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La Scena Musicale - Vol. 17, No. 6 mars 2012

Le Garage à musique : La musique pour changer un quartier

Par Caroline Rodgers / 1 mars 2012

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Une photographe d'un enfant en crocs et chandail Nordiques jouant un violoncelle.C’est une belle maison ensoleillée dans Hochelaga-Maisonneuve. Aux murs, de minuscules violons sont accrochés. Un piano trône dans un coin, silencieux. Dans quelques heures, ces instruments prendront vie dans les mains des enfants du quartier, venus passer de beaux moments entre les murs du Garage à musique.

On ne compte plus les articles scientifiques démontrant que la musique a des effets positifs sur le développement social et neuropsychologique des enfants, et ce, dès le plus jeune âge. Elle développe notamment la motricité, la dextérité, le langage et d’autres habiletés cognitives et sociales.

Hélène Sioui-Trudel, avocate-médiatrice intéressée aux droits de l’enfance, a lancé ce projet qui propose d’intervenir auprès des jeunes âgés de zéro à vingt ans. L’organisme combine trois volets: la pédiatrie sociale développée par son conjoint, le Dr Gilles Julien, l’accompagnement scolaire adapté aux besoins de l’enfant et la pratique collective de la musique. Le tout a commencé en 2009 par un projet-pilote avec tous les élèves de l’école Saint-Nom-de-Jésus et un partenariat avec Samajam, une école de percussions.

« On travaille beaucoup pour que l’accès à la musique soit un droit et non un privilège, dit Mme Sioui-Trudel. Faire de la musique, faire du sport, bouger, lire, avoir le plus de possibilités pour se développer en tant qu’êtres humains, c’est ça les droits des enfants. À mon avis, un enfant qui n’a pas la musique dans sa vie tout jeune est privé d’un outil puissant de développement et c’est un droit bafoué. »

Le choix d’Hochelaga-Maisonneuve pour établir le Garage à musique n’est pas un hasard: c’est l’un des quartiers les plus défavorisés de Montréal. Ici, presque la moitié des enfants n’ont pas, à l’âge de quatre ans, les habiletés de base nécessaires pour entrer à l’école, selon elle. C’est aussi l’un des quartiers qui compte le plus grand nombre de signalements à la Direction de la protection de la jeunesse.

« Pourquoi les enfants, dans un quartier comme ici, n’ont-ils pas autant d’accès à la culture que dans un quartier comme Outremont? demande-t-elle. Ces enfants sont comme les autres: ils ont l’intelligence et l’étincelle de la curiosité dans les yeux. Si on ne leur permet pas de garder allumée cette flamme, c’est l’espoir qui est condamné. Ce quartier a besoin d’outils comme le Garage à musique pour prévenir les problèmes sociaux, le décrochage, la délinquance. Pour moi, c’est criminel, comme société, de ne pas donner à un enfant ce dont il a besoin pour grandir en santé physique et mentale. Et je pense que la musique est l’un des outils les plus puissants pour combattre ces problèmes, on ne peut pas passer à côté. »

Aujourd’hui, 228 enfants sont inscrits aux activités du Garage à musique sur une base volontaire, comme activité parascolaire. On leur permet d’apprivoiser puis de choisir un instrument. « Une fois que l’enfant a développé une passion pour l’instrument, on va le lui prêter et lui permettre de l’apporter chez lui, dit-elle. Il doit en prendre soin, c’est une responsabilité. »

Des écoles primaires du quartier fréquentent aussi le Garage à musique, mais on souhaite en accueillir davantage. Par ailleurs, des cours d’éveil musical sont offerts aux tout-petits venus des Centres de la petite enfance et des garderies privées.

Pour l’instant, le Garage à musique est financé en bonne partie par le Centre national de prévention du crime. Toutefois, payer des professeurs de musique et des éducateurs spécialisés pour le tutorat scolaire coûte cher. En outre, les locaux actuels sont petits. On souhaite déménager dans un bâtiment plus grand, avec des salles insonorisées et adaptées pour la pratique et les répétitions. Dans ce but, une campagne de financement est en cours pour récolter 1,2 million$ afin de rénover l’édifice Ovila-Pelletier, un grand bâtiment désaffecté appartenant à la Ville de Montréal.

L’objectif est que les enfants qui le souhaitent puissent éventuellement s’y rendre à tous les jours pendant plusieurs heures, comme le font les participants du programme El Sistema, au Venezuela. Ils y feront de la musique, mais aussi leurs devoirs.

On souhaite  s’inspirer en partie d’El Sistema pour développer le Garage à musique, avec, éventuellement, la création d’orchestres, lorsque l’espace le permettra. Mme Sioui-Trudel s’est déplacée au Venezuela pour observer les activités d’El Sistema et rencontrer son fondateur, José Antonio Abreu. Elle compte aussi inviter des professeurs vénézuéliens pour qu’ils enseignent leurs méthodes aux professeurs d’ici. « Les spectacles qu’ils font sont formidables, ils bougent, et ils ont un répertoire génial qui accroche les jeunes », dit-elle.

Toutefois, le Québec n’est pas le Venezuela. La formule doit être adaptée à la réalité d’ici, souligne-t-elle.

« L’idée n’est pas d’en faire de grands musiciens, mais de bons citoyens, capables de se réaliser et de participer à la société. C’est pourquoi il y a un volet musique, un volet pédiatrique et un volet scolaire, trois aspects que l’on souhaite développer davantage. »


www.fondationdrjulien.org
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