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LSM Online Reviews / Critiques


Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]


L'opéra de quat'sous ou le théâtre d'idées qui devint pièce de musée

Par Stéphane Villemin / le 29 septembre 2002


Samedi 24 août 2002- Festival de Stratford, Ontario.

Texte de Bertolt Brecht, musique de Kurt Weill
Adaptation anglaise par Marc Blitzstein (1952)
Un chanteur de rue: Thom Allison
Jenny: Susan Gilmour
J.J. Peachum: Peter Donaldson
Mrs Peachum: Sheila McCarthy
Macheath: Tom McCamus
Polly: Diana Coatsworth
Tiger Brown: George Masswohl
Lucy Brown: Blythe Wilson
Orchestre du Festival de Stratford dirigé par Don Horsburgh.
Mise en scène: Stephen Ouimette

Lors de la création, il y a 74 ans, le tandem Brecht-Weill ne cacha pas son intention d'inscrire cette pièce dans la lignée du théâtre populaire et de l'activisme érigé contre l'indolence et les préceptes de l'art conventionnel. Avant même que "Mack the knife" ne devienne la rengaine des années 1930 et que Lenya Weill ne ravive l'héritage de son mari à travers le Broadway de l'après-guerre, L'opéra de quat'sous fut créé en premier lieu, avec le profond désir de défier l'arbitraire et la confusion d'une société au bord de l'asphyxie. Avec son titre à la Maurice Pottecher, "Musik für alle", la couverture de l'édition de 1929 véhicule les messages sulfureux et subversifs propre au théâtre d'idées. La corde au cou, Macheath, alias la République de Weimar, à moins que ce ne soit l'impérialisme américain ou l'islamisme et leurs cortèges de collusions entre l'argent et le pouvoir, ne semble pas vraiment inquiété. Levant les yeux, il arbore un sourire éclatant, tend la main à ses amis comme s'il anticipait son sauvetage in extremis par le Deus ex machina grâce auquel la chienlit se déploie selon le principe implacable de l'entropie.

L'esprit qui préside à l'interprétation du Festival de Stratford 2002 vaut surtout pour sa fidélité quasi-historique à la lettre, contribuant ainsi à peaufiner un peu plus une superbe pièce de musée dont les amateurs de cynisme ne se lasseront jamais. La mise en scène du premier acte débute pourtant sous l'angle d'une double perspective en faisant du chanteur de rue un causeur de trouble venu interagir depuis la salle avec les préparatifs du spectacle. Ce miroir dans le miroir se referme aussitôt pour laisser place à ce que l'on est en droit d'attendre de cette pièce, jouée par d'excellents acteurs souvent plus vrais que nature (tels Mr et Mrs Peachum), dans un décor londonien authentique des années 1830 et des costumes que n'aurait pas renié Charles Dickens. Le professionnalisme de l'organisation se reflète dans l'esprit de cohésion qui prévaut lorsque les acteurs chantent en choeur. "What keeps a man alive?" et "Remember if you wish to stay alive" résonnent comme d'une seule voix et s'interrompent en bloc, faisant du silence subséquent un abîme vertigineux.

Quelques pointes d'humour essaiment également la mise en scène avec notamment un ballet de doigts en gants blancs à travers les barreaux de la prison et le jeu de claquettes des clochards, chaussures à la main, pendant l'accompagnement de "It's useless". Il est pourtant regrettable que les chanteurs aient cédé à la tentation du microphone. Les volumes modérés de l'Avon Theatre et l'orchestre réduit voulu par Kurt Weill concouraient pourtant à mettre en valeur la voix humaine sans fard et sans artifice.

Somme toute, ce qui manque le plus à ce bon spectacle, c'est une dimension actuelle susceptible de pérenniser le message toujours contemporain de l'agitateur marxiste qu'était Brecht. Que devient dans ce cadre exagérément cathartique la portée du Théâtre épique et du Zeitoper?

Face au Tres de Mayo, le visiteur du Prado est-il enclin à porter un regard critique, susceptible de l'inciter à transformer le monde réel?


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