La science d’el Sistema Par Jonathan Govias
/ 4 février 2011
English Version...
Version Flash ici
El Sistema est une belle idée, facile à expliquer et à décrire d’une façon purement émotionnelle. Les commentateurs se prêtent souvent à des envolées lyriques quand ils évoquent, la larme à l’œil, la beauté prenante des performances de ces orchestres, sans trop examiner les facteurs qui ont fait de ces musiciens ce qu’ils sont devenus. Cette réaction viscérale est hautement significative. En effet, el Sistema est un concept qui reflète profondément l’expérience de quiconque a déjà fait de la musique avec un groupe, peu importe son importance ou son prestige. Même si el Sistema n’a pas encore été étudié de manière scientifique, ces facteurs ont fait l’objet de réflexions sérieuses. Autrement dit, la façon dont el Sistema semble interpeller tant de personnes donne lieu à une interrogation de nature scientifique.
el Sistema repose sur cinq principes fondamentaux :
» L’objectif du programme est le changement social à travers la poursuite de l’excellence musicale, et non l’excellence musicale en tant que fin en soi.
» L’accent est mis sur l’ensemble, et non sur l’individu.
» Les contacts entre le programme et le participant sont très fréquents.
» L’admission au programme ne connaît aucune entrave pour ce qui est des frais à payer ou des compétences à avoir.
» Chaque activité s’insère dans le contexte de réseaux régionaux, voire nationaux, afin de donner aux participants le plus grand nombre de possibilités. |
La première donnée fondamentale est le pivot conceptuel autour duquel tourne le programme, et c’est aussi, à bien des égards, celui qui a le plus de « bon sens ». Quand on joue de la musique, des liens se tissent entre les musiciens, bien sûr, mais aussi entre les artistes et les spectateurs eux-mêmes, puisqu’ils vivent cette expérience ensemble. La musique est une activité intrinsèquement sociale, et elle a donc une incidence sociale, comme le décrit avec éloquence le sociologue Christopher Small. Cette idée connaît son prolongement dans le deuxième et le troisième des principes fondamentaux : l’importance de réunir le groupe le plus souvent possible. Le phénomène des personnes individuelles qui travaillent ensemble, en observant et en imitant leurs collègues plus avancés, est une extension de la théorie de l’apprentissage social initialement avancée par le psychologue Julian Rotter, entre autres. Les travaux de Rotter sont également pertinents pour le cinquième fondement. L’habilitation que le réseau national donne aux jeunes en plaçant leur destin en leurs propres mains reflète les idées du locus de contrôle et de l’auto-efficacité, selon le concept avancé par Albert Bandura. Le réseau lui-même, qui offre aux participants un bon mélange de défis et de confort, est une source structurelle de ce que le psychologue Mihaly Csikszentmihalyi appelle « flow ».
Cette esquisse de la science qui sous-tend el Sistema peut à peine mériter le qualificatif de « pointe de l’iceberg », car ce serait faire injure aux icebergs ! La réflexion à ce sujet pourrait remplir des bibliothèques. Quoi qu’il en soit, les liens qui existent entre ce programme et les enjeux modernes de la sociologie, la psychologie et la pédagogie sont compatibles avec la vision et l’innovation qui se dessinent dans la création d’un programme d’une envergure aussi impressionnante. Cela montre à quel point cette réalisation est remarquable... et crédible. [Traduction : Anne Stevens]
Jonathan Govias est un chef d’orchestre, consultant et éducateur émérite pour les programmes el Sistema sur quatre continents. Pour obtenir des ressources sur el Sistema, visitez www.jonathangovias.com
Prochaine article : Stitistiques
English Version... |
|
