Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 11, No. 2

Burkart & Phelan, facteurs de flûte

Par Alexander Baltin / 18 octobre 2005

English Version...


Burkart & Phelan Inc. a été fondé en 1982 par Lilian Burkart et James Phelan, alors employés chez Verne Q. Powell (les flûtes Powell étant considérées par plusieurs comme les Stradivarius de la flûte). Sept ans plus tard, M. Phelan, ayant obtenu un diplôme en mécanique, pouvait ainsi réévaluer tout le processus de la fabrication des flûtes d'un point de vue scientifique. Cela a permis, entre autres innovations, le développement du «Burkart Scale», une gamme calculée mathématiquement, d'une égalité et d'une précision extraordinaires. Situé près de Boston, B&P fabrique aujourd'hui des flûtes traversières, des piccolos et des têtes de flûtes.

Un tour dans l'atelier, guidé par Eugenio Righi, responsable de la finition des instruments chez Burkart & Phelan, démontre aisément que la fabrication des flûtes réclame une précision telle que l'on doit prendre en compte des détails véritablement microscopiques.

Il faut bien sûr commencer par le choix des matériaux. Ils doivent être, entre autres particularités, aussi lourds et aussi durs que possible, afin que les flûtes produisent une sonorité profonde et riche. Ainsi Burkart a-t-il choisi du bois de grenadille pour les piccolos, un bois africain tellement dur qu'il faut un spécialiste pour percer les trous ; pour les flûtes traversières, on utilise de l'argent, de l'or et du platine. Outre la masse et la dureté, c'est la raideur du tuyau qui influence les qualités sonores : ce sont surtout de ces trois facteurs dont il faut tenir compte lors du choix du matériau. Leur importance sur le plan acoustique est démontrée par une comparaison entre une flûte en argent, dont le tuyau est d'une épaisseur de 0,018 de pouce et une flûte en platine dont le tuyau est d'une épaisseur de 0,011 de pouce. Normalement, plus le tuyau est épais, plus la sonorité est profonde. La flûte en platine sonne toutefois plus profond que la flûte en argent. Le matériau l'emporte donc sur l'épaisseur dans ce cas.

Un problème assez spécial et plus compliqué qu'on ne le pense est de faire les trous dans le corps des flûtes traversières. En général, il existe deux méthodes pour le faire. La plus facile est de «tirer» le trou du tuyau. Cette manière est toutefois moins précise. De plus, elle rend le tuyau plus léger – et cela n'est justement pas souhaité.

L'autre façon consiste en percer le trou et puis souder un anneau dessus. Ainsi, le tuyau reste lourd. Mais cette méthode entraîne un autre problème : parce que des températures trop hautes pendant le soudage déforment le métal et le rendent plus mou, ce qui risque de provoquer des modifications au niveau sonore, on cherche à souder aux températures les plus basses possible. Cependant, cela n'est en général possible qu'avec des matériaux inférieurs : le plomb, par exemple, fond à température plus basse, mais une telle soudure ne serait pas très stable et on risquerait que l'anneau se détache. Un matériau d'une qualité supérieure comme de l'argent le fixerait beaucoup mieux – mais demanderait un soudage à haute température ...

Pour sortir de ce dilemme – c'est-à-dire trouver une méthode permettant d'éviter aussi bien les mauvais matériaux que les hautes températures – B&P a développé un alliage eutectique, soit un mélange entre de l'argent et un autre métal : cet alliage fond à une température juste un peu plus haute que celle que nécessite le plomb, mais fixe l'annneau aussi fort qu'une soudure avec de l'argent.

Un problème mineur et purement esthétique, par contre, est le changement de couleur produit par la soudure de l'argent avec du nickel et du cuivre. Pour enlever les taches roses qu'elle provoque, Burkart utilise une solution de cyanure de sodium qui attaque la surface au niveau atomique.

«Le but est le plus haut niveau de contrôle possible de chacune des étapes de fabrication. Ainsi, le résultat final est optimum», explique Eugenio Righi. Pour garantir ce contrôle, on utilise une panoplie d'appareils hi-tech qui complète et soutient les interventions faites à la main. Un de ces appareils énormes permet par exemple de mesurer les éléments présents dans une surface d'une dimension de 0,0001 de pouce. L'expertise de James Phelan est particulièrement à l'œuvre ici.

En plus de mieux contrôler les étapes «mécaniques» à l'aide des outils informatiques et électroniques les plus performants, on cherche à améliorer la qualité des matériaux eux-mêmes. L'argent est donc exposé à une compression extrêmement haute, ce qui le rend beaucoup plus dur et lui confère de meilleures qualités acoustiques.

Étant donné la préparation méticuleuse de chacune des étapes, la fabrication d'une seule flûte traversière nécessite quelque 200 heures, et celle d'un piccolo 100 heures. Pour s'assurer de la qualité de chaque flûte avant qu'elle soit vendue, Lilian Burkart essaie les instruments et, le cas échéant, procède aux ajustements nécessaires.


English Version...

(c) La Scena Musicale 2002