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LSM Online Reviews / Critiques


Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]L


Lettre à la rédaction

La Nouvele Sinfonie et le CALQ

Par Michael Nafi, Directeur administratif de La Nouvele Sinfonie / le 1 novembre 2004

[English Text]


Lettre à la rédaction

La Scena Musicale ne se tient pas responsable des opinions émises dans les lettres qui lui sont expédiées. Les auteurs ont l'entière responsabilité de leur texte.

Nous sommes toujours heureux de recevoir de vos nouvelles, alors n'hésitez pas, écrivez-nous!
rbeaucage@scena.org


Au Québec, les aides publiques aux arts et à la culture sont distribuées par le biais du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ).

Il faut se féliciter de l’existence de ce financement public des arts dans la province pour au moins trois raisons. La première est l’évidence même : la singularité culturelle du Québec au sein de l’océan anglo-saxon en Amérique du Nord. La seconde est l’abondance de talent artistique au Québec qui représente un vrai secteur économique et une importante vitrine nationale internationale pour la province. La troisième est sans doute moins connue : les commandites et dons privés, même s’ils existent au Québec, sont nettement moins importants qu’au Canada anglais eux-mêmes presque insignifiants comparativement aux Etats-Unis. Par conséquent, toute mesure du Gouvernement qui tendrait à réduire le financement public de la culture au Québec sans aucune préparation préalable d’un éventuel basculement vers un financement davantage privé serait purement suicidaire.

Pour l’heure, ce danger semble lointain. L’actuel Gouvernement du Québec, pourtant soupçonné ça et là de vouloir réduire les financements publics de la culture a bien voté une augmentation des fonds d’action du CALQ par rapport à l’an passé.

Conséquence directe, le budget global consacré aux organismes musicaux par le CALQ a augmenté d’environ 12% en 2004/2005, passant de 15,5 millions $ (pour l’attribution du printemps 2003) à un peu moins de 17,5 millions $ (pour l’attribution du printemps 2004). Cette augmentation est d’autant plus spectaculaire que ce même budget avait subi une coupure globale d’environ 4% l’année dernière !

Bien entendu, des moyens plus conséquents seraient les bienvenus, car le Québec génère chaque année de nombreux talents artistiques nouveaux. Cependant, contrairement aux idées reçues, le soutien du CALQ à la musique est, par exemple, plus important que celui apporté par le Ministère français de la Culture, cité à l’échelle mondiale pour l’importance de ses programmes de subventions. En effet, cette année, ce Ministère accordera pour la musique (hors crédits d’investissement servant à la construction ou à la rénovation de salles) un budget de 39 millions d’euros (soit environ 64 millions de dollars canadiens). L’enveloppe est bien 3,5 fois supérieure à celle du CALQ, mais il faut se rappeler que le rapport de population entre la Québec et la France est de 1 à 9 et que la population musicale que doit soutenir le Gouvernement français est beaucoup plus importante (selon les chiffres recueillis auprès du Ministère français de la Culture : mille équipes artistiques indépendantes, 400 festivals, 180 institutions permanentes dont 12 opéras en régions, 24 orchestres permanents, 13 centres de créations musicales).

Malgré cela, La Nouvele Sinfonie a essuyé, pour la deuxième année consécutive, une fin de non-recevoir à sa demande de subvention. Cette demande représentait 0,2% de l’ensemble du budget alloué aux organismes musicaux de tous types. On peut difficilement dire que l’arrivée de cet orchestre provoque un séisme dans le système global de financement public de la musique au Québec.

Par conséquent, si le système n’arrive pas à « absorber » La Nouvele Sinfonie ce n’est pas pour des raisons budgétaires. Le problème est directement lié à la manière dont ces fonds sont répartis.

Le CALQ repose sur une idée assez particulière : il s’agit de laisser à la communauté artistique le soin de définir elle-même une politique culturelle et surtout de gérer la répartition des fonds publics entre ses membres. L’évaluation des demandes se fait sur la base de l’avis d’un comité consultatif de pairs : autrement dit, les artistes se jugent entre eux et se répartissent ces fonds entre eux. Mais, l’approche n’est pas sans danger. Par exemple, il est difficile d’ignorer la possibilité de rivalités naturelles entre organismes musicaux ou les erreurs d’appréciation de toute sorte qui peuvent influencer les évaluations des demandes.

Lors de la saison 2002/2003, le comité de pairs avait déclaré La Nouvele Sinfonie comme orchestre « pas mauvais mais plutôt terne ».

Cet avis était diamétralement opposé à celui de l’ENSEMBLE de la critique nationale et internationale. Il ne s’agit pas ici de juger dans l’absolu le comité consultatif qui a émis cet avis en particulier. Cependant, le système de fonctionnement du CALQ ne prévoit aucun recours dans ce type de situation.

La constitution même du comité consultatif de pairs soulève plusieurs questions.

