Lisztomanie ! Lang Lang sur son compositeur préféré Par L.H. Tiffany Hsieh
/ 1 octobre 2011
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Il est fort possible
que vous ayez déjà entendu l’histoire du petit garçon chinois de
deux ans qui regardait un épisode du dessin animé Tom and Jerry
dans lequel le chat Tom, habillé en smoking, joue la Rhapsodie hongroise
no 2 de Franz Liszt. Le petit garçon ne
connaissait pas la pièce de musique, mais il sut dès lors qu’il
voulait être comme Tom. «Liszt a été le premier compositeur qui
m’a inspiré à jouer de la musique classique», dit le pianiste Lang
Lang, en parlant de l’épisode qui l’a initié à la musique classique
occidentale.
Lorsque Lang avait
cinq ans, il a joué La petite rhapsodie hongroise lors
de son premier récital. À neuf ans, il a commencé à apprendre la
Tarantelle. «Chaque année, j’apprenais une nouvelle pièce importante
de Liszt. C’était un excellent moyen d’améliorer ma technique.
Chaque pièce représentait pour moi une nouvelle étape franchie»,
se souvient Lang. Aujourd’hui, à 29 ans, Lang n’est plus enfant
prodige. Il est un musicien et un homme d’affaires sérieux, quelqu’un
qui gagne très bien sa vie en jouant de la musique classique. Même
ceux qui l’apprécient moins ne peuvent guère nier que Lang est une
superstar du piano et qu’il possède un véritable sens du spectacle.
On pourrait en
dire autant du pianiste hongrois du XIXe siècle qui l’a
inspiré. La glorieuse et flamboyante carrière de Liszt a répandu
sur l’Europe une frénésie hystérique, baptisée «lisztomanie»
par le poète et journaliste allemand Heinrich Heine. Comme Lang, qui
a acquis un statut de marque (il y a une chaussure Adidas qui porte
son nom, ainsi qu’un piano Steinway), Liszt était une véritable
vedette populaire à son époque. Mais Lang ne constate aucune ressemblance
entre lui et son « héros du piano » (Piano Hero est le titre
de son plus récent CD, lancé par Sony Classical pour souligner le
bicentenaire de Liszt). «Il est un dieu du piano ! Je ne pourrais jamais
me comparer à lui», affirme le brillant pianiste depuis Londres, où
il vient d’interpréter le Concerto pour piano no 1
de Liszt au Last Night of the Proms. «Il a rendu la musique
classique accessible à tous, il n’y avait aucune grande différence
entre la musique classique et la musique populaire. À l’époque de
Liszt, la musique classique était la musique populaire».
De nos jours, la
musique classique n’est plus populaire. Lang demeure toutefois très
optimiste quant à son avenir. Après tout, n’a-t-il pas inspiré
plus de 40 millions de jeunes Chinois à apprendre le piano–un phénomène
surnommé «l’effet Lang Lang» par le US Today Show ? En 2008, il
a créé sa fondation internationale de musique à New York pour inspirer
la nouvelle génération de mélomanes et d’interprètes de la musique
classique. Selon Lang, une première école de piano de la fondation
ouvrira ses portes en Chine en janvier 2012. « Nous avons la responsabilité
d’encourager la jeunesse à écouter la musique classique. Je crois
qu’avec un bon style pédagogique, on rendra plus accessible la musique
classique à ceux qui veulent l’apprendre dans un style plus souple,
plus naturel, plus précis et plus émotionnel », explique Lang, avant
d’ajouter que Liszt était considéré comme un éducateur incroyable
et que plusieurs de ses étudiants ont été la force motrice derrière
l’école de piano du XXe siècle.
«Je veux que les
répétitions soient amusantes», dit Lang. Et elles doivent se faire
lentement, pas n’importe comment. «Il y a deux compositeurs qui peuvent
vous briser les bras: Liszt et Rachmaninov, explique Lang. Mais si vous
vous y prenez de la bonne manière, si vous répétez très lentement,
vos bras pourront les supporter.» Cela dit, Lang, dans une vidéo qui
accompagne son CD, admet que Liszt présente des défis physiques. «Franz,
tu me rends fou!» dit-il lors d’une séquence où il décrit la douleur
qu’il éprouve aux bras et dans le bout des doigts. « Liszt était
unique et une personne très pianistique, raconte Lang à La Scena
Musicale. Il est à la fois ange et démon du piano. Il est le gentil
monstre des arrangements.»
La préparation
à l’enregistrement se fait loin des touches du clavier: Lang
ouvre ses partitions et révise les indications de tempo et de nuance.
« C’est un travail très mental. Il faut comprendre la structure et
la signification des notes et avoir ses propres idées sur la musique,
explique-t-il. Il faut ensuite créer des rapports avec le cœur. Après,
il faut que cela devienne réalité, que les émotions et les sentiments
soient calculés. Il faut construire les ponts qui manquent. C’est
tout un défi. C’est comme réaliser un rêve. Il faut que ce soit
très personnel, mais également toujours très logique.»
C’est exactement
ainsi que l’on pourrait décrire Liszt–My Piano Hero: à
la fois personnel et calculé. Jouant sur un Steinway de New York et
sur un autre de Hambourg, les doigts agiles de Lang nous révèlent
les feux d’artifice, les sentiments poétiques et les vives sonorités
de la musique qu’il adore. Il y a évidemment les incontournables,
Consolation no 3 et Liebestraum
(«sa pièce la plus connue»), ainsi que les pièces préférées de
l’interprète: La campanella
(«une idée géniale») et la «Marche de Rakoczi» de la Rhapsodie
hongroise no 15
(la version de Horowitz). Lang est un véritable papillon, voltigeant
haut et bas, avec force et avec douceur de manière élégante et aisée.
Le disque comprend également la Rhapsodie hongroise no 6,
Romance «Ô pourquoi donc», Grand galop chromatique, Un sospiro
et les transcriptions de Liszt de l’Ave Maria
de Schubert et d’Isoldes Liebestod du Tristan und Isolde
de Wagner. Les trois dernières pistes sont consacrées au Concerto
no 1 et Lang est accompagné par Valery
Gergiev et l’Orchestre philharmonique de Vienne.
Il faut oublier
l’effet Lang Lang. On assiste ici aux effets spéciaux Lang Lang et
bien que les effets ne soient pas tous véritablement spéciaux, il
n’y a aucun doute que ceci est un hommage très personnel de Lang
à Liszt. Et pourquoi faire autrement si l’on veut ainsi contribuer
à ce vaste monde que l’on appelle l’art ? Le joyeux pianiste aux
cheveux hérissés, lui, semble tout à fait satisfait de son hommage.
Dans un vidéoblogue qui accompagne le disque, Lang se filme dans un
miroir alors qu’il dialogue avec «Franz». «C’est très amusant.
J’aime bien parler à Liszt, dit Lang. Cela m’encourage à m’améliorer».
Traduction : David-Marc
Newman English Version... |
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