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LSM Online Reviews / Critiques


Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]


Course serrée au début des finales du concours de chant

Par Wah Keung Chan / le 7 juin 2002


[Traduction : Caroline Labonne | English Version]

Les chanteurs ont dominé lors de la séance d'ouverture des finales (le 4 juin 2002) du premier concours international de Montréal des Jeunesses Musicales. Les barytons Daesan No et Joseph Kaiser, et la basse Burak Bilgili ont pris la tête, avec comme seule déception, le charismatique baryton russe Mikhail Davydov.

Le concours se termine par une finale s'étalant sur deux soirées mettant en vedette dix chanteurs de cinq pays, suite à un marathon en demi-finales de trois jours mené par 51 chanteurs de 21 pays. Alors qu'en demi-finales, les chanteurs ont dû exécuter un programme comprenant quatre groupes tels, un air d'opéra, un air d'oratorio ou de concert, et deux groupes de mélodies, les finales avec orchestre comportent deux airs d'opéra, un air d'oratorio ou de concert, et une oeuvre canadienne imposée. À l'origine, une mélodie orchestrale devait faire partie du programme, mais de peur d'être forcés de rémunérer les musiciens de l'Orchestre Symphonique de Montréal pour les heures supplémentaires, les organisateurs optent de l'annuler. Quel dommage, puisque le résultat final manque un peu de diversité. André Bourbeau, le président du jury, a affirmé à La Scena Musicale que les points accordés lors des demi-finales ne se reflètent pas dans les notes finales. La spacieuse Salle Wilfrid-Pelletier avec ses 2800 sièges devrait favoriser les chanteurs dont la voix, suffisamment puissante, peut projeter dans ce lieu.

Les performances de la première journée des finales ont démontré que le choix du répertoire a joué un rôle important dans les résultats du concours.

Mikhail Davydov, baryton, Russie

Verdi: « Confutatis » - Requiem
Gougeon - « Alea »
Verdi - Infelice! E tuo credevi - Ernani
Mozart - Finch'han dal vino - Don Giovanni

Mikhail Davydov
Photo:
Marc-André Brouillard
Le programme que Davydov a choisi pour sa dernière prestance a été décevant. Malgré que Davydov ait captivé l'auditoire durant les demi-finales par son interprétation de deux oeuvres de Tchaïkovsky, il n'a put se prouver à la hauteur des oeuvres de Verdi sélectionnées pour la finale. Tout au long du concours, la plupart des chanteurs ont donné une meilleure performance dans leur langue maternelle; ainsi, Davydov aurait mieux fait d'inclure un air russe dans son répertoire. L'interprète russe aurait pu faire un meilleur choix que celui de l'air de basse du Requiem de Verdi qui requiert une tessiture trop basse pour le registre de la voix de Davydov. La technique russe de Davydov ne lui a pas permis, tel qu'anticipé lors des demi-finales, de projeter sa voix dans la vaste Salle Wilfrid-Pelletier; sa voix reste distante et manque de résonance. L'interprète a démontré son manque d'expérience; ainsi, devant l'orchestre, ses jambes écartées et le haut du corps raide, il n'a pu exprimer tout son charisme qui a tant plu à l'auditoire durant les demi-finales. Il a, par contre, chanté l'air de Don Giovanni avec un certain enthousiasme.

V : 80, P : 85

Daesan No, baryton, Corée du Sud

Giordano - « Nemico della patria » - Andrea Chénier
Wagner - « O! Du mein holder Abendstern » - Tannhäuser
Mendelssohn - « Es ist genug » - Elijah
Gougeon - « Alea »

Daesan No
Photo:
Marc-André Brouillard
On a immédiatement remarqué que la voix du baryton No s'élevait aisément au-dessus de l'orchestre. La riche sonorité de sa voix, malgré qu'elle fût un peu granuleuse, a donné à No une allure majestueuse sur scène. Son italien était très bon, et son style convaincant. La foule a applaudi avec éclat.

Durant l'ode de Wagner, No a chanté avec un bon legato, de fines nuances et un concept intelligent de la caractérisation. Seule une fausse note au milieu de la pièce a apporté un petit bémol à son chant; il a, par contre, poursuivi avec une main de maître, sa lecture du « Es is genug » tiré d'Elijah.

