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La Scena Musicale - Vol. 18, No. 6

Quatuor Bozzini : Recherche et développement

Par Réjean Beaucage / 1 avril 2013

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Quatuor Bozzini

Depuis sa fondation en 1999, le Quatuor Bozzini a exploré les aspects les plus divers de la création musicale contemporaine, et pour ce faire, il a passé plus de 130 commandes à des compositeurs de chez nous et d’ailleurs et il a créé plus de 200 œuvres. C’était lui la « Découverte de l’année » à la remise des prix Opus du Conseil québécois de la musique de 2001, et en 2007 il y remportait le prix du « Rayonnement à l’étranger ». Pas de ralentissement de ce côté-là, bien au contraire, et cette année, d’avril à juin, plusieurs de ses partenaires internationaux, en provenance de Norvège, d’Angleterre et d’Allemagne, viennent lui rendre visite à la maison.

Du salon...

De sa maison, le Quatuor Bozzini nous invite en avril à visiter deux pièces : le salon, propice à la discussion, et la cuisine, où les idées mijotent ! Rencontrée au bureau de l’ensemble pour les fins de cet article, la violoncelliste Isabelle Bozzini explique : « Le Salon, c’est un lieu de rencontre pour compositeurs, interprètes et observateurs. Ça nous permet aussi de collaborer avec d’autres chambristes [cette fois-ci, un pianiste], afin d’élargir un peu notre répertoire, car lorsqu’on explore la musique d’un compositeur en particulier, ça peut devenir un peu redondant de ne faire que des quatuors à cordes. » Il y aura bien plus qu’un seul compositeur au programme de ce Salon d’avril, et on s’étonne plutôt du nombre d’œuvres que les membres du quatuor ont mises au programme: « Habituellement, à Montréal, on ne donne pas de série de trois ou quatre concerts, mais c’est quelque chose que l’on fait souvent en tournée, explique Isabelle Bozzini ; on part généralement avec du matériel pour trois programmes ou plus, alors ce n’est pas extraordinaire pour nous de présenter trois programmes différents en trois soirs. Et puis c’est peut-être plus facile d’attirer les regards avec un événement qui se déroule sur plusieurs jours, plutôt qu’avec un seul concert. »

Durant les trois jours du Salon, cinq jeunes compositeurs norvégiens seront à Montréal pour poursuivre une collaboration qui a débuté l’automne dernier dans le cadre du festival Ultima d’Oslo, où le Quatuor Bozzini était invité à donner un concert d’œuvres commandées par le Ny Musikks Komponistgruppe (NMK) à Rebecka Sofia Ahvenniemi, Martin Rane Bauck, Kristin Bolstad, Tyler Futrell, Hugo Harmens, Sigurd Fischer Olsen et Stine Sørlie ; la plupart de ces pièces étaient données en création. Notons que la violoniste Mira Benjamin (dernière arrivée dans le quatuor en mai 2011, en remplacement de Nadia Francavilla), a participé à la fondation en 2011 de la Tribune canado-norvégienne de musique nouvelle, où elle est artiste en résidence. À l’occasion du Salon, le quatuor interprétera aussi des pièces des Canadiens Cassandra Miller, Maxime McKinley et Michael Oesterle, une pièce commandée au compositeur anglais Howard Skempton par la BBC et le Huddersfield Contemporary Music Festival (auquel le quatuor participe régulièrement) et des œuvres du compositeur londonien Laurence Crane, dont un quintette avec piano pour lequel son compatriote Philip Thomas se joindra au Bozzini. Thomas présentera aussi une conférence expliquant les liens poétiques qu’il établit entre les musiques de Grande-Bretagne et du Canada et, au lendemain du dernier jour du Salon, il présentera un concert solo à la Chapelle historique du Bon-Pasteur, à l’invitation de l’organisme Innovations en concert.

Il y aura également durant le Salon une table ronde réunissant Philip Thomas, Clemens Merkel (violoniste du quatuor), Cassandra Miller (directrice d’Innovations en concert) et Michael Oesterle autour de l’animateur Maxime McKinley (compositeur en résidence à la Chapelle historique) ; on y discutera de la présence internationale et du caractère particulier de la musique contemporaine canadienne.

... aux fourneaux !

Habitué des résidences, cours de maître et ateliers (l’ensemble est actuellement en résidence au Matralab de l’Université Concordia), le Quatuor Bozzini opère également depuis 2005 son propre laboratoire de recherche musicale, le « Composer’s Kitchen ». Beaucoup de chaudrons sur le feu dans cette cuisine, que les membres du quatuor décrivent comme un lieu fusionnel qui tient à la fois de l’atelier, du laboratoire, de la salle de jeu et de la salle de cours. S’abreuvant aux conseils des mentors Laurence Crane et Michael Oesterle, quatre jeunes compositeurs ont la chance de pouvoir travailler leur musique en toute collégialité avec les membres du quatuor. Cette fois, ces jeunes compositeurs sont Marielle Groven (Nouvelle-Écosse), Simon Martin (Québec) et, d’Angleterre, Sean Clancy et Amber Priestley.

