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La Scena Musicale - Vol. 11, No. 3

50 ans de Concerts Couperin

Par Isabelle Picard / 12 décembre 2005

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Un jour de 1955, Sylvio Lacharité reçoit un appel d'Omer Côté, secrétaire de la province. Lacharité était à l'époque un jeune musicien, revenu en 1952 d'Europe, où il avait séjourné deux ans, et il travaillait notamment comme chef d'orchestre à Radio-Canada. Si Omer Côté le contactait, c'était parce qu'il avait pensé à lui pour s'occuper d'une nouvelle série de concerts qu'il désirait instaurer. Ces concerts auraient lieu au Musée du Québec (aujourd'hui le Musée national des beaux-arts du Québec), ils seraient gratuits et les musiciens qui y participeraient seraient payés. C'est ainsi qu'allaient naître les Concerts Couperin, fondés en 1956.

Il faut dire que la pratique de présenter des concerts dans les musées était déjà bien établie aux États-Unis. C'est suite au voyage à New York d'un architecte de Québec, René Blanchet, que cette idée a fait son chemin jusqu'à Omer Côté. Un budget annuel de 5 000$ a été accordé à la nouvelle société de concerts, le juge Thomas Tremblay en a été nommé président, Sylvio Lacharité vice-président et directeur artistique et Victor Bouchard secrétaire-trésorier. En 1968, Jacques Boulay a succédé au juge Tremblay à la présidence, poste qu'il a occupé jusqu'à tout récemment (il est maintenant président d'honneur). Sylvio Lacharité, quant à lui, est demeuré à la direction artistique jusqu'à ce que des ennuis de santé l'en empêche, au début de l'année 1978.

Répertoire

Le nom de « Concerts Couperin » avait été choisi par Lacharité, qui désirait faire entendre au public des œuvres des 17e et 18e siècles français. Ainsi, les premières années de concerts sont principalement (mais pas uniquement) consacrées à des compositeurs tels que Delalande, Rameau, Couperin, Leclair, Marais, Mouret, Lully, Boismortier... des noms encore méconnus du public de l'époque. Jusqu'en 1966, le répertoire demeure principalement baroque et classique. Puis, le répertoire se diversifie et la musique contemporaine commence même à faire quelques percées : le 6 février 1966, la Symphonie pour orchestre à cordes de Jacques Hétu côtoie Purcell, Albinoni et Handel; le 28 mai 1967, Kékoba, de Gilles Tremblay (avec le compositeur aux ondes Martenot), est entendue avec des œuvres de Monteverdi et Claude Le Jeune; le 5 novembre 1967, le Quatuor pour la fin du temps et les Poèmes pour mi de Messiaen occupent tout un programme; le 28 avril 1968, ce sont les œuvres de Webern, Berg, Serge Garant, Jean Papineau-Couture et Jacques Hétu qui sont jouées (par Liliane Garnier-Lesage au violon, Jean Laurendeau à la clarinette et aux ondes Martenot, et Louis-Philippe Pelletier au piano). On commence également progressivement à rencontrer les noms de Mahler, Chopin, Stravinski (L'Histoire du soldat, en janvier 1969), Schubert... bref, dès la fin des années soixante, toutes les époques sont présentes.

Interprètes

Durant ces années, une autre mutation s'opère dans la programmation, cette fois au niveau des interprètes. Au début des Concerts Couperin, le budget était suffisant pour payer un petit orchestre, dirigé par Lacharité, qui donnait presque tous les concerts et accueillait des solistes. Mais la subvention n'ayant pas suivi le cours de l'inflation, des récitals de musique de chambre commencent vers 1967 à remplacer certains concerts d'orchestre. Puis, l'orchestre se fait de plus en plus rare et finit par céder complètement sa place. Ce qui ne change pas, cependant, c'est que les Concerts Couperin font une large place aux interprètes québécois, tout en recevant des musiciens de passage dans la capitale. Y ont été entendus, à titre d'exemples, le chef d'orchestre Jean-Claude Casadesus (1969), le guitariste Alexandre Lagoya (1970), la harpiste Catherine Eisenhoffer (1970), la violoniste Chantal Juillet (1978), etc. Pour Jacques Boulay, président des Concerts Couperin pendant plus de 35 ans, le plus beau souvenir, « c'est peut-être quand nous avons reçu le grand violoncelliste hollandais Anner Bylsma, qui avait donné les six suites pour violoncelle seul de Bach. Ça avait été fait en deux concerts absolument magistraux ».

Aujourd'hui

On s'en doute, grâce à la gratuité de ses concerts, la société des Concerts Couperin a grandement contribué à l'éducation musicale des mélomanes qui n'avaient pas les moyens d'assister aux concerts payants. Malheureusement, depuis quelques années, les concerts ne sont plus gratuits, mais ils demeurent abordables. Nathalie Tremblay est depuis trois ans directrice artistique de la société. Elle-même pianiste, elle a connu les Concerts Couperin quand elle a été invitée à y jouer, en 1998. Elle désire poursuivre la mission de la société et faire entendre des artistes de qualité. Avec la maigre subvention de 12 000$ que le musée accorde aux Couperin annuellement, elle précise que « les musiciens qui viennent le font parce qu'ils y croient, parce qu'ils aiment partager avec le public le risque de la musique »... parce qu'elle ne peut pas leur offrir les cachets qu'ils mériteraient.

Pour souligner leur 50e anniversaire, les Concerts Couperin présentent le 20 novembre (16h) un concert gala qui mettra en vedette le pianiste André Laplante (qui a déjà joué pour les Couperin en 1977) et le quatuor Arthur-Leblanc. Au programme, le Concerto en la majeur k 414 de Mozart (l'accompagnement est transcrit pour quatuor par Mozart lui-même) et le Quintette
op. 57 de Chostakovitch. La société présentera par ailleurs le duo de violes de gambe Les Voix humaines le 19 février 2006 à 14h (œuvres de Couperin, Rameau, Marais) et un concert « Chopin dans ses cordes » le 7 mai (14h), où on pourra entendre la violoncelliste Carla Antoun et la pianiste Nathalie Tremblay, qui jouera pour l'occasion sur un Pleyel de 1848 restauré par Isabelle Gagnon et Marcel Lapointe. « Un instrument exceptionnel, précise la pianiste. C'est le seul instrument du genre au Québec. C'est un honneur, de pouvoir jouer dessus. » On sait que ce piano est passé par Paris dans les années où Chopin y était, alors certains pensent qu'il l'aurait utilisé. Pour ce concert, la musique de Chopin, bien sûr, mais également Schubert et Debussy. *

Tous les concerts sont présentés au Musée national des Beaux-arts du Québec, 418.643.2150


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