Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 16, No. 1 septembre 2010

Explorations sistematiques

Par Jonathan Govias / 1 septembre 2010

English Version...


Version Flash ici.

L’article qui suit constitue le premier d’une série de dix articles sur les concepts et éléments fondamentaux inspirés par El Sistema, un programme d’éducation musicale mis en place à l’échelle nationale au Venezuela. Nous y aborderons les répercussions du programme sur la formation musicale et sur les arts de la scène au Canada et ailleurs. Vous pouvez nous envoyer vos questions ou vos suggestions d’aspects à traiter dans les prochains articles en passant par le site Web indiqué ci-dessous.

Dans mon ébauche d’un récent article sur El Sistema, j’ai décrit son fondateur José Antonio Abreu comme un musicien amateur. Lorsque j’ai présenté cette version au bureau des affaires internationales du programme au Venezuela afin de vérifier l’information qu’il contenait, je me suis fait vertement reprendre : « Ne l’appelez surtout pas un amateur ! » Puis on m’a dressé la longue liste des activités professionnelles de maestro Abreu avant la création du programme il y a 35 ans.

En tant que membre de la première promotion des boursiers Abreu au Conservatoire de la Nouvelle-Angleterre, je viens de passer une année à étudier le programme sous toutes ses coutures et je me suis rendu à trois reprises au Venezuela pour y enseigner et faire de la direction d’orchestre. El Sistema est certainement très connu, comme en témoignent quantité de vidéos en ligne et d’articles dans les médias sur son rejeton le plus célèbre, Gustavo Dudamel, mais il n’en est pas moins méconnu. Les faussetés que l’on peut répandre à son sujet vont encore plus loin que ma maladresse : par exemple, lors d’une audition auprès d’un grand orchestre américain que je ne nommerai pas, son directeur musical m’a posé des questions sur El Sistema pour se faire interrompre par un membre du conseil d’administration qui a affirmé que ce programme n’était qu’un « outil du gouvernement socialiste pour endoctriner la jeunesse ».

El Sistema a survécu à six (voire huit) changements de gouvernement en 35 ans. On voit donc mal comment cette description pourrait cadrer avec la réalité. Il est vrai que ce programme est subventionné par le gouvernement et que certains de ses objectifs sont de nature sociale, mais cela n’en fait pas un programme socialiste. Comme tout programme éducationnel digne de ce nom, il a pour objectif d’offrir aux participants des expériences et des outils qui leur permettront d’améliorer leur vie et d’apporter une contribution positive à la société en général. Dans ce cas précis, les expériences sont musicales, plus précisément orchestrales ou chorales, et les outils sont des instruments de musique et des partitions.

Le programme national d’éducation musicale du Venezuela, affectueusement surnommé El Sistema, offre aux jeunes des activités musicales après l’école. Les participants répètent tous les jours, parfois même la fin de semaine, et tous les mois ou plus souvent, ils donnent des concerts consacrés à la musique classique occidentale. La participation aux programmes ne coûte rien et n’exige aucune audition, les places étant attribuées dans l’ordre d’arrivée. Il n’y a ni méthode standardisée ni programme d’études.

Ce sont des caractéristiques incongrues pour les Nord-Américains, surtout si l’on pense que le nom familier du programme, Le Système, évoque effectivement un système. En fait, cette désignation représente l’abréviation d’une appellation que le gouvernement avait imposée il y a longtemps et qui se traduit littéralement par « Fondation pour le système national d’orchestres et de chœurs de jeunes au Venezuela » (FESNOJIV). En réalité, c’est un réseau de tous les ensembles et de toutes les activités connexes qui existent dans plus de 300 écoles de musique, connues sous le nom de nucleos, regroupant plus de 300 000 jeunes à l’échelle du pays.

On peut dire que cela correspond à un autre système, moins évident celui-là : un système de valeurs qui oriente les activités sans vraiment les dicter. Les principes fondamentaux du programme se rapprochent des qualités universelles souhaitables pour une organisation décentralisée et très diversifiée, s’inspirant de la notion que la musique peut servir de catalyseur du progrès social. L’importance donnée au travail de groupe, la fréquence des répétitions, l’accessibilité du programme et le refus de la sélection, tout cela signifie que la formation musicale possède un pouvoir et une valeur qui dépassent la portée des résultats immédiats qu’on peut en tirer. Et il vaut la peine de réfléchir à cela, car si les vidéos diffusées sur Internet sont magnifiques et propres à inspirer de l’espoir, elles ne représentent qu’un effet et non la cause, un produit et non le processus.

[Traduction : Anne Stevens]


Prochain article : la musique, catalyseur du progrès social
Jonathan Govias est un chef d’orchestre, consultant et éducateur pour les programmes El Sistema à l’échelle internationale. Pour en savoir davantage sur ses activités et obtenir des ressources sur le programme, visitez www.jonathangovias.com.


English Version...

(c) La Scena Musicale 2002