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Cecilia, patronne de la musique

Par Stéphane Villemin / le 14 octobre 2002


Mardi 1er octobre 2002, Roy Thomson Hall, Toronto

Cecilia Bartoli
Vivaldi:
Sinfonia en sol mineur, RV 157
"Gelosia" (Ottone in Villa)
"Se mai senti" (Catone in Utica)
"Anch'il mar" (Bajazet)
Concerto grosso op.3 no11
Bononcini: "Ombra mai fu" (Il Xerse)
Broschi: "Son qual nave" (Artaserse)
CPE Bach: Sinfonia no5 en si mineur, Wq 182/5
Gluck:
Sinfonia de La clemenza di Tito
"Se mai senti" (La clemenza di Tito)
"Berenice che fai" (Antigona)

Cecilia Bartoli, Mezzo-soprano
Orchestra of the Age of Enlightenment


"Mais oui, c'est elle, c'est la déesse", a-t-on envie de murmurer lorsque Cecilia Bartoli entre en scène devant un public conquis d'avance. Elle n'a pas encore chanté que les applaudissements redoublent, les acclamations fusent, sous l'effet combiné d'une renommée largement bâtie par le disque et d'un pouvoir de séduction qui diffuse le feu sacré de cette Ariel jusqu'au dernier rang du Roy Thomson Hall. Sa latinité subjugue et son magnétisme prégnant opère miraculeusement sur l'auditeur torontois qui d'ordinaire saute dans sa voiture dès le dernier accord posé.

Cette maîtresse de la sensibilité musicale a fait de la subtilité au travers de l'expression sa colonne dorique sur laquelle elle campe tous les passaggi de la pyrotechnie belcantiste. Sa coloratura n'est pas de cristal, mais plutôt de chair et de sang, voire ensoleillée et suave. Avec Horne et Gasdia, les fidèles du canto di sbalzo possèdent d'autres références en la matière. Ils objecteront même qu'en ourlant ainsi chaque son, Bartoli lui dérobe sa translucidité pour l'habiller d'affects aussi contrastés que théâtraux. De même, sa messa di voce (proéminente sur le da capo de "Son qual nave" composé pour le grand Farinelli), ne se révèle pas sous les traits d'une ampleur de volume hautement dramatique mais plutôt dans la finesse du resserrement du vibrato et dans l'enrichissement des harmoniques. Les Géronte de l'opéra ne sauraient pourtant lui reprocher ses pianissimos diaphanes, usant avec intelligence de sa voix mixte, laissant mourir ses fins de phrases dans le souffle du raffinement.

Avec son habileté pour varier les éclairages au rythme des mots et l'expression selon le texte auquel elle donne vie, Cecilia Bartoli possède un style unique dont l'idiosyncrasie fera date dans l'histoire du chant. Le "Dite, oimè", extrait de La Fida ninfa du Prêtre roux n'a eu pour effet que d'enfler l'enthousiasme de la salle lors de la série des bis. Reprenant en guise de conclusion le "Son qual nave" de Broschi, elle le mue en hymne triomphal, paré d'autres masques gardés savamment pour l'occasion. Son art n'est pas sans rappeler les recommandations de Tosi: "Le vocaliste qui ne varie pas tout ce qu'il chante, en y apportant des améliorations n'est pas un grand artiste". En terme de variations, il est regrettable que l'orchestre accompagnateur ne rende pas la pareille. Son manque de cohésion rythmique fait regretter Tafelmusik. Liliputienne est sa flamme en regard de la chanteuse.


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