| L'École nationale de lutherie Par Isabelle Picard
 / 2 novembre 2004 
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  Pour un musicien professionnel, et même 
pour un amateur, le luthier est une personne-clé. C'est celui à qui il osera 
confier son outil de travail, souvent ce qu'il a de plus précieux: son 
instrument. Mais comment devient-on luthier ? Il existe au Québec, à l'intérieur 
du système public d'éducation, un programme d'études collégiales de trois ans 
visant à la formation de luthiers artisans. La partie technique de cette 
formation est dispensée par l'École nationale de lutherie, à Québec. La Scena 
Musicale en a rencontré le directeur, Jean-Louis Bouchard.
 Un peu d'histoire   Le premier atelier-école de lutherie du Canada a 
été fondé à Québec à la fin des années 70 par le luthier d'origine italienne 
Sylvio de Lellis, en collaboration avec la Corporation des artisans de Québec et 
le ministère des Affaires culturelles. En 1980, Mario Lamarre prend la relève de 
l'atelier-école, qui deviendra en 1984 l'École de lutherie artistique du Noroît 
(ÉLAN). C'est également en 1984 qu'est déposé le Plan national de formation en 
métiers d'art, qui désignait deux cégeps pour en être les maîtres d'oeuvre : le 
Cégep de Limoilou à Québec, et celui du Vieux Montréal. L'institution de Québec 
instaure comme structure de coordination le Centre de formation et de 
consultation en métiers d'art (CFCMA). En 1989, un programme de DEC en 
Techniques de métiers d'art est finalement élaboré par le ministère de 
l'Éducation. Les neuf champs de formations retenus sont répartis entre les deux 
cégeps, et dans ce partage, l'option lutherie revient à celui de Limoilou. Ce 
dernier conclut une entente avec l'ÉLAN pour dispenser la formation technique 
spécialisée.  Pour faire une histoire courte, suite au retrait de 
l'ÉLAN de la formation collégiale en 1994, le CFCMA a pris la relève et a fondé 
en 1997 l'École nationale de lutherie, qui est encore aujourd'hui la seule 
institution à permettre l'obtention d'un diplôme d'état spécialisé en lutherie 
au Québec, et même au Canada (notez toutefois que l'Institut des métiers d'art 
du Cégep du Vieux Montréal devrait offrir à partir de l'automne 2005 un nouveau 
programme de lutherie-guitare, en collaboration avec l'école-atelier 
Bruand).  Qui sont ces futurs luthiers ?  La seule à offrir ce programme, l'école accueille 
des étudiants d'un peu partout : « Il y a des gens de Québec et de la région, 
mais les étudiants viennent en majorité de l'extérieur. Il entre environ de 30 à 
35 nouveaux étudiants chaque année, et ils viennent de toutes les régions du 
Québec, d'ailleurs au Canada, et même de l'étranger (France, Suisse, Belgique). 
» Il n'y a pas de préalable particulier pour être admis au programme, il suffit 
de respecter les conditions d'admission aux études collégiales. Cependant, 
Monsieur Bouchard insiste sur le fait que c'est un programme difficile : « Il 
faut aimer le travail raffiné, être patient, parce que c'est pratiquement un 
travail de moine! Il faut bien sûr aimer le travail manuel, le dessin... ça se 
développe, mais il faut avoir certaines qualités. Pour les étudiants qui 
persévèrent, c'est une passion. Si 30 étudiants entrent une année, il en sortira 
peut-être 12 après 3 ans. Ça demande énormément de travail. Si on ne travaille 
pas en dehors des heures de classe, le soir, il est impossible de réussir un 
programme comme ça. »  Selon Monsieur Bouchard, il n'est pas nécessaire 
d'être musicien pour devenir luthier. Connaître la musique est un atout, mais 
pas une obligation. « Il y a différentes écoles de pensée à ce sujet. Nous avons 
commencé à implanter des cours de musique dans le programme il y a deux ans 
(approche musicale et acoustique de l'instrument). Le but n'est pas de former 
des musiciens, mais de développer la sensibilité au son, à l'acoustique. 
Cependant la plupart des gens qui viennent en lutherie ont quand même quelques 
notions de musique. »  Perspectives d'avenir  Qu'est-ce qui attend ces futurs artisans ? « C'est 
sûr que si on vient dans les métiers d'art pour devenir riche rapidement, ce 
n'est peut-être pas le meilleur endroit. Mais c'est un choix. Un choix pour une 
passion, un choix artistique. Notre programme offrant une formation initiale de 
trois ans, on peut ensuite continuer à étudier comme apprenti chez un luthier 
établi, au Québec ou à l'étranger. » C'est ce que font plusieurs finissants, et 
l'école les supporte dans leur recherche de stage, grâce à ses contacts aussi 
bien au Québec qu'en Europe. Certains finissants vont travailler dans des 
magasins de musique pour faire de la vente et de la réparation, d'autres vont 
travailler pour des luthiers déjà établis, alors que d'autres encore démarrent 
tranquillement leur propre entreprise.  Programme D'une durée de trois ans, le programme mène à 
l'obtention d'un diplôme d'études collégiales (DEC) en Techniques de métiers 
d'art, spécialité lutherie, profil violon ou guitare (le DEC avec profil guitare 
est nouveau de cette année). Il inclut donc la formation collégiale générale 
(français, philosophie, etc.) en plus des cours communs à toutes les techniques 
de métiers d'art (par exemple : techniques de créativité, idées et concepts, 
dessin...) et des cours techniques spécifiques à l'option et au profil. Au terme 
de sa formation, l'étudiant est en mesure de concevoir et fabriquer des 
instruments, d'en régler la sonorité, et d'en faire l'entretien et la 
réparation. Dans le profil violon, par exemple, l'étudiant fabrique un violon 
classique, un instrument à cordes frottées amplifié et un alto. Il est bon de 
noter que le programme contient également un cours de gestion allant jusqu'au 
plan d'affaires : on veut former des artisans autonomes. Les cours sont donnés 
en petits groupes par des luthiers professionnels, actifs en fabrication ou 
réparation d'instruments, dans un soucis d'être le plus près possible de la 
réalité du métier.  Le programme est entièrement gratuit. Des outils 
sont prêtés à l'étudiant pour la durée de sa formation moyennant un dépôt minime 
et le matériel est fourni gratuitement. Si l'étudiant veut garder les 
instruments qu'il a faits durant sa formation, il peut les acheter au prix des 
matériaux de base.  Plus qu'une école  Les ateliers de l'École nationale de lutherie sont 
ouverts le soir pour permettre aux étudiants de faire leurs « devoirs » et de 
pratiquer. Ils peuvent également s'y rendre le samedi, pour travailler sur des 
projets personnels (coût de 3 $). En plus d'organiser des conférences et des 
formations de perfectionnement pour professionnels, l'école participe à des 
expositions de promotion (par exemple Musicora, à Paris) et a des projets de 
recherche. À chaque année, les travaux des finissants sont exposés à la 
bibliothèque Gabrielle-Roy, à Québec. Avis aux intéressés : il est possible 
d'être « étudiant d'un jour ». Pour en savoir plus, il suffit d'appeler ! 
*  École nationale de lutherie 299, 3e avenue, Québec. Tél. : (418) 
647-4880
 www.ecolenationaledelutherie.com
 texte pour 
photo : Violon
 électrique fait par Sylvain Rusticoni
 Photo : Michel Gauvin
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