Matthew White : Un contre-ténor aux multiples facettes Par Hélène Boucher
/ 1 septembre 2011
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Il n’a pas encore 40 ans et déjà,
la carrière du contre-ténor canadien Matthew White est bien remplie.
Il se révèle comme un artiste pour qui l’art vocal est synonyme
de travail et de discipline, digne conception inspirée de la tradition
des castrats des 17e et 18e siècle.
D’Ottawa
à Montréal: le tremplin d’un chanteur né
White voit le jour à Ottawa au début des années 1970. Et c’est
dans la capitale canadienne que son amour du chant s’est déclaré.
Issu d’une famille sans vocation artistique, le petit Matthew s’intéresse
dès l’enfance au chant. À 8 ans, il intègre le St-Matthew’s Men
& Boys Choir de son plein gré. «J’étais un garçon très actif
qui avait besoin d’une discipline rigoureuse. Le chœur m’a apporté
cet encadrement», dit-il. Pour la première fois, il entend à ses
côtés de jeunes chanteurs possédant les prémisses d’une future
carrière. Le chanteur conservera précieusement, jusqu’à aujourd’hui,
cette philosophie de rigueur.
Il poursuit son apprentissage vocal
à Montréal, à l’Université McGill. Un programme complémentaire,
hybride: un an en musique puis trois ans en littérature anglaise. «À
cette époque, je n’avais pas encore pris la décision d’être chanteur.
J’aspirais à évoluer professionnellement en chant, mais je n’étais
pas vraiment tenté de me spécialiser dans une structure pédagogique»,
raconte-t-il. Son talent l’amène à monter sur scène, jusqu’à
l’obtention d’un baccalauréat en littérature anglaise. Il multiplie
les engagements, pour de minces cachets. Une situation plus qu’enviable
pour le jeune universitaire, «préférable à celle de serveur», souligne-t-il.
À ce moment, on lui demande à maintes reprises de prêter sa voix
à celle de la partie d’alto. Un art qu’il développe, malgré la
complexité physiologique requise. Il croise Daniel Taylor à cette
époque, qui emprunte un cheminement similaire.
L’évolution d’un contre-ténor
canadien
Le passage de l’alto au contre-ténor est un moment charnière
pour White. Lorsqu’il évoque son attachement à cette voix qui a
fait sa réputation, il en parle avec passion. Être contre-ténor lui
apporte des émotions uniques jamais ressenties auparavant. Malgré
ses limites, ce timbre vocal l’amène à vivre un paradoxe, entre
le féminin et le masculin. «J’aime la combinaison "homme-femme"
que me procure la voix de contre-ténor, avec sa pureté, sa clarté
et sa brillance, ses caractéristiques propres», ajoute l’artiste.
La musique ancienne le fascine depuis
toujours. Il en est imprégné, profondément, pour des raisons évidentes.
«Avec ce répertoire, ma voix me donne ce qu’elle a de mieux.» Pour
lui, difficile d’identifier un rôle, un personnage de prédilection.
Chaque rôle présente un défi en soi, celui de se séparer de son
identité et de s’engager dans la personnalité d’un autre. L’artiste
parle de «construction», un terme qui en dit long sur la rigueur qu’il
maintient depuis ses débuts.
«Je dois ressentir dans ma pratique
vocale que je relève à chaque fois un défi et que je transmets au
monde une parcelle de beauté», explique le contre-ténor. Celui qui
a fait partie de multiples ensembles a incarné Ottone dans L'incoronazione
di Poppea de Monteverdi à la Houston Grand Opera et au Toronto
Consort. L’œuvre de Bach le fascine par-dessus tout. Plus qu’un
génie, c’est à ses yeux un être ayant atteint par son œuvre le
plus haut degré de civilisation. Son admiration semble sans borne.
Il envisagerait même de ne chanter que du Bach tellement son attachement
est fort.
Au fil de ses apparitions en Europe,
aux États-Unis et au Canada, White côtoie des artistes formidables.
Encore ici, dure tâche que celle de les nommer. Il reconnaît toutefois
ressentir un profond respect pour David Daniels et Lawrence Zazzo pour
leur parfait calibrage technique et expressif. Quant à Gerard Lesne,
il admire son incroyable aisance à passer d’un registre à l’autre.
De la scène
à l’arrière-scène
Sa jeune carrière étant déjà ponctuée de succès, White n’a
pas l’intention de s’arrêter là. Son sens du dépassement l’a
amené à se réaliser autrement que comme soliste. En 1999, il fonde
avec d’autres artistes l’ensemble Les Voix Baroques,
spécialisé dans le répertoire de la Renaissance et du baroque. Il
en est l’actuel directeur musical. Son rôle consiste notamment à
inviter des solistes confirmés.
Un nouveau défi de taille l’attend
à l’automne, celui de directeur exécutif de Pacific MusicWorks
de Seattle, une compagnie orientée par les courants du 17e
et 18e siècle mais aussi par les les courants contemporains,
la musique actuelle (ce qui intéresse White dans sa conception de la
musique). Une nouvelle aventure qu’il aborde avec enthousiasme: «Même
si je suis résolument tourné vers la musique ancienne, je me réjouis
à l’idée de m’ouvrir à de nouvelles perspectives, à de nouveaux
artistes. Mon mandat consistera en majeure partie à administrer, mais
je compte bien conserver un rôle actif au sein des Voix Baroques
et poursuivre aussi mon chemin comme soliste», dit le chanteur. Idéalement,
il souhaite chanter de trois à quatre mois par année et passer le
reste du temps à endosser son nouveau rôle en administration.
White garde un œil sur la relève,
sur l’émergence de nouveaux talents. Il recommande aux jeunes de
bien définir leurs objectifs, d’être honnêtes envers eux-mêmes
et sur la façon la plus réaliste de les atteindre. «Tout artiste
doit considérer l’art comme un métier, un travail constant. La clé
du succès réside dans la connaissance de soi», soutient-il. Une note
de sagesse concluante d’un chanteur qui, à 38 ans, n’a pas fini
de se consacrer à son art.
Matthew White en concert:
» Avec Les Voix Baroques, le 29 octobre à Victoria (C.-B)
earlymusicsocietyoftheislands.ca, lesvoixbaroques.ca
» Avec l'Orchestre baroque Tafelmusik à Toronto, du 14 au 16 et du
19 au 20 octobre, heures variées. tafelmusik.org
» Dans Le Messie de Haendel avec l'Orchestre philharmonique
de Calgary, les 9 et 10 décembre à Calgary. cpo-live.com English Version... |
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