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La Scena Musicale - Vol. 17, No. 6 mars 2012

Leçons de musique

Par Caroline Rodgers / 1 mars 2012

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Glenn Gould aurait célébré cette année ses 80 ans. Pour souligner cet anniversaire, la CBC a lancé un coffret de dix DVD rassemblant dix-neuf heures d’émissions télévisées auxquelles il a participé entre 1954 et 1977.

On y découvre des concerts en studio, où il joue seul ou avec d’autres musiciens, comme Yehudi Menuhin ou Maureen Forrester. La plupart sont précédés d’une introduction par Gould lui-même. Certaines émissions sont entièrement consacrées à un seul compositeur.

Rarement, de nos jours, avons-nous l’occasion d’entendre les grands musiciens partager de vive voix leur vision de Bach, Beethoven, Strauss, Chostakovitch ou Schoenberg. Entendre un génie comme Gould dire ce qu’il pense d’eux et de leurs œuvres, avec exemples à l’appui, est donc une véritable leçon de musique venue du passé, avec des thèmes comme « L’anatomie de la fugue » ou « Anthologie de la variation ».

Cela fait de ce coffret un incontournable non seulement pour les pianistes, mais aussi pour les étudiants en musique, tous instruments confondus. Le coffret plaira également aux mélomanes avertis et aux admirateurs de Gould désireux de mieux comprendre son art et sa personnalité excentrique. Celle-ci se révèle en partie sur l’écran, dans sa façon de parler, ses gestes et son attitude.

En se basant sur une étude de ses habitudes particulières et de son comportement parfois étrange, le psychiatre américain Peter Oswald, dans son livre The Ecstasy and Tragedy of Genius, explique que Gould aurait été atteint du syndrome d’Asperger, une variante de l’autisme. Sa façon de s’exprimer et de se comporter devant la caméra tend à nous convaincre, à tout le moins, qu’il y avait chez lui quelque chose d’extraordinaire en dehors de son génie musical.

Par ailleurs, l’intérêt du coffret ne se limite pas à son aspect musical. Tous ceux qui s’intéressent à l’évolution des médias, en particulier de la télévision, y verront un document historique passionnant. La façon de concevoir et d’animer une émission entièrement consacrée à la musique comme Festival, dans les années soixante, est fascinante par l’écart abyssal qui la sépare de notre époque.

Alors que nous sommes aujourd’hui habitués à un montage serré, des plans de caméra qui changent sans arrêt, des décors clinquants et des animateurs se sentant obligés de s’esclaffer aux cinq secondes, les émissions de cette époque nous apparaissent statiques, austères et cérébrales. Les plus jeunes iront jusqu’à les qualifier de monotones. Elles possèdent toutefois une qualité en voie de disparition sur le petit écran: celle d’offrir du contenu culturel et intellectuel de haut niveau.

Les passages les plus intéressants sont les longs entretiens de Gould avec Humphrey Burton, animateur et réalisateur. Il y explique, entre autres, pourquoi il déteste jouer en concert et préfère les studios d’enregistrement.

La qualité de l’image est bonne et la partie audio a été entièrement remasteurisée. On peut toutefois adresser deux reproches au coffret. D’abord, l’absence totale de toute traduction ou sous-titres en français. C’est dans la langue de Shakespeare qu’il faudra se taper ces dix-neuf heures, et tant pis pour ceux qui ne sont pas bilingues! Ensuite, un livret d’accompagnement qui comporte seulement deux pages et la liste des émissions, cela fait plutôt chiche. Un livret plus étoffé aurait pu ajouter beaucoup de valeur à l’ensemble.


Coffret « Glenn Gould on television – The complete CBC Broadcasts 1954-1977 », Sony Classical
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(c) La Scena Musicale 2002