Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 16, No. 6

el Sistema : Sististiques

Par Jonathan Govias / 18 mars 2011

English Version...


Version Flash ici

À ma première visite à Caracas, j’ai assisté à un exposé sur la sécurité donné par l’ambassade des États-Unis. La situation n’était pas rose, d’après l’officiel qui a pris la parole en nous disant : « Bienvenue dans la ville la plus dangereuse de l’hémisphère Ouest ! »

Ce n’était pas une exagération. Caracas a été surnommée la « capitale mondiale du meurtre » : pas moins de 500 victimes en un mois en 2008, d’après CNN. Ces dernières années, le nombre de crimes violents a augmenté de près de 300 %, alors que l’écart entre riches et pauvres se creusait. C’est le sombre contexte socioéconomique d’el Sistema, et l’on serait en droit de se demander si l’engagement social à travers la musique est encore possible.

Bref, el Sistema est-il d’une quelconque utilité ? En 2007, la Banque interaméricaine de développement a publié une étude examinant l’impact d’el Sistema sur la communauté, étape préliminaire à la négociation d’un prêt de 150 millions de dollars US. Les résultats – faut-il s’en étonner ? – étaient remarquables dans tous les secteurs examinés : réussite scolaire, employabilité, capital social, profil socio­économique... Le taux de décrochage des participants est de 75 % inférieur à celui des autres élèves et le nombre d’incidents entraînant des mesures disciplinaires est de moitié moins élevé. Sur le plan économique, le taux de rendement de l’investissement gouverne­mental dans le programme est de 1,68:1.

Est-il dangereux de parler des avantages économiques d’un tel programme ? En effet, si sa valeur n’est mesurée qu’en termes financiers, les bailleurs de fonds peuvent se tourner vers des investissements plus lucratifs. Pourtant, les chiffres démontrent sans conteste que la situation au Venezuela serait encore plus désastreuse si ce n’était d’el Sistema.

Oui, les statistiques ont un rôle essentiel à jouer, mais elles déshumanisent une situation bien humaine. En 2010, trois membres de la famille Sistema ont perdu la vie à cause de la violence qui règne là-bas, et un membre éminent de l’administration a failli devenir victime d’enlèvement, s’en tirant avec une balle dans la jambe. Cet homme, un gestionnaire culturel formé au Royaume-Uni et qui parle couramment l’anglais, pourrait facilement immigrer dans n’importe quel pays du Nord. On pourrait croire qu’une balle de pistolet l’inciterait à partir... mais non ! Il a repris son poste peu après. Fait à noter, il n’est même pas un musicien, seulement un citoyen passionné par l’œuvre de la Fesnojiv. Cela ne représente pas un échantillon suffisant pour calculer des statistiques, mais c’est un excellent exemple de l’attirance exercée par la mission d’el Sistema.

Jonathan Govias est un chef d’orchestre, consultant et éducateur pour les programmes el Sistema sur quatre continents. Pour obtenir des ressources sur el Sistema, visitez www.jonathangovias.com

[Traduction : Anne Stevens]


English Version...

(c) La Scena Musicale 2002