Steve Boulay : le développement culturel par le biais de la musique Par Danielle Dubois
/ 21 février 2006
English Version... Steve
Boulay avait déjà une vision claire de ce qu'il désirait accomplir quand il est
arrivé à Rivière-au-Renard il y a un an et demi. Sans perdre de temps, le
nouvel enseignant de musique s'est assis avec Claudio Bernatchez, le directeur
adjoint de l'école secondaire Antoine Roy, et les deux hommes se sont donné un
mandat sur le développement de la culture. La musique, à la fois le point de
départ et le point d'arrivée de ce développement, était une partie intégrante
de cette vision. À l'époque, Steve Boulay ne se doutait pas encore de l'ampleur
qu'allait prendre cette mission.
Tout en assumant ses tâches d'enseignant en musique,
Steve Boulay s'est donc mis à bâtir le spectacle J'reviens chez nous, un
projet musical qui raconte une histoire bien connue des Gaspésiens. « Nous
faisions face à une problématique, raconte Steve Boulay, l'exode des jeunes qui
partent pour Québec, Montréal, ou encore d'autres centres canadiens ou
américains. L'histoire de se rétablir en région, c'est une histoire qui touche
les jeunes. » En même temps, J'reviens chez nous trace son parcours
personnel.
Lui-même originaire de la Gaspésie, Steve Boulay
s'intéresse depuis longtemps à la musique. Jeune, il a suivi des cours de
guitare. Plus tard, suite à son exil à Montréal, il est devenu musicien
professionnel. Membre de la formation La Volée d'Castors, il y a joué surtout
de la mandoline et du violon. Le groupe était très souvent à l'étranger, ne
présentant que rarement des spectacles au Québec. Suite au va-et-vient constant
de ces années, Steve Boulay s'est rendu compte qu'il n'était pas prêt à vivre
en permanence la vie de tournée. Pour lui et sa partenaire, un retour auprès de
la famille en Gaspésie se présentait de plus en plus comme une option
souhaitable. Sa formation en pédagogie lui a rendu ce retour possible. «
J'avais le désir de faire partager le monde du spectacle et de la musique »,
explique Steve Boulay qui, à Antoine Roy, une école de 290 élèves, replante peu
à peu ses racines.
Son amour de la musique, Steve Boulay ne voyait qu'une
façon de le transmettre à ses élèves, soit en étant disponible et engagé. « Les
jeunes nous voient comme un modèle. Si on démontre qu'on y croit, eux aussi
vont y croire. » Dans ses cours, les élèves jouent de ce qu'ils aiment,
c'est-à-dire du drum, de la basse, de la guitare acoustique. Toutefois,
l'accent est mis sur la création musicale et l'interprétation, ce qui encourage
les élèves à profiter pleinement du studio d'enregistrement de l'école,
construit il y a un an. « Les jeunes sont très motivés, ils savent que le
studio est là pour eux », partage l'enseignant qui se décrit comme facilitateur
dans le processus de la création artistique. C'est dans ce même studio qu'a été
enregistrée la trame sonore du spectacle.
J'reviens chez nous met en scène un homme de
85 ans, un acteur professionnel, qui raconte sa vie en Gaspésie de sa naissance
jusqu'à sa mort. Une pièce musicale vient appuyer chacun des neuf scénarios
dans lesquels ce dernier relate ses souvenirs. Le spectacle se termine sur une
note d'espoir, quand une de ses petites filles vient se rétablir en région.
Steve Boulay peut bien se vanter d'avoir réalisé son
objectif premier, celui de faire vivre à ses élèves une expérience culturelle.
« Ils sont conscients plus que jamais du potentiel qu'ils ont pour réaliser
leurs ambitions en région, que c'est possible pour eux de poursuivre des
projets artistiques et de création ici », raconte le musicien, qui ajoute que
cette expérience a grandement contribué au développement professionnel des 70
participants maintenant en mesure d'évaluer leurs propres habiletés.
Évidemment, l'expérience musicale professionnelle de Steve Boulay l'a beaucoup
aidé au long des six mois qu'a duré la conception et le montage du spectacle. «
Quand on a atteint un certain niveau, on anticipe les embûches », dit-il, en
soulignant aussi le dévouement de la communauté au projet. Cet appui s'est
manifesté sous différentes formes; les gens d'affaires ont contribué par des
sommes significatives, tandis que d'autres ont donné un coup de main à la
création du décor et des costumes.
L'impact du spectacle a été renversant pour un public
qui ne savait pas encore à quoi s'attendre de l'équipe de Steve Boulay. « Ils
ont été très surpris », se souvient le professeur, qui conserve un goût du beau
et du bien fait. « Souvent, on a une idée préconçue. On pense qu'un spectacle
d'école, c'est plein d'erreurs. » Mais il y avait de quoi jouer sur la gamme
d'émotions chez des spectateurs qui se reconnaissaient dans cette histoire. Et
dans une communauté de 3 000 personnes, le mot se passe vite. Ça n'a pas pris
de temps avant qu'on s'arrache les billets pour les représentations. Le
spectacle J'reviens chez nous a été présenté devant 1 000 personnes
avant de se rendre à Gaspé, où il a été joué à guichet fermé.
Le travail et l'enthousiasme de Steve Boulay et de ses
élèves s'est aussi fait remarquer à l'extérieur de la communauté. Dans sa volée
de succès, l'école Antoine Roy a remporté le Premier Prix national Essor 2005,
qui vise à mettre en valeur les disciplines artistiques enseignées à l'école.
Alors que les élèves jouent déjà sur leur nouveau piano Yamaha, la bourse de 5
000 $ associée au prix a été consacrée à l'amélioration d'équipement musical et
à la continuation du projet J'reviens chez nous. Cinq représentations
sont prévues cette année, dont quelques-unes pour des Gaspésiens, de Montréal
cette fois.
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