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La Scena Musicale - Vol. 18, No. 1 septembre 2012

Pleins feux sur La Traviata

Par Joseph So / 1 septembre 2012

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Cette saison marque le 200e anniversaire de naissance du célèbre compositeur Giuseppe Verdi (1813-1901). Plusieurs compagnies d’opéra à travers le Canada s’empressent de présenter ses œuvres afin de souligner l’événement. L’Opéra de Montréal entamera sa saison dès le 15 septembre avec quatre représentations d’une œuvre majeure de Verdi, La Traviata. Les statistiques compilées au cours de cinq saisons entre 2005 et 2010 (www.operabase.com) révèlent que La Traviata (629 représentations) est le plus populaire au monde. Selon ces données statistiques, Verdi est le compositeur d’opéra qui arrive en tête du classement avec 3 020 représentations pour ses 29 opéras, surpassant Mozart (2 410), Puccini (2 294) et Wagner (1 292).

Inspirée du roman La dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils, La Traviata a été un fiasco lors de sa première à Venise, en 1853. Elle s’est heurtée à l’incompréhension du public scandalisé par un sujet campé dans son époque qui voyait d’un mauvais œil l’histoire d’une courtisane parisienne. Les spectateurs du 19e siècle étaient plus accoutumés aux histoires de dieux et déesses ou d’empereurs et de reines qu’à celles impliquant des gens de leur époque aux prises avec des problèmes réels. La modernité du sujet a fait de La Traviata une œuvre avant-gardiste annonciatrice du vérisme, un mouvement qui allait marquer plusieurs opéras célèbres comme Cavalleria rusticana, Pagliacci, Tosca et Carmen.

La Traviata se consume à travers le chant de son héroïne, Violetta, un rôle que Verdi jugeait parfait pour une soprano. Violetta est l’archétype de l’héroïne d’opéra et les prima donna ont longtemps convoité ce rôle: quelle soprano saurait résister à cette musique sublime et à l’envie de montrer tous les sentiments qui y sont exprimés? Le personnage s’attire la sympathie du public dès le premier acte, d’autant plus qu’elle est dépeinte comme une victime. Cela étant dit, Violetta est un des rôles les plus exigeants pour une soprano et requiert presque deux types de voix: soprano colorature lyrique au premier acte et soprano spinto aux deuxième et troisième actes. Le célébrissime air E strano…Ah, fors’è lui… Sempre libera demande une absolue maîtrise vocale et une grande virtuosité dans le registre aigu jusqu’au contre-mi bémol final. Le reste du rôle réclame une voix plus grave et dramatique. L’auditoire contemporain s’attend à voir la soprano incarner complètement le rôle, une Violetta mince, éblouissante, mais consumée par l’amour.

La production de l’Opéra de Montréal mettra en vedette Myrto Papatanasiu dans un de ses rôles les plus acclamés. Tout juste avant son arrivée à Montréal, elle l’aura chanté à l’opéra de Dallas et au Festival Macerata. Papatanasiu saura incarner à merveille Violetta grâce à sa voix argentine, à sa maîtrise théâtrale et à son charisme sur scène. Il y a trois ans, lors de la mise en scène de l’opéra à Rome, le grand Franco Zeffirelli fixa son choix sur Papatanasiu au détriment d’une soprano italienne reconnue, ce qui ne manqua pas de faire les manchettes. Selon lui, l’âge quelque peu avancé et les rondeurs de la cantatrice italienne ne convenaient pas au rôle. Pour un avant-goût de l’interprétation de Violetta par Papatanasiu, on peut l’écouter interpréter l’air Addio del passato sur YouTube: www.youtube.com/watch?v=LWGawPHeExw. Alfredo sera chanté, à Montréal, par le ténor Roberto De Biasio, celui-là même qui a fait partie de la distribution à Rome. De Biasio a récemment fait ses débuts au Metropolitan Opera dans le rôle-titre d’Ernani. Le baryton Luca Grassi sera Germont, rôle qu’il interprétera à Leipzig et à Florence. Avec une telle distribution, le public de l’Opéra de Montréal peut s’attendre à une belle soirée lyrique.

> www.operademontreal.com

> Aussi à l’Opéra de Quebec, le 20, 23, 25 et 27 octobre, www.operadequebec.qc.ca

Traduction: Lina Scarpellini

Discographie
La Traviata est l’opéra qui a été le plus souvent enregistré. Le premier enregistrement remonte en 1912, il y a exactement 100 ans! Il existe d’excellentes versions mettant en vedette les grands noms du monde de l’opéra.
Audio : Maria Callas a été une grande interprète de Violetta. Sa brillante interprétation lors d’une production à la Scala de Milan, en 1955, auprès du ténor Di Stefano et de la basse Bastianini, sous la direction de Giulini, vaut l’écoute. Tebaldi (1954), sur étiquette Decca, chante magnifiquement bien, mais l’air Sempre libera a été transposé un demi-ton plus bas. Anna Moffo (1960) est une charmante Violetta et cette version sur RCA se démarque par la présence de Robert Merrill qui chante un Germont splendide. Sutherland (1962), sur étiquette Decca, présente une brillante colorature malgré une diction molle. Elle est aux côtés de Merrill, encore une fois remarquable dans le rôle de Germont. L’enregistrement EMI de 1971 avec Beverly Sills, qui n’était plus dans la fleur de l’âge, dévoile une Violetta émouvante. À mon avis, la meilleure version moderne est l’enregistrement DG de 1977 avec le trio formé par Ileana Cotrubas, dont la voix exhale une incroyable morbidezza, le remarqué Domingo qui chante Alfredo avec fraîcheur et l’incomparable chef d’orchestre Carlos Kleiber.
Vidéographie : La Traviata de Zeffirelli, un film réalisé en 1982 et mettant en vedette Teresa Stratas et Placido Domingo, a été un grand succès. Si bien des sopranos ont pu mieux chanter ce rôle, seule Stratas a su donner au rôle un aspect aussi éthéré, voire angélique. En 1991, à La Scala, Tiziana Fabbriccini, sous la direction de Muti, interprète une Violetta intense, livrant une interprétation digne de la Callas. Le jeune Roberto Alagna joue un ardent Alfredo. Il va sans dire que cet opéra attire ses clans. Les admirateurs d’Angela Gheorghiu apprécieront la jeune Violetta lors de sa performance en 1994, au Covent Garden, alors qu’elle était dirigée par Solti, alors que d’autres préféreront son interprétation plus mûre de 2008, à La Scala, sous la direction de Lorin Maazel. Les adeptes de Renée Fleming voudront voir ses deux versions: celle de 2007 avec Rolando Villazón et celle de 2011 avec Joseph Calleja. La Traviata au Festival d’Aix-en-Provence en 2011, sur étiquette EMI, dirigée par Louis Langree, met en vedette Natalie Dessay à la voix assez petite, mais dont le jeu dramatique révèle une Violetta fascinante. La captivante Anna Netrebko et Rolando Villazón sont mis en avant-plan lors d’une prestation en 2005, au Festival de Salzbourg, sous la direction de Carlo Rizzi. L’une ou l’autre des vidéos ci-dessus saura vous plaire!

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