Conversation avec Isabelle Faust Par Pemi Paull
/ 1 novembre 2011
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Parmi les violonistes
européens les plus intéressants de cette génération qui se font
un nom en Amérique du Nord se trouve Isabelle Faust, qui a réussi
à atteindre le succès sans passer par le marketing traditionnel. Sa
réputation de musicienne pleine de profondeur, de flexibilité et de
curiosité vient plutôt du fait qu’elle s’applique à jouer avec
intégrité et fidélité la musique des compositeurs. Comme elle le
dit: «Je pense qu’il est parfaitement normal pour tous les musiciens
de jouer plus ou moins le répertoire entier disponible de chaque époque
et de chaque siècle, tant que la qualité de la musique est au rendez-vous.»
Faust nous montrera
son indiscutable talent musical lors du concert d’ouverture du Festival
Bach de Montréal le 8 novembre, au cours d’un récital consistant
uniquement en des œuvres de Bach pour violon seul. Les Sonates et
Partitas de Bach ont récemment été au centre de sa carrière.
«J’ai travaillé sur ce répertoire durant ces dernières années,
préparant leur enregistrement», dit-elle, faisant allusion à l’enregistrement
de la première partie de son cycle des six Sonates et Partitas,
sortie l’année dernière. Cet été, elle a enregistré l’autre
moitié, qui sortira l’année prochaine. «J’essaie de les jouer
autant que possible, de bien les garder dans mes doigts et de continuer
à m’améliorer. Bach est évidemment la base du répertoire pour
violon», dit-elle.
Faust fait partie
d’un nombre de plus en plus grand de musiciens notables de cette génération
qui refusent d’être catégorisé dans un style particulier. «Bon,
il est vrai que j’essaie d’étudier autant que possible et d’acquérir
le plus d’information possible sur la musique des siècles précédents»,
dit-elle en mentionnant ses collaborations fréquentes avec un certain
nombre d’ensembles d’époque. «Je joue beaucoup avec Frans Bruggen
et son orchestre en ce moment, et aussi avec Andreas Steier. J’aime
beaucoup m’approcher le plus possible des sources originales, absorber
chaque information que je peux trouver, puis l’intégrer dans ma propre
vision de la musique que je joue. Bien entendu, il est toujours extrêmement
stimulant de jouer avec des gens qui sont considérés comme des experts
dans le domaine de l’interprétation historique, afin d’obtenir
parfois une vision complètement différente de la musique que je joue
plus souvent avec des orchestres ‘normaux’. Chaque fois que je joue
le concerto de Beethoven ou le concerto de Schumann avec Frans Bruggen
en utilisant des cordes en boyau, c’est incroyablement enrichissant
parce que je vois immédiatement une façon complètement différente
d’aborder une œuvre que je jouais depuis plusieurs années et que
je pensais très bien connaître.»
Elle remarque que
ses recherches sur les interprétations historiques amènent toujours
un tas de nouvelles questions, ce qui peut s’avérer problématique.
«Vous pouvez demander quelque chose à un expert et il vous donnera
une réponse, mais un autre vous répondra tout l’inverse! Finalement,
il revient à chaque individu de choisir la réponse qui lui correspond.
Je suis une violoniste qui vit aujourd’hui, non au temps de Bach.
Je joue ce répertoire pour le public d’aujourd’hui. Je pense vraiment
qu’il est très naturel d’intégrer les expériences personnelles
de notre temps.»
Selon Faust, cette
approche ne s’applique pas seulement aux périodes baroque et classique,
mais devrait être une partie intégrante du métier d’interprète
de musique du 19e siècle. « Une grande partie de mon travail
a consisté en l’étude de manuscrits lorsque nous avons enregistré
les sonates de Beethoven, dit-elle, de même que j’ai passé beaucoup
de temps dans les bibliothèques pour étudier les manuscrits du concerto
pour violon de Schumann. Il est extrêmement stimulant de découvrir
quel type de caractère recherchait le compositeur, même à travers
son écriture, et de voir également comment différents éditeurs interprètent,
parfois avec justesse et parfois non, l’écriture de certains compositeurs.»
L’avantage d’étudier
la musique du 19e siècle est qu’il existe des enregistrements
de certains des plus grands artistes associés à cette période, comme
par exemple Joseph Joachim qui a donné la première du concerto pour
violon de Brahms et qui est né assez tôt pour jouer le concerto pour
violon de Beethoven sous la baguette de Mendelssohn. «Je viens juste
de sortir le concerto pour violon de Brahms en CD, avec le 2e
sextuor, dit Faust, et j’ai beaucoup étudié la correspondance entre
Joachim et Brahms lors de ma préparation. Bien entendu, c’est merveilleux
et vraiment fantastique d’avoir ces petits enregistrements de Joachim.
C’est exaltant et cela nous montre à quel point les choses étaient
différentes par rapport à notre époque, comme par exemple la façon
dont les musiciens classiques joueraient normalement le concerto pour
violon de Brahms aujourd’hui. En fait, le marquage du métronome qu’indique
Joachim pour le concerto pour violon de Brahms est vraiment différent
de ce que l’on entend habituellement dans les interprétations aujourd’hui.
Et il y a bien sûr tout ce qu’il dit concernant les vibratos et les
articulations qui ne sont pas du tout ce que j’ai l’habitude d’entendre
chez mes collègues! Ma façon d’appréhender cette œuvre a réellement
changé après avoir étudié les lettres de Joachim et son style, et
personne ne s’approche le plus des idées de Brahms que lui. Il est
vraiment le seul à pouvoir nous dire comment le jouer!»
À la fin, savoir
ce qu’on fait de cette information reste très particulier et personnel.
Pour Isabelle Faust, l’important est de «se poser des questions,
encore et encore, les mêmes ou des nouvelles, sur les œuvres des répertoires
principaux. Sinon, ils deviennent une routine, et c’est ce qui pourrait
arriver de pire. On ne devrait jamais être trop sûrs de la façon
dont on joue ces œuvres et de ce que les compositeurs recherchaient,
ou alors on arrête de se poser ces questions.»
Traduction
: Fabrice Petit
Pour l’interview
intégrale, visitez le blog de Pemi :
http://violalotus.tumblr.com/post/10982692732/a-conversation-with-isabelle-faust
En concert: Sonates et Partitas de J.S. Bach – 8 novembre,
19h30, salle Bourgie www.festivalbachmontreal.com English Version... |
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