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Tafelmusik connaît ses classiques

Par Stéphane Villemin / le 26 avril 2002

Jeudi 21 février 2002, Trinity-St Paul's Centre, Toronto
Haydn: Symphonie No 26 "Lamentations"
Mozart: Misericordias Domini, Sancta Maria mater Dei, Venite Populi, Ave verum corpus, Adagio et fugue en do mineur, Vespere solennes de confessore
Dominique Labelle, soprano; Laura Pudwell, mezzo-soprano; Davis Arnot, tenor; Dennis Zimmer, baryton; Choeur et orchestre Tafelmusik dirigés par Sigiswald Kuijken.

Samedi 2 mars 2002, George Weston Recital Hall, Toronto
Concertos pour clavecin BWV 1052, deux clavecins BWV 1060 et 1062, trois clavecins BWV 1064 et quatre clavecins BWV 1065
Marie Bouchard, Olivier Fortin, Charlotte Nediger, Réjean Poirier, clavecins.
Solistes de l'orchestre Tafelmusik avec Jeanne Lamon.

Le premier concert, presque totalement dévolu à Mozart, débutait avec l'exercice de style en forme de test que constitue toujours une symphonie de Haydn. Le moins que l'on puisse dire est que les musiciens de Tafelmusik réussirent plutôt bien cette épreuve menée pourtant sur les chemins de la difficulté par Sigiswald Kuijken. Animé par cette rigueur analytique dont il aime se faire le héraut, le chef d'orchestre et violoniste belge imposa à chaque mouvement de la symphonie des tempos retenus plus prompts à exposer la micro-anatomie de l'oeuvre qu'à l'envelopper dans un seul et même souffle. Le programme de musique chorale mozartienne qui suivait, entrecoupé d'un Adagio et fugue K546 recueilli à défaut d'être magnanime, révélait le même manque de générosité essentiellement de la part du choeur, plus soucieux de chanter en même temps que de livrer une interprétation animée par une vision d'ensemble. La musique de l'Ave verum corpus prenait heureusement le dessus de cette rhétorique figée et forçait le choeur à plus d'expression et de naturel.

Les concertos pour deux, trois, quatre clavecins de Bach présentent l'avantage, en plus de leur aspect démonstratif, de mettre en relief les possibilités de gradation de nuances et d'enrichissements réciproques offerts par ces assemblages solistes. Le programme de Tafelmusik permettait en outre de comparer avec un concerto pour clavecin solo, le BWV 1052 en do mineur. Après que l'oreille se fût accomodée au volume sonore (malgré son excellente acoustique, le George Weston Hall s'avère la plus grande salle que ce type de formation puisse se permettre), Charlotte Nediger martela les trois mouvements de cette pièce avec une détermination incandescente, incitant même l'orchestre à accélérer le tempo dans l'Allegro initial. La descente chromatique vertigineuse qui conclut la coda du premier mouvement forçait l'admiration. Le choix des concertos pour deux clavecins évinçait malheureusement le seul que Bach composa originellement pour cette formation, le BWV 1061 en do majeur. Le premier inscrit au concert, le BWV 1060 (arrangement d'un concerto pour violon et hautbois d'amour) pêcha par une articulation trop métronomique de la part de Charlotte Nediger et d'Olivier Fortin. En revanche, Réjean Poirier et Marie Bouchard démontraient, avec le concerto BWV 1062 (arrangement du concerto pour deux violons en ré mineur), que le clavecin ne se réduit pas à une mécanique de boîte à musique. La sensibilité injectée à chacun des trois mouvements aurait convaincu les pires détracteurs de l'instrument. Malgré un premier mouvement peu probant, généré par un manque de fusion avéré entre les solistes, le concerto pour trois clavecins ne prit son rythme de croisière qu'avec l'Adagio central, devenu presque un Andante pour l'occasion. Réjean Poirier, Olivier Fortin et Marie Bouchard concluaient brillamment l'Allegro final, en réussissant l'équilibre entre les individualités et les ensembles. Le concerto pour quatre clavecins rassemblait chacune des quatre personnalités entendues précédemment en les absorbant un peu comme la réexposition d'un thème après un cycle de variations. Plus que tous les autres, celui-ci posait le problème de l'accompagnement orchestral. Le quintette des solistes de Tafelmusik, excellent comme à l'accoutumée, manquait toutefois d'assise sonore pour donner la réplique et soutenir les solistes. Plus que le nombre d'instruments, c'est la grandeur de la salle qui était en question. Son acoustique eût volontiers apprécié le doublement des pupitres.


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