LSM-ONLINE-LOGO2JPG.jpg (4855 bytes)

LSM Online Reviews / Critiques


Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]


Karita Mattila et Julia Jones à Lanaudière

Par Sarah Choukah / le 14 octobre 2002


Karita Mattila
Orchestre symphonique de Montréal
Julia Jones, direction
Karita Mattila, soprano
Samedi 27 juillet, Amphithéâtre de Lanaudière

Programme :
Les créatures de Prométhée
, ballet op. 43(extraits), Beethoven
«Ah! Perfido», air de concert op.65, Beethoven
«Dich,teure Halle», Tannhäuser (acte II), Wagner
Im Summerwind, idylle pour grand orchestre, Webern
Danse Slave en do mineur op. 46, No 7, Dvorak
Danse slave en ré bémol majeur, op. 72, No. 4, Dvorak
«Mamicko, mám tezkou hlavu», Jenufa (Acte III), Janácek
«Uzh polnoch blizitsa», Pikovaya Dama (acte III), Tchaïkovski



Au programme, les oeuvres de Beethoven devaient le montrer sous un autre jour : encore jeune et insuffisamment aigri par la vie, nourri par une émergente esthétique des lumières qui ne le quitterait plus. C'est un compositeur qui titube entre les influences de son temps, prolifique, mais qu'on ne reconnaît pas encore dans sa splendeur. Un germe de personnalité se fait entendre cependant, souligné par les dynamiques mesurées de Julia Jones. Très sensible et douée de justesse, elle rend à la suite Les créatures de Prométhée tout ce que celle-ci était prête à offrir. Saisie dans son entièreté, elle suffit à dévoiler tout le caractère d'une maestro experte et sensée, d'une finesse très subtile qui aide grandement à souligner toute l'orchestration du maître viennois.

Le public ainsi tenu en appétit, une surprise agréable devait apparaître en Karita Mattila, parée d'une simplicité déroutante qui ne faisait qu'ajouter à son charisme reconnu. Les artifices ne tiennent pas, elle offre dans «Ah! Perfido» la démonstration d'une voix de timbre riche et sobre, presque humble à certains moments. Cette voix laisse un contrôle sur tous les plans de la vocalise, tout en permettant à la corporalité de la chanteuse, un sens dramatique inné, très organique, qui laissera dans l'émoi l'écoute des pièces à venir.

Elle excelle dans Wagner, d'une transcendance évidente qui rapproche davantage les pages dramatiques du compositeur au caractère de Karita Mattila, plus encore que celles de Beethoven qui pâlit de cette carence d'affinité.

Toujours dans ce programme germanisé, Im Simmerwind de Webern, change l'angle du prisme qui s'irisait de couleurs dramatiques. Une idylle romantique entre le compositeur et la nature se déploie sous les gestes de la chef britannique qui la rend d'un éphémère délectable. La jeunesse du compositeur, qui n'avait pas encore découvert Schoenberg, est soulignée par la poésie des cordes, vient se briser comme une vague soudaine l'atonalisme naissant dans les vents. Cette propension est soulignée fermement et contraste dans l'oeuvre, façon de retracer des origines sur lesquelles on devrait s'attarder plus souvent.

Les danses slaves n'auraient pu se passer de présence, cet intermède orchestral qui contrastait un peu dans le programme par son caractère populaire, préparait la scène aux grands airs qui suivaient. Des morceaux appréciés grâce au dynamisme de l'orchestre, sans plus.

«Mamicko, mám tezkou hlavu», de Janácek, était un présent de théâtralité. Karita Mattila ne manquait d'aucune motivation, même en l'absence de décors ou de costumes, pour donner vie au monde de Jenufa. Sa voix seule et son visage suffisent à transmettre un réalisme plus convaincant que la mise en scène coûteuse et parfois lourde des productions d'opéra. La plus grande qualité de la Finlandaise est certainement d'intégrer tout le déploiement dramatique qui lui est propre dans le filament de sa voix et de sa présence scénique.

Dernière oeuvre au programme, mais non au concert (deux rappels s'en suivront), l'air tiré de La Dame de pique maintien la complicité évidente entre la diva et la maestro perçue depuis le début du concert. L' acoustique idéale de l'amphithéâtre transmet autant le plaisir de Mattila à venir se produire sur scène que la richesse de cette voix qui a su satisfaire à toutes les attentes. Ce concert lyrique aura dévoilé un rare bouquet d'émotions qui ne tardent à se faire entendre de nouveau.


Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]

 

 

 

(c) La Scena Musicale 2001