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Lan Tung vit et respire le paradoxe.
Elle se tient à la croisée des chemins entre l’Orient et l’Occident,
l’innovation et la tradition, l’interprétation et la composition,
le travail de soliste et celui de collaboratrice. Pas étonnant donc
qu’elle ait baptisé son groupe « Birds of Paradox » ! Ce projet
conjugue les influences indiennes, celtiques et chinoises, mais ses
nombreux autres, notamment l’Orchid Ensemble (finaliste aux prix JUNO),
le Vancouver Inter-Cultural Orchestra et Tandava, sont également marqués
par la confluence des styles.
Née à Taïwan et installée à
Vancouver, Lan Tung est souvent en tournée avec son instrument, l’erhu.
D’une semaine à l’autre, il peut lui arriver d’être soliste
avec orchestre, puis d’accompagner un spectacle d’arts visuels,
de multimédia ou de danse. Dans ses moments « libres », elle sillonne
le globe pour étudier auprès de maîtres en instruments à cordes
de toutes sortes : l’erhu en Chine, à Taïwan, au Canada et aux États-Unis,
l’improvisation avec la violoniste Mary Oliver à Amsterdam, la musique
classique hindoustanie auprès de Kala Ramnath à Bombay, la musique
égyptienne et le maqâm avec Alfred Gamil au Caire ou bien les partitions
graphiques et l’improvisation avec Barry Guy en Suisse, sans compter
la musique vocale et la musicothérapie. Ces projets sont l’occasion
de tisser des liens entre différents domaines : musique du monde, contemporaine
ou multidisciplinaire, musique de chambre ou orchestrale… Toutes ces
influences transparaissent dans ses propres compositions et improvisations.
D’après elle, ce n’est rien
de bien nouveau, puisque le choc des cultures inspire les musiciens
du monde entier depuis toujours : « Il est tout à fait normal que
les musiciens goûtent à différents styles. Les dissonances font découvrir
de nouvelles sonorités. J’aime la tension qui existe entre l’insolite
et l’ordinaire. »
Paradoxalement, cet éclectisme dans
le répertoire ne s’étend pas à son choix d’instruments. Si elle
a tâté du piano et de la guitare pendant ses études secondaires,
c’est à l’erhu qu’elle se consacre depuis l’âge de 10 ans.
« J’ai une collection d’instruments à cordes de différents pays
que j’aimerais bien maîtriser, mais je manque de temps pour m’y
mettre, dit-elle. J’ai encore des choses à apprendre sur mon instrument.
» En fait, c’est presque par hasard qu’elle s’est initiée à
l’erhu. « J’avais juste envie d’apprendre à jouer d’un instrument,
raconte-t-elle. Taïwan n’était pas encore une puissance économique,
et peu de familles avaient les moyens de se payer un piano ou des leçons.
La création d’un orchestre de musique chinoise à l’école m’a
donné la chance de faire de la musique gratuitement. Je me suis inscrite
immédiatement. »
On dit souvent que l’erhu est un
violon chinois, et cette comparaison a son utilité : ce sont deux instruments
à cordes, faits de bois, et de tessiture aiguë – l’erhu ayant
un moindre registre, de deux octaves et demie – que l’on joue avec
un archet en crin de cheval. Par contre, l’erhu est tenu à la verticale
sur la cuisse de l’instrumentiste, l’archet placé entre les deux
cordes. Chaque côté de l’archet est enduit de colophane et frotte
une corde. La tenue de l’archet par en dessous est similaire à celle
employée pour la contrebasse à l’allemande; c’est comme manger
avec des baguettes. Il n’y a pas de touche : les doigts sont posés
sur les cordes tendues par-dessus le bois. Ainsi, on peut jouer de cet
instrument plus longtemps sans se fatiguer. Le musicien change la hauteur
du son en faisant glisser les doigts et en exerçant une pression plus
ou moins forte sur les cordes, ce qui donne un autre genre de vibrato.
Bien entendu, il existe des différences entre l’erhu de base et l’instrument
classique, puisqu’il se décline en plus de 50 variantes folkloriques
en Chine. Les cordes sont traditionnellement en soie, mais aussi en
acier. Les instruments utilisés par l’Opéra de Beijing étaient
faits de bambou, et ceux du Sud, en noix de coco.
Loin de se lasser d’entendre comparer
le violon et l’erhu, Lan Tung estime que le jeu du familier et de
l’exotique fait toute la beauté d’une musique qui fait se chevaucher
les cultures et les genres. « Quand les gens entendent de la musique,
ils font tout naturellement des liens avec ce qu’ils connaissent,
explique-t-elle. L’écoute est une chose subjective qui dépend de
l’expérience de tout un chacun. L’effet n’est pas forcément
celui que recherchait l’interprète ou le compositeur, mais peu importe,
ça marche. Par exemple, dans mes compositions, j’utilise parfois
des mélodies chinoises que j’adapte en jonglant avec les modes et
les mélodies. Je trouve ça très intéressant, parce qu’on déstabilise
ainsi l’oreille qui s’était habituée à entendre certaines choses.
Voilà pourquoi je n’ai pas le temps de jouer d’un autre instrument
: j’en suis encore à apprendre la musique, et pas uniquement la musique
chinoise ou l’erhu. Je fais l’acquisition de langages musicaux.
» Une pause, puis elle ajoute : « La musique est tellement plus riche
si l’on dépasse les frontières entre le traditionnel et le contemporain
pour ne penser qu’à la musique ! »
www.lantungmusic.com
Lan Tung joue des solos d’erhu
avec l’Orchestre Métropolitain dans Heartland, de Mark Armanini
:
• 25 janvier, église Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, Verdun
• 26 janvier, Maison symphonique, Montréal
• 28 janvier, salle Désilets du Cégep Marie-Victorin, Rivière-des-Prairies
www.orchestremetropolitain.com
Traduction
: Anne Stevens
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