Les critiques font partie des catégories exclues de toute participation au comité par les statuts du CALQ : autrement dit, les professionnels dont le travail est précisément d’évaluer la qualité artistique dans la province ne peuvent faire partie d’un comité dont la fonction est précisément d’évaluer la qualité artistique des demandes.

Les agents artistiques ne peuvent pas non plus faire partie du comité consultatif. On peut se demander en quoi un agent serait moins équitable dans son jugement que le directeur administratif d’un organisme musical, qui est en quelque sorte son agent exclusif. Les dernières listes publiques des comités consultatifs permettent de constater qu’en musique, des directeurs administratifs d’organismes subventionnés font parfois partie de ce comité. Certains de ces administrateurs ont même fait partie de ce comité pendant deux années consécutives. Signalons enfin qu’il est même arrivé que l’administrateur d’un organisme musical et son président de conseil d’administration soient présents, la même année, l’un au comité consultatif, l’autre au conseil d’administration du CALQ. Un principe fondamental de bonne gouvernance est de n’avoir aucun a priori sur l’intégrité des individus : on ne doit les supposer ni parfaitement honnêtes ni foncièrement malhonnêtes. Il s’agit tout simplement de mettre en place des règles véritablement efficaces pour éviter les situations de conflits d’intérêt.

Cette année, la situation était différente mais non moins riche d’enseignements sur le fonctionnement du CALQ. Contrairement à l’an passé, pour la saison 2003/2004, l’évaluation artistique a été plutôt bonne. L’orchestre aurait en l’espace d’un concert supplémentaire perdu de sa « ternitude » et miraculeusement gagné en qualité !

Cette fois-ci, La Nouvele Sinfonie a bien passé le cap du comité consultatif mais pas celui, final, du Conseil d’Administration.

La Nouvele Sinfonie a demandé par écrit au CALQ, les détails de son évaluation, comme l’exige le règlement. Cette évaluation arrive sous la forme d’une liste de commentaires très laconiques sur des critères aussi déconcertants de généralité que : « efforts consacrés à la rémunération des artistes, interprètes et travailleurs culturels ». Dans le cas où l’évaluation est globalement bonne, elle ne peut même pas servir de critique constructive pour une éventuelle amélioration de la demande pour l’année suivante. Elle ne sert en fait à rien ! On se demande pourquoi le CALQ la garde si jalousement et qu’elle n’est pas systématiquement transmise dans tous les cas de rejet.

Il faut souligner ici que l’évaluation finale ne se fait pas par type de musique ou par type d’organisme musical, mais par programme (aide à la production, au fonctionnement…). Autrement dit, le CALQ peut être amené à classer une demande provenant d’un quatuor à cordes par rapport à une autre d’un orchestre baroque de 40 musiciens ou encore par rapport à celle d’un ensemble de jazz…tâche impossible lorsque les évaluations artistiques ne sont pas mauvaises.

Étant donné que La Nouvele Sinfonie est un orchestre baroque, on peut légitimement se demander s’il y a tout simplement de la place pour un nouvel ensemble jouant ce répertoire sur instruments anciens au Québec.

Un critique s’est posé cette question, au lendemain du dernier concert de La Nouvele Sinfonie, en ces termes : « Dans le paysage plutôt débordant des interprètes et formations qui s’intéressent au répertoire baroque à Montréal, on pourrait légitimement se demander si le « milieu » avait besoin d’un tel orchestre. La réponse s’impose, franche, après le concert de samedi : absolument. Ne serait-ce que par sa taille —près d’une quarantaine de musiciens—, La Nouvele Sinfonie impose une sonorité qu’il fait bon entendre et qui remet bien vivant dans nos oreilles ce que l’époque pouvait avoir de fastes et dont de nombreux témoignages nous sont parvenus, mais qu’on entend trop souvent qu’en formation réduite. On découvre aussi que ce répertoire savait largement faire usage de la dynamique, ce qui rend encore plus attachante cette musique. » (*)

Il est important d’ajouter que La Nouvele Sinfonie fait la promotion exclusive d’un répertoire très peu joué par les autres ensembles baroques : le répertoire français pour grand orchestre.

Comme le souligne le Conseil des Arts de Montréal (CAM) : « l’arrivée de la Nouvele Sinfonie dans le paysage artistique montréalais apportera une nouvelle vision dans l’interprétation des musiques des périodes baroque et classique et qu’elle fera découvrir aux mélomanes des œuvres méconnues de ce grand répertoire. »

D’un point de vue artistique, La Nouvele Sinfonie a sa place dans le riche paysage musical québécois.

Mais lorsque l’on examine la politique de répartition des fonds du CALQ par rapport au répertoire baroque on y découvre un cadre peu favorable à un orchestre comme La Nouvele Sinfonie.

