Paul Merkelo : Toujours plus loin

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À peine sorti d’une répétition d’orchestre éprouvante pour la Symphonie no 2 « Résurrection » de Mahler, Paul Merkelo s’est lancé dans une autre épreuve: 10 km le long du canal Lachine à Montréal, un entraînement en vue d’une course de 5 km à Granby. C’est une routine quasi quotidienne pour le trompette solo de l’Orchestre symphonique de Montréal, qui se prépare à relever un grand défi: le marathon de New York (42,2 km) en novembre. Le virtuose doit peut-être son souffle à ses poumons de marathonien!

Depuis qu’il est tout petit, Merkelo, natif de Champaign (Illinois), aime le son de la trompette. Et il se rend vite compte qu’il est plutôt doué! Les leçons d’enseignants chevronnés – Ray Sasaki à Champaign, Adolph Herseth de l’Orchestre symphonique de Chicago, Charles Geyer à Eastman et Philip Smith de l’Orchestre philharmonique de New York – et des heures de travail mettent le jeune trompettiste sur la voie de l’excellence. Plus tard, au cours de ses années d’études à l’Eastman School of Music, Merkelo a la chance de jouer dans une présentation de la «Résurrection» à New York, sous la direction de Gilbert Kaplan. C’est avec émerveillement qu’il découvre l’œuvre de Mahler. Il se procure les parties de trompette de toutes ses symphonies, puis les partitions complètes, ainsi que tous les enregistrements qu’il pouvait se permettre d’acheter.

Alors qu’il travaillait d’arrache-pied sur son instrument et ses études, la tête pleine de rêves, les mauvaises nouvelles tombent : sa mère n’a plus les moyens de payer sa dernière année à Eastman, il doit renoncer à son rêve. Puis, par un heureux coup du destin, tout change : Merkelo remporte une bourse de musicien d’orchestre grâce à sa participation au fameux concert Mahler à New York, ce qui lui permet de terminer ses études et de lancer sa carrière.

Établissement à Montréal
Merkelo vit à Montréal, où il est trompette solo de l’OSM, depuis près de 17 ans. Il a appris le français et s’est pleinement intégré à la vie de l’orchestre, de la ville et de la province. L’une des étoiles de l’OSM, il se produit fréquemment avec l’orchestre en tant que soliste. Cette saison, il participe à la création québécoise du Concerto pour trompette de John Williams, le même à qui l’on doit les trames sonores de films tels que Star Wars, ET, Superman et La Liste de Schindler. Ce compositeur produit également de la musique classique de concert. Merkelo décrit le concerto comme « l’un des plus difficiles qui soient », et il en sait quelque chose, puisqu’il a joué presque tous les concertos du répertoire pour trompette, y compris cette même œuvre de Williams à sa création canadienne il y a trois ans.

Merkelo se souvient du conseil d’un de ses professeurs : « Racontez une histoire quand vous jouez. » Autrement dit, ne cherchez pas la perfection technique d’une machine. Les notes et les phrases doivent être façonnées pour donner un sens porteur d’émotion. C’est ce que Merkelo cherche dans son jeu. Le bon instrument y est pour quelque chose, bien sûr. Merkelo favorise la trompette en do de Yamaha, dont il apprécie la sonorité et la qualité. D’ailleurs, tous les membres de la section de trompettes de l’OSM l’ont adoptée, ce qui leur permet de produire une belle sonorité homogène.

Dans certains répertoires (« de Bruckner en reculant », comme il dit), Merkelo et ses collègues utilisent des trompettes à valves rotatives, l’instrument de prédilection des orchestres allemands et autrichiens tels que les philharmonies de Berlin et de Vienne. Dans ces cas, les Yamaha sont mises de côté en faveur d’instruments Schagerl ou Monke.

