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La Scena Musicale - Vol. 17, No. 5 février 2012

La relève au clavecin : Mélisande McNabney

Par Caroline Rodgers / 1 février 2012

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McNabney

À 28 ans, Mélisande McNabney a déjà un parcours impressionnant, ponctué de diplômes et de bourses. Longtemps partagée entre le piano et le clavecin, c’est ce dernier qu’elle a choisi pour mener sa carrière. L’artiste, qui prend petit à petit sa place sur la scène musicale montréalaise, sera certainement une musicienne à surveiller au cours des prochaines années.

La musique a toujours fait partie de la vie de Mélisande McNabney. Ce fut même une langue maternelle, puisqu’elle a grandi au sein d’une famille de musiciens accomplis. Elle est la petite-fille des organistes et clavecinistes Bernard et Mireille Lagacé. Ses parents sont Isolde Lagacé, claveciniste, et Douglas McNabney, altiste.

Petite, elle touchait déjà le clavecin de sa mère à la maison. À sept ans, elle commence à suivre des cours de piano, et elle ira très loin avec cet instrument, jusqu’au Prix du Conservatoire de musique de Montréal, où elle a étudié avec nul autre qu’André Laplante. Pendant tout ce temps, elle continue à jouer du clavecin en parallèle, passant d’un grand professeur à l’autre.

Elle étudie d’abord le piano avec Yolande Gaudreau, puis avec Richard Raymond. À seize ans, elle passe directement du secondaire à l’université et obtient son baccalauréat en interprétation piano à McGill. Au clavecin, ses professeurs sont successivement Luc Beauséjour, Hank Knox et Mireille Lagacé.

Pour elle, il a toujours été naturel de jouer des deux instruments.

« C’est sûr qu’il y a une adaptation entre les deux dans la façon de toucher le clavier, dit-elle. Il faut trouver son confort sur chaque instrument. Au clavecin, on met moins de poids, mais cela se fait de manière instinctive. À l’époque baroque, tout le monde jouait de plusieurs instruments à clavier. Un claveciniste jouait aussi de l’orgue ou du clavicorde, c’était normal. Le défi est surtout de trouver du temps pour tout faire. »

À 22 ans, ce triangle amoureux musical arrive à son terme. Elle a fini par trancher : ce sera le clavecin. « J’ai plus d’affinités avec les dimensions du clavecin, avec son répertoire. Le piano a toujours été pour moi un immense défi, un effort, et le répertoire romantique pour piano n’a jamais été mon préféré. Je préférais les compositeurs de l’époque classique ou contemporaine. J’ai joué le Concerto de Tchaïkovski, mais ce n’était pas moi. Le clavecin m’est plus naturel. Quand j’ai pris ma décision, cela n’a étonné personne. »

Pendant deux ans, elle étudie clavecin, piano-forte et continuo à Amsterdam avec Bob van Asperen et Richard Egarr. Elle obtient sa maîtrise en clavecin et continuo du Conservatoire d’Amsterdam en 2010.

De retour à Montréal, elle est présentement boursière du Conseil des Arts du Canada. Cela lui permet de se perfectionner à l’instrument en suivant régulièrement des cours avec Kenneth Weiss, à New York.

Elle souhaite maintenant faire son chemin dans l’univers des récitals et de la musique de chambre. À cet égard, le fait de venir d’une grande famille de musiciens l’aide à garder une vision réaliste de la carrière qui l’attend, souligne-t-elle. « J’ai toujours été encouragée par mes parents, et j’ai dans ma famille des modèles auxquels j’aspire, dit-elle. Cela allait de soi pour moi de devenir musicienne, mais je ne vois pas cela comme une carrière de rêve. L’important est de faire ce que l’on aime, et tant mieux si cela fonctionne ! »

Depuis son retour au Québec, elle a joué, entre autres, avec l’Ensemble Caprice et le Theatre of Early Music et elle jouera pour la première fois avec Arion Orchestre Baroque en mars prochain, sous la direction de Rachel Podger, pour le concert Musique au Café Zimmermann.

Consciente que chaque musicien doit se prendre en main et développer ses projets, elle a mis sur pied La Dauphine, une série de concerts dans le cadre duquel elle a joué les Variations Goldberg en récital à l’église St John the Evangelist, en octobre dernier. Bach est d’ailleurs son compositeur préféré.

La Dauphine est un nom choisi en l’honneur de Marie-Josèphe de Saxe, Dauphine de France de 1747 à 1765. En 1747, Jean-Philippe Rameau composa la pièce de clavecin La Dauphine. De plus, le nom désigne aussi le dauphin, animal souvent représenté sur les clavecins à partir du XVIe siècle.

Un tel choix révèle chez la musicienne une passion pour l’histoire et les livres. « J’adore les bibliothèques, dit-elle. Quand je suis dans une ville et que je n’ai rien à faire, je vais à la bibliothèque en quête de découvertes. »

Elle s’intéresse évidemment à l’interprétation historique, et fait des recherches musicologiques pour trouver comment jouer de la façon la plus authentique possible.

« Il y a des indices, par exemple, sur la façon de faire un ornement, mais il reste que l’interprétation comporte toujours une part d’invention. Les gens ont tort de penser que le clavecin est moins expressif. Il y a aussi des pianistes qui ont un style austère. Au clavecin, il y a moins de paramètres qu’au piano, car c’est un outil plus subtil qui permet de transmettre les idées musicales surtout grâce à l’articulation et à l’agogique. Mais tout est dans l’approche. Pour ma part, je favorise un jeu expressif. »

Elle s’intéresse aussi à la musique contemporaine. « On a beaucoup écrit pour le clavecin au début du vingtième siècle, notamment Ligeti et Xenakis, dit-elle. J’ai toujours aimé faire de la musique contemporaine. C’est un milieu intéressant, qui permet de rencontrer des compositeurs. »

Le troisième concert de La Dauphine fera d’ailleurs place à Punctum, un nouvel ensemble pour cordes pincées fondé avec des amis, Marc-Olivier Lamontagne, guitariste, et Éveline Grégoire-Rousseau, harpiste.

On pourra entendre Mélisande McNabney le 26 février avec le bassoniste Mathieu Lussier dans le cadre de la série Topaz de Pro Musica, les 16, 17 et 18 mars prochains avec Arion Orchestre Baroque, à la salle Bourgie, le 21 avril avec Punctum à l’église St John the Evangelist, et le 18 mai dans le cadre de la série Clavecin en concert, à la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours. www.promusica.qc.ca, www.arionbaroque.com, www.clavecinenconcert.org


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