Si l’on ne tient compte de tous les organismes se consacrant principalement à ce répertoire et jouant sur instruments anciens (Arion, Studio de Musique Ancienne, Boréades, Voix Humaines, Ensemble Caprice, Clavecins Concerts, Idées Heureuses et le festival Montréal Baroque), et si l’on inclut les Violons du Roy, la part totale du répertoire baroque représente 4,5 % de l’ensemble de l’enveloppe attribuée à la musique sous toutes ses formes.

Cependant, en 2004/2005, Les Violons du Roy, orchestre qui se consacre au répertoire baroque mais qui joue sur des instruments modernes, représente à lui seul 52% des aides au répertoire baroque (les 48 % restants étant partagés entre les 8 organismes « instruments anciens »). En fait, la part « instruments modernes » augmente régulièrement depuis trois ans.

Autrement dit, alors que dans le reste du monde la tendance est exactement inverse, la politique du CALQ n’encourage pas l’arrivée d’un nouvel orchestre se spécialisant dans le répertoire baroque joué sur instruments anciens. Ceci est d’autant plus étonnant que Montréal est une ville pionnière en ce domaine par rapport au reste de l’Amérique du Nord. Il ne s’agit pas ici de démontrer qu’une approche est meilleure que l’autre mais s’il y a bien une province qui peut comprendre la nécessité de promouvoir la diversité culturelle c’est bien le Québec. Cette répartition ne semble pourtant pas aller dans ce sens.

A l’intérieur du groupe « instruments anciens », à part l’ensemble SMAM qui a subi une coupure budgétaire de 20%, tous les autres organismes ont été augmentés cette année. Le CALQ a donc décidé de renforcer les leaders actuels (Arion 27%, Boréades 22%, Voix Humaines 40%) et de n’admettre qu’un seul nouvel ensemble à petit effectif (Ensemble Caprice : 4000$). La politique du CALQ est visiblement encore moins favorable à un nouveau venu dans le baroque de taille importante comme La Nouvele Sinfonie.

La Nouvele Sinfonie est sans doute encore plus difficile à « absorber » par le CALQ qu’elle n’a pas suivi le modèle de développement de ses aînés. Aucun autre ensemble baroque n’a démarré avec une taille aussi importante (imposée par le choix du répertoire, dans le cas de La Nouvele Sinfonie). Aucun autre ensemble n’a reçu autant d’intérêt de la critique dès sa première année, y compris dans des villes ou pays où La Nouvele Sinfonie ne s’est jamais produite. Aucun autre ensemble n’a été enregistré par Radio-Canada dès sa première année et pendant trois années consécutives. Autrement dit, La Nouvele Sinfonie s’est placée d’emblée dans la cour des grands et jusqu’ici elle a perdu la bataille du financement de ses activités par le CALQ.

En refusant toute aide à La Nouvele Sinfonie, si minime soit-elle, le CALQ a fragilisé l’avenir de l’orchestre. En effet, les deux dernières années La Nouvele Sinfonie a dû réduire sa saison à une production, perdant ainsi l’attractivité nécessaire pour intéresser plus de commanditaires privés. L’absence de soutien au niveau provincial rend également l’orchestre inéligible à tout financement au niveau fédéral l’année prochaine. Ainsi, en plus de difficultés financière sur l’année en cours, La Nouvele Sinfonie se doit de considérer la possibilité de mettre la clé sous la porte après le concert de ce soir.

Si La Nouvele Sinfonie doit disparaître après ce concert, Hervé Niquet, son directeur artistique poursuivra sa carrière internationale, même s’il sera déçu d’avoir eu à mettre fin à un rêve qu’il partageait avec un grand nombre de musiciens montréalais, dont beaucoup de la nouvelle génération. Mais, cette disparition en douceur, ne saurait en aucun cas occulter les failles majeures du système de financement de la musique au Québec mises à jour par ce projet.

(*) François Tousignant, Le Devoir, 15 septembre 2003.

Octobre 2004 - Michael Nafi

mwnafi@wanadoo.fr

Michael Nafi

est le directeur administratif bénévole de la Nouvele Sinfonie. Canadien, né en Algérie, il a vécu aussi bien à Toronto qu’à Montréal et réside actuellement à Paris. Il est titulaire d’une maîtrise en chimie de l’Université de Montréal et d’un doctorat en chimie de l’Université McGill. Parallèlement il a poursuivi des études de musique. Fin connaisseur de l’époque baroque, il a organisé de nombreuses tournées internationales en musique, opéra et ballet; travaillé comme coach de langues française et anglaise des 17ème et 18ème siècles dans des productions d’opéra au Canada et en France et présenté des conférences sur les arts et la pensée au 17ème siècle. Dernièrement il a été le conseiller à la réalisation d’un documentaire qui sera diffusé sur le réseau anglais de télévision de Radio-Canada au mois de décembre sur l’opéra français sous Louis XIV. Il est également consultant en communication sur des questions de gouvernance d’entreprise et prépare une maîtrise en philosophie politique, sur la sociologie du pouvoir à l’université de Paris.


> Réponse de Bernard Labadie


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