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La Scena Musicale - Vol. 17, No. 4 décembre 2011

Variations sur un thème

Par Laura Bates / 1 décembre 2011

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Ressentez-vous l’envie de changer d’air ? Suivez la cadence de l’équipe LSM avec nos recommandations apparentées aux chefs-d’œuvre habituels.

Le chef-d’œuvre :
La Symphonie fantastique, op. 40 d’Hector Berlioz

L’année 1830 fut marquée en France par le grand bouleversement de la Révolution de Juillet. Cette année-là, le compositeur français Hector Berlioz (1803-1869) remporta le Prix de Rome, récompense prestigieuse qui finançait les études d’un artiste pendant cinq ans. Il compléta également sa Symphonie fantastique. Inspirée des œuvres littéraires de Thomas de Quincey (Confessions of an Opium Eater) et de Victor Hugo (Le dernier jour d’un condamné), cette œuvre à programme utilise plusieurs techniques d’écriture pour raconter en musique l’amour désespéré de Berlioz. Son emploi de l’idée fixe, une technique qui transforme les thèmes pour leur faire raconter une histoire ou encore exprimer une atmosphère ou une idée, unifie efficacement l’œuvre en cinq mouvements. Ici, l’idée fixe représente l’amoureuse du compositeur. Sous l’effet de la drogue, le compositeur rêve qu’il tue l’objet de son affection pour être ensuite lui-même décapité à la fin du quatrième mouvement. Un drame s’ensuit alors que le rêve tourne au cauchemar dans le cinquième mouvement, le Songe d’une nuit de Sabbat. Le glas funèbre et le chant grégorien du Dies irae (jour de colère) intensifient l’épouvante croissante. Orchestrateur de génie, Berlioz démontre une grande maîtrise des textures et des couleurs instrumentales pour dépeindre des scènes de joie, de mélancolie, de solitude et de frénésie. Sa Symphonie fantastique est un festin pour les oreilles et l’imaginaire.

Laura Bates

L’essentielle Symphonie fantastique d’Alexandre Lazaridès
Berlioz : Symphonie fantastique op. 14
Philharmonique de New York/Leonard Bernstein
Sony SMK 60968 (69 min 13 s)

La « Fantastique » a été souvent endisquée, et par de grands noms. Leonard Bernstein, dans un enregistrement daté du 27 mai 1963, n’y mettait pas un talent de coloriste, à l’instar des chefs européens qui s’inscrivaient dans une certaine tradition, mais du mouvement, de la passion, de la vie, avec une Marche au supplice à faire frissonner. Il embrase son orchestre, une phalange alors à son zénith, et nous convainc à tout coup. La prise de son est en outre d’une présence étonnante.

Frédéric cardin recommande…
Ernest Chausson (1855-1899)
Symphonie no 1
Composée entre 1889-1890

Similitudes : une symphonie française, certes, mais avec un caractère romantique expansif et parfois ardent. Une orchestration riche et somptueuse teintée de lyrisme. Une enfant de Berlioz à n’en pas douter.

Différences : cette symphonie est écrite en trois mouvements seulement et n’utilise pas l’idée fixe si fondamentale dans la Fantastique. Son chromatisme harmonique la rapproche aussi de la symphonie germanique.

Écoute essentielle :
French Symphonies
Orchestre philharmonique de Radio France/Marek Janowski
Virgin Classics 61513 (2CD, 1998)

Éric Champagne recommande…
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Danses Symphoniques, op. 45
Composées en 1943

Similitudes : Berlioz cite le thème du Dies irae dans le Songe d’une nuit de Sabbat, l’infernale bacchanale qui clôt sa Symphonie Fantastique. Chez Rachmaninov, le Dies Irae est un thème cité dans plusieurs œuvres dont les Danses Symphoniques où il apparaît dans un final emporté proche du romantisme échevelé de Berlioz.

Différences : le Dies Irae chez Berlioz revêt des couleurs lugubres et fantasques, tandis que sa présence dans l’œuvre de Rachmaninov rappelle l’éternel combat d’Éros et Thanatos. Cette allusion à la mort qui rôde au sein d’un mouvement de danse plein de vie confronte le désir de vie et de mort dans une exaltation paradoxale, tragique et jubilatoire, foncièrement romantique.

Écoute essentielle :
Rachmaninov : Les symphonies
Concertgebouw Orchestra/Vladimir Ashkenazy
Decca 455 798-2 (1998)

Paul E. Robinson recommande…
Hector Berlioz (1913-1976)
La Mort de Cléopâtre
Composé en 1829

Similitudes : Berlioz a (littéralement) écrit le traité sur l’orchestration et la Symphonie fantastique est pleine d’innovations instrumentales—p. ex. l’emploi de deux groupes de timbales, d’une clarinette en mi bémol, de cloches, d’effets col legno, etc. La Mort de Cléopâtre est également étonnante pour cette période.

Différences : alors que Cléopâtre est mortellement mordue par le serpent, Berlioz demande aux deux flûtistes de passer aux piccolos pour la seule fois dans la symphonie—et pour jouer quatre notes fortissimo ! La représentation de la mort dans les dernières pages est également originale. Les contrebasses (sans accompagnement des violoncelles !) jouent la même figure de 2 notes pas moins de 128 fois en succession. L’effet est proprement éthéré et fascinant.

Écoute essentielle :
Berlioz : La Mort de Cléopâtre/Symphonie fantastique
Susan Graham, mezzo-soprano; Berlin Philharmonic/Simon Rattle
EMI Classics 5 099921 622403 (2008)


Écoutez la Symphonie fantastique de Berlioz en concert :
• Royal Philharmonic Orchestra et l’Orchestre du Centre national des Arts/Zukerman; 17 janvier 2012. www.nac-cna.ca
• L’Orchestre symphonique de Montréal/Nagano. À Montréal : 27, 29 et 31 mars 2012. À Québec : 28 mars 2012. www.osm.ca

Traduction : Julie Berardino et Alain Cavenne


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(c) La Scena Musicale 2002