« Ce sont des journées complètes d’atelier autour de leurs œuvres, précise Isabelle Bozzini, alors on discute, on fait des essais et des esquisses et les compositeurs peuvent profiter de notre expérience de l’écriture pour cordes pour mesurer ce qui peut se faire... ou non ! » Il est en effet important de comprendre que ces instrumentistes en ont vu d’autres, depuis l’écriture baroque jusqu’aux expériences les plus modernes, en passant par la virtuosité romantique. Le quatuor à cordes représente la forme classique par excellence et, pour ne pas sombrer dans la redite, ou simplement pour savoir comment en écrire un qui se tienne, les jeunes compositeurs ont tout intérêt à profiter au maximum de l’expérience des maîtres du genre, de ceux qui sont en première ligne : les interprètes ! Pour les compositeurs, bien sûr, il y a un grand avantage à écrire pour une telle formation : c’est que l’on écrit quelque chose qui pourra être repris par de nombreux autres quatuors. Une œuvre qui parvient à se démarquer dans l’immense répertoire de cette formation devient alors une carte de visite importante. À l’automne, du 15 au 24 novembre, les quatre compositeurs retrouveront le quatuor pour des cours de maître et un concert dans le cadre du Huddersfield Contemporary Music Festival.

Ici, là et encore ailleurs

Après ce très copieux programme d’avril, Isabelle et Stéphanie Bozzini (alto), Mira Benjamin et Clemens Merkel retourneront vers leur salle de répétition en mai pour préparer un mois de juin qui les verra donner la création d’une œuvre du compositeur québécois Petar-Kresimir Klanac au Conservatoire de musique de Montréal, à l’invitation de la Société d’art vocal (2 juin, 14 h), avant de s’envoler pour la Colombie-Britannique où le quatuor retrouvera des membres du collectif de compositeurs allemands Wandelweiser, qu’il réinvite 10 ans après une première rencontre en sol canadien au Théâtre La Chapelle, à Montréal. Les liens avec le collectif Wandelweiser, que le violoniste Clemens Merkel a beaucoup fréquenté durant les années 1990, comptent parmi les premiers que le quatuor a pu tisser avec la communauté internationale. « Ce sont eux qui nous ont ouvert la porte en Europe », dit Isabelle Bozzini.

Cette nouvelle rencontre « de cuisine » se fera à l’Open Space de Victoria. La deuxième visite du collectif allemand au Canada se poursuivra à la Galerie Oboro de Montréal pour trois concerts les 14 et 15 juin (série Immerson 5) et elle culminera par un concert donné dans le cadre du Suoni per il popolo en présence du compositeur américain Christian Wolff (16 juin, Sala Rossa).

On ne s’étonne guère de l’extrême qualité du jeu de ces interprètes quand on considère, simplement en regardant leur agenda, qu’ils n’arrêtent jamais de repousser plus loin les limites de la création en multipliant les rencontres avec de nouveaux compositeurs aux horizons esthétiques les plus variés. Alors, avant qu’ils repartent pour la Norvège, l’Angleterre, l’Allemagne ou encore ailleurs, profitons un peu de leur présence chez nous !

La discographie du Quatuor Bozzini est pour le moins éclectique et, entre quelques enregistrements consacrés à des compositeurs au nom plus familier (Steve Reich, James Tenney ou, plus près de nous, Claude Vivier, Michel Gonneville, Tim Brady), on en trouve quelques-uns qui sont encore des découvertes pour l’amateur moyen (Jürg Frey, Jo Kondo ou Ernstalbrecht Stiebler). Isabelle Bozzini explique : « C’est grâce à cette diversité que nous avons acquis une certaine notoriété internationale, et notre discographie témoigne aussi de nos intentions esthétiques. Un compositeur australien croisé à Banff nous parlait d’un enregistrement “magnifique” qu’il avait entendu et, en discutant, nous nous sommes rendus compte qu’il parlait de notre enregistrement d’une pièce de Jürg Frey. Eh bien, nous avons maintenant des plans pour un petit tour en Australie ! »

Le plus récent enregistrement du quatuor, Still Image (le seul qui soit paru en 2012, après quatre sorties sous sa propre étiquette, Collection QB, en 2011), est paru sous étiquette Centredisques et présente des œuvres du compositeur vancouvérois Owen Underhill. En plus d’offrir les quatuors à cordes no 3 (1998) et no 4 (2011) du codirecteur artistique de l’ensemble Turning Point, le quatuor s’adjoint les services du tromboniste Jeremy Berkman pour un étonnant Trombone Quintet (1999) et ceux du clarinettiste François Houle pour Still Image (2007-2011). On peut remercier le quatuor de nous présenter avec son brio habituel la musique de ce compositeur qui devrait être mieux connu (il a un catalogue important, qui compte plusieurs œuvres pour orchestre, et même un opéra).


• Salon QB  17, 18 et 19 avril, 20 h. Chapelle historique du Bon-Pasteur
• Composer’s Kitchen  27 avril, 17 h. Chapelle historique du Bon-Pasteur

Plus d’information à www.quatuorbozzini.ca

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