toute sa profondeur.

Discographie

Parmi les nombreux enregistrements anciens, l’enregistrement radio, sous étiquette Wallhall, de la prestation de la soprano brésilienne Bidu Sayao, dans un de ses meilleurs rôles, au Metropolitan Opera de New York en 1943, sous la direction de Sir Thomas Beecham, est un bon choix. Toutefois, la qualité du son est loin d’être optimale. Célèbre, l’enregistrement de 1955 sous étiquette EMI avec Victoria de Los Angeles dans le rôle-titre et Pierre Monteux à la direction de l’Orchestre de l’Opéra comique est présenté de nouveau par la collection Naxos Historical. Tout aussi remarqué, l’enregistrement de 1970 avec la soprano Beverly Sills, Nicolai Gedda, Gérard Souzay et Gabriel Bacquier sous la direction de Julius Rudel, est maintenant offert sous étiquette DG. La version de 1982, sous étiquette EMI, avec Ileana Cotrubas, Alfredo Kraus, José van Dam et le Canadien Gino Quilico, sous la direction de Michel Plasson, vaut le détour. Plus récemment, l’enregistrement d’Angela Gheorghiu et Robert Alagna, dans le rôle des amants, sous la direction d’Antonio Pappano, chef de l’Orchestre symphonique de La Monnaie (sous étiquette EMI) est une bonne suggestion.

Si vous souhaitez un DVD, sachez qu’il existe quatre versions de qualité variable. Ma préférence va pour la prestation berlinoise de 2007 d’Anna Netrebko et Rolando Villazon, sous la direction de Daniel Barenboim (étiquette DG). Au troisième acte de cette version, Manon semble être le sosie de Marylin Monroe ! Netrebko et Villazon forment un duo ardent dans la fameuse scène à Saint-Sulpice. La prestation de 2008, à Barcelone, de Villazon et Natalie Dessay (Virgin Classics) n’est pas mal non plus, bien que Villazon ne soit plus, hélas, au temps de sa splendeur vocale. L’enre­gistrement a été réalisé lorsque le chanteur commençait à éprouver des difficultés. Les fêlures de la voix dans la version originale télédiffusée en direct ont été corrigées dans cette version sur DVD. Les amateurs de Renée Fleming voudront la voir dans la version de 2001 (étiquette Sony) alors qu’elle chante à l’Opéra de Paris en compagnie de Marcelo Alvarez, sous la direction de Jesús López-Cobos. Finalement, les admirateurs d’Edita Gruberová seront choyés par sa prestation dans le rôle-titre alors qu’elle est accompagnée de Francisco Araiza dans le rôle du chevalier des Grieux, à l’Opéra d’État de Vienne en 1983.


Manon de Massenet : les 18, 21, 23, et 25 mai à 19h30. operademontreal.com

Traduction par Lina Scarpellini


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(c) La Scena Musicale