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La Scena Musicale - Vol. 17, No. 1 septembre 2011

Pierrette Alarie (1921-2011)

Par Jean-Pierre Sévigny / 1 septembre 2011

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La soprano lyrique et professeure Pierrette Alarie s'est éteinte dans la nuit du 10 juillet 2011, à Victoria (C.-B.) à 89 ans. Alarie était née dans une joyeuse famille de musiciens. Son père Sylva Alarie était violoncelliste et chef d'orchestre; sa mère Amanda était chanteuse et comédienne. Elle jouait Maman Plouffe dans le téléroman Les Plouffe.

De la chansonnette à l'opéra
Alarie a débuté sa carrière à la radio comme comédienne et diseuse. Elle a gagné un premier concours avec la chanson Ma grand-mère était garde-barrière de Mireille. À 15 ans, elle avait déjà sa propre émission radiophonique Rythme et mélodie. Elle y interprétait les succès des chanteuses réalistes en vogue dans les années 1930. À 17 ans, elle a fait ses débuts à l'opérette au Monument-National avec la troupe des Variétés lyriques dans l'Auberge du cheval blanc. Elle s'est imposée sur la scène montréalaise au cours des années 1940 dans les premiers rôles des opéras La Fille du régiment, Mireille, Le Barbier de Séville et La Traviata.

Vedette au Québec grâce à son émission radiophonique puis ses prestations aux Variétés lyriques, elle ne s'est pas arrêtée en chemin. En 1940, elle a fréquenté le studio d'art lyrique de Salvator Issaurel où elle a rencontré le ténor Léopold Simoneau, qu'elle épousera en 1946.

« Je veux être chanteuse d'opéra »
En 1943, elle a vécu un des grands moments de sa jeune carrière en interprétant le rôle de Barbarina dans Les Noces de Figaro sous la direction du légendaire Thomas Beecham au théâtre His Majesty's. À la suite de ce succès inusité, Alarie a pris la décision d'aller «raffiner son art» aux États-Unis. Elle hésitait entre Juilliard à New York et Curtis à Philadelphie. Elle a choisi l'Institut Curtis pour une seule raison: «Elisabeth Schumann y enseignait.» De 1943 à 1946, elle a étudié le chant avec Schumann qui l'initia, entre autres, à la tradition vocale européenne. Schumann lui disait souvent que sa voix «souple et flexible» de colorature lui faisait penser à celle de la soprano Lotte Schöne. Alarie trouva en Schumann une source d'inspiration.

Alarie a été lauréate des «Metropolitan Opera Auditions of the Air» avec «l'Air des clochettes» de Lakmé, qu'elle reprendra tout au long de sa carrière. Elle a fait ses débuts au Met de New York en décembre 1945 dans Un ballo in maschera de Verdi sous la direction de Bruno Walter. Elle jouait le rôle du page Oscar. Un grand succès à l'aube de sa vingt-cinquième année. Puis, par l'entremise du chef d'orchestre Louis Fourestier, elle fut engagée avec son mari par l'Opéra-Comique de Paris où elle incarna les rôles-titres dans Lakmé et Lucia di Lammermoor. À ce moment, l'influence française sur la culture musicale était à son zénith. Seule ou en duo avec son mari, elle s'est illustrée sur les plus grandes scènes d'Europe et dans le cadre de plusieurs festivals prestigieux dont Aix-en-Provence, Glyndebourne et Vienne. Alarie a chanté à maintes reprises à la télévision de Radio-Canada, notamment à l'émission L'Heure du concert diffusée de 1954 à 1966. Le couple Simoneau-Alarie a aussi laissé sa marque notamment dans la discographie mozartienne. L'Académie Charles-Cros lui décerna en 1961 le Grand Prix du Disque pour un enregistrement d'airs de concert et de duos de Mozart. Le critique new-yorkais et historien du Metropolitan Irving Kolodin avait surnommé le couple «Monsieur et Madame Mozart.»

Adieu à la scène
Alarie a fait ses adieux à la scène le 24 novembre 1970, dans une production du Messie: Alarie et Simoneau étaient solistes invités de l'OSM. Alarie a consacré la dernière partie de sa vie à l'enseignement, principalement de la mise en scène. Elle souscrivait à cette idée toute wagnérienne que l'opéra est un art complet qui fusionne tous les autres arts. Elle répétait à ses élèves: «L'opéra, c'est du théâtre, il faut non seulement chanter, mais aussi jouer.» Pendant plus de vingt ans, elle a enseigné à l'école Vincent-d'Indy, au Centre des arts de Banff, puis au Conservatoire de musique de San Francisco. Elle a fait entre autres de la mise en scène pour de petites maisons d'opéra de la région de San Francisco, notamment à Palo Alto. De belles et fructueuses années, disait-elle.

En 1982, elle a fondé avec son mari la compagnie Canada Opera Piccola à Victoria. La compagnie offrait deux programmes complets: chant et présentation scénique. Elle avait pour mission de permettre aux jeunes chanteurs canadiens de recevoir une formation postuniversitaire en opéra hors des institutions et d'acquérir de l'expérience sur scène. La compagnie faisait aussi des tournées à travers le Canada. Opera Piccola a fermé ses portes en 1988 quand le Conseil des arts du Canada lui a retiré son appui financier. En 1986, Pierrette Alarie a fait une dernière mise en scène: La Fille du régiment pour l'Opéra de Québec.

Une légende
Alarie a reçu de nombreuses récompenses dont un Prix Opus (2007) du Conseil québécois de la musique pour l'ensemble de sa carrière. Elle était Officier de l'Ordre du Canada, Chevalière de l'Ordre national du Québec ainsi que Chevalière de l'Ordre des Arts et des Lettres de France. Adulée du public et comblée d'éloges par la critique internationale pour sa voix pure et cristalline, sa carrière fut sans doute l'une des plus illustres de l'histoire de l'art vocal au Canada. Elle rejoint dans la légende les Albani, Donalda et sa contemporaine Maureen Forrester, décédée en 2010.

Alarie laisse dans le deuil ses deux filles Isabelle et Chantal. Isabelle a vécu plusieurs années près de sa mère. En guise de conclusion, nous lui cédons la parole : «J'ai toujours trouvé ma mère bien brave et déterminée. Elle a toujours foncé, rien ne l'arrêtait, et ce, jusqu'à la dernière semaine. Elle a chanté sur scène malgré sa peur, son trac. C'était une femme indépendante et courageuse.»


La Messe en si mineur de J. S. Bach, BWV 232
par Laura Bates

Composée entre 1747 et 1749, la Messe en si mineur est largement perçue comme l'œuvre majeure de J.S. Bach en musique vocale sacrée. Elle incarne la maîtrise de ses techniques de composition, avec une partition resplendissante qui s'étend du stile antico au style concertato moderne. La messe n'a pas été écrite d'un seul coup: elle consiste en une sorte de mosaïque, Bach ayant puisé dans ses propres compositions précédentes et les ayant adaptées. Cette «technique d'emprunt» lui a permis de réviser, renouveler ou peaufiner des pièces existantes et lui aurait aussi permis d'économiser du temps.

LSM et XXI Records présentent un enregistrement historique de la Messe dans son intégralité, la première partie en septembre et la deuxième en octobre. Sous la direction du chef Hermann Scherchen, avec le Chœur de chambre de l'Académie de Vienne et l'Orchestre de l'Opéra d'État de Vienne, cet enregistrement de 1960 réunit la célèbre soprano Pierrette Alarie, la mezzo Nan Merriman, le ténor Léopold Simoneau et le baryton-basse Gustav Neidlinger.

[Traduction: Yujia Zhu]


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