Outre ses prestations régulières à la Maison symphonique en tant que trompette solo de l’OSM, Merkelo est l’un des principaux professeurs de cet instrument au Canada, et il siège au conseil d’administration de l’Orchestre des jeunes des Amériques pour le Canada. Il a également été enseignant à l’Université McGill et cet automne, il assume aussi des fonctions à l’Université de Montréal, où il a été invité à travailler à l’élaboration d’un solide programme d’enseignement de la trompette. Le 11 novembre, il participera à une journée consacrée aux cuivres, au cours de laquelle il donnera un cours de maître et un récital en solo. Une grande partie de son travail sera présentée sur le site Web de l’UdeM (www.musique.umontreal.ca/a_propos/videotheque.html).

Retour vers le futur : la « Résurrection »
L’OSM a ouvert sa saison en cours avec plusieurs présentations de la Symphonie « Résurrection », œuvre extrêmement exigeante pour la section des trompettes et particulièrement difficile pour le solo. Mais cela fait longtemps que Merkelo la fréquente : « Pour moi, elle est empreinte de signification et de spiritualité. » En plus de passages extrêmement intenses et soutenus, la partie de trompette solo contient de nombreuses phrases lyriques plus douces qui exigent un maximum de sensibilité et de précision. Merkelo relève tous ces défis avec brio.

La section de trompettes de l’OSM compte quatre membres, mais cette symphonie en exige au moins dix. Les six renforts jouent normalement en coulisse. Cet effet de distanciation est l’une des techniques de prédilection de Mahler, qui l’a utilisée dans plusieurs de ses symphonies. Les dix se réunissent sur scène pour le point culminant final. Merkelo est chargé de sélectionner les renforts et d’assurer que les musiciens de sa section font exactement ce que leur demandent le compositeur et le chef d’orchestre.

Un homme en mouvement
Chaque été, Merkelo part pour la côte ouest, où il est membre du corps professoral de la Music Academy of the West à Santa Barbara. Cette année, il a rencontré « quelques-uns des meilleurs élèves que j’aie jamais eus ». En plus de ses fonctions d’enseignant là-bas, il participe à de nombreux concerts de musique de chambre avec quelques-uns des meilleurs musiciens en Amérique du Nord.
Ensuite, à l’invitation d’un ancien élève, Franco Carranza, de l’Orchestre des jeunes des Amériques, Merkelo se rendra à Lima, au Pérou, pour transmettre son savoir aux trompettistes de tous les coins du pays. Il sera encore en Amérique du Sud au début de 2013, quand il s’envolera pour le Brésil afin de donner des cours de maître au Festival de Música de Santa Catarina.

Une course contre la montre
Merkelo s’impose des objectifs très ambitieux et, quand il les atteint, il en trouve immédiatement d’autres, plus élevés. La course est l’une de ses grandes passions, et pas seulement pour la bonne forme. Bien sûr, cela augmente la capacité pulmonaire et c’est un atout pour un trompettiste, mais Paul court également pour une autre raison. Comme de nombreux solistes, il a parfois le trac. Selon lui, la participation à des compétitions lui donne confiance pour exécuter des solos difficiles, semaine après semaine.

Merkelo est aussi quelqu’un qui tire le meilleur parti de chaque moment. Attendant toujours avec impatience de nouvelles possibilités et de nouveaux objectifs, il n’a jamais oublié comment il est arrivé là où il est aujourd’hui, c’est-à-dire la bourse qui lui a permis de terminer ses études. Il y a douze ans, il a créé sa propre bourse pour aider les jeunes musiciens talentueux ayant des besoins financiers. Il organise les collectes de fonds pour garnir cette bourse, qui est administrée par le Concours OSM Standard Life. La bourse Paul Merkelo vaut actuellement 2 000 $ et elle sera portée à 3 000 $ l’an prochain. Il convient de souligner qu’elle est ouverte à tous les instrumentistes.

Le carnet de rendez-vous de Merkelo est rempli à perte de vue. Tant qu’il y a des montagnes à escalader, des marathons à courir, des symphonies de Mahler à jouer et des étudiants sérieux à encadrer, cet homme sera, au propre et au figuré, en mouvement pour les années à venir.

www.paulmerkelo.com

Traduction : Anne Stevens