V : 95, P : 95

Se-Jin Lee, soprano, Corée du Sud

Se-Jin Lee
Photo:
Marc-André Brouillard
Bach: « Wie freudig ist mein Herz » Cantate BWV 199
Mozart: « Ach, ich fühl's » Die Zauberflöte
Bizet: « Comme autrefois dans la nuit sombre » Les Pêcheurs de perles
Gougeon: « Alea »

Après avoir chanté un Caro Nome extraordinaire, Lee a malheureusement délaissé totalement le répertoire italien; ceci s'avérant une grosse erreur car l'italien s'accorde parfaitement à sa voix. À cause de l'effort marqué de Lee durant son interprétation du Bach, on peut dire que l'allemand n'est pas en harmonie avec sa voix. Lee a néanmoins bien rendu le Bach. Elle a grandement touché les spectateurs avec son interprétation du Ach, ich fühl grâce à son impeccable technique. L'air de Bizet, passablement ennuyeux, s'est toutefois terminé sur un joli vibrato. Sa tendance à rejeter la tête vers l'arrière est peut-être la cause d'une certaine perte dans l'ampleur de sa voix.

V : 93, P : 90

Joseph Kaiser, baryton, Canada

Rossini: « Largo al factotum » Il Barbiere di Siviglia
Schumann: « Hier ist die Aussicht frei » Szenen aus Goethes Faust
Gougeon: « Alea »
Britten: « Look! Through the port comes the moon-shine astray » Billy Budd

Joseph Kaiser
Photo:
Marc-André Brouillard
Durant les demi-finales, le baryton canadien Joseph Kaiser a probablement été le musicien le plus touchant de tous. Kaiser, qui a chanté après un court intermède, a électrisé le public avec une performance convaincante du « Largo al factotum » tiré du Barbier de Séville de Rossini. Le baryton a facilement projeté sa voix dans la vaste salle. Son aisance à déployer les hautes octaves pourrait, sans peine, faire de Kaiser un ténor. Le baryton de 24 ans a chanté avec bonne humeur l'oratorio de Schumann; toutefois, j'ai trouvé curieuse l'inclusion de cette pièce dans son répertoire à cause de son manque d'intérêt musical. Kaiser a terminé son programme avec une émouvante interprétation de la scène de Britten tiré de Billy Budd, y injectant une sombre atmosphère au soliloque. La voix du chanteur a quelque peu perdu de sa puissance lors la deuxième moitié de la scène « I had to strike down that Jimmy Legs »; le chef d'orchestre Stefan Lano n'est pas intervenu pour réduire l'intensité sonore de l'orchestre.

V : 92, P : 95

Burak Bilgili, basse, Turquie

Burak Bilgili
Photo:
Marc-André Brouillard
Rossini: « La calunnia » Il Barbiere di Siviglia
Gougeon: « Alea »
Rossini: « Pro peccatis » Stabat Mater
Bizet: « Quand la flamme de l'amour » La Jolie Fille de Perth

La basse turque Burak Bilgili a fait entendre la voix la plus imposante de la soirée, se hissant au premier rang avec son exécution diabolique de « La calunnia » tirée du Barbier de Séville de Rossini. Sur le même pied d'égalité, on retrouve sa spectaculaire interprétation de l'oratorio du Stabat Mater de Rossini. Biligili projette sa voix chaude avec aisance et, en se hissant sur la pointe des pieds, il réussit facilement les hautes octaves. La soirée s'est terminée avec la présentation à gorge déployée d'un air rarement joué de Bizet, La Jolie Fille de Perth.

V : 95, P : 96

L'Alea de Gougeon

L'oeuvre imposée inédite Alea (The die) du compositeur canadien Denis Gougeon comprend deux parties liées sans interruptions et bâties sur deux phrasés latins. L'ouverture met à l'épreuve le legato et l'amplitude de la voix du chanteur tandis que la deuxième partie mesure son agilité vocale. Seuls Davydov et Kaiser ont chanté cette pièce de mémoire. Le russe a interprété cette oeuvre, en première mondiale, sans grande émotion et en ne laissant que peu d'effets sur l'auditoire. Par contre, No a apporté une grande noblesse à la pièce, tandis que Lee l'a chantée avec la plus grande justesse, démontrant ainsi que cette oeuvre devrait être mieux interprétée par une voix soprano, pour laquelle elle a été originalement composée. Kaiser et Bilgili ont tous deux insufflés de la passion dans leur performance, malgré que ce premier ait été gêné par le choix d'un ton trop bas.

Le concours se termine ce soir avec cinq participants additionnels, dont quatre sopranos et un ténor. Faites particulièrement attention aux canadiens Measha Brueggergosman et Mélanie Boisvert, et le ténor américain John Matz. Le concert débute à 19 h 30 à la Salle Wilfrid-Pelletier et sera radio-diffusé en direct mondialement sur la chaîne CBC Radio-Two et sur la chaîne culturelle de Radio-Canada, ainsi que sur l'émission web de Radio-Canada. Visitez le site web http://voicejm.scena.org pour plus de détails.


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