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LSM Online Reviews / Critiques

 

Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]


Erwartung, Le Château et Lepage

Par Stéphane Villemin / le 3 octobre 2001

Mardi 25 septembre 2001, Hummingbird Centre, Toronto

Bartok : Le Château de Barbe-Bleue
Barbe-Bleue : Peter Fried
Judith : Sara Fulgoni

Schönberg : Erwartung
La Femme : Nina Warren
Orchestre de la Canadian Opera Company dirigé par Bernhard Kontarsky
Mise en scène : Robert Lepage

Barbe-Bleu
En nous renvoyant à la tragique actualité d'un siècle qui vient de se terminer le 11 septembre dernier, ces deux chefs-d'oeuvre crépusculaires que sont le Château de Barbe-Bleue et Erwartung concluent une histoire qui, commencée en 1914, laisse une porte ouverte sur un avenir aussi tendu qu'incertain. Composés avant la Grande Guerre, ils reflétaient l'un et l'autre l'instabilité d'un monde chancelant qui inspira au domaine des arts plusieurs cauchemards prémonitoires. Que ce soit en peinture avec Kandinsky et les Blaue Reiter, en littérature avec Wedekind et Trakle ou en musique avec Schönberg et Bartok, c'est toute la Mittel Europa qui semblait retenir son souffle dans une atmosphère devenue irrespirable.

Bien que considérés désormais comme des classiques de l'opéra contemporain, ces deux contes oniriques des temps modernes s'inscrivent à nouveau dans une actualité cinglante, marquée par les récents événements qui viennent de toucher les États-Unis. Avec cette perspective nouvelle, la double reprise torontoise se révéla sous un relief saillant que les précédentes représentations de 1993 et 1995 ne pouvaient appréhender.

Sans concession, la direction précise et analytique de Kontarsky assura la cohésion entre l'orchestre et les chanteurs, démontrant une maîtrise calculée des deux opéras. Il est le type même du chef qui a la partition dans la tête, et pas la tête dans la partition. L'orchestre de la COC répondit à merveille, et plus particulièrement les pupitres des vents, sollicités à en devenir proéminents.

Peter Fried dans Barbe-Bleue et Sara Fulgoni dans Judith furent aussi crédibles vocalement que théatralement, même si une basse plus sombre (à la Samuel Ramey) eût accentué le dualisme manichéen qui s'opère entre les deux personnages. L'émotion de Sara Fulgoni, suite à l'ouverture successive des sept boîtes de Pandore, se reflétait dans la couleur de sa voix dont les aigus vibraient au diapason d'un processus inéluctable. En revanche, la voix de Nina Warren dans Erwartung manquait singulièrement d'assise. Trop verte et trop sèche, son interprétation semblait voguer de Charybde en Scylla sans aucune ligne conductrice.

Reste la mise en scène de Robert Lepage dont tout a déjà été dit. L'inventivité de ce prolifique Québécois ne pouvait mieux répondre à ces mondes virtuels imaginés par Bartok et Schönberg. En maître du second degré, il suggère plus qu'il ne montre. Les symboles foisonnent dans le Château dont la lecture kafkaïenne dépasse les versions tragico-initiatiques de la plupart de ses collègues. En inversant les plans horizontaux et verticaux dans Erwartung, Lepage souligne l'ambiguité spatio-temporelle de cet opéra psychanalitique ne connaissant pas de frontière entre le rêve et la réalité.

Ce metteur en scène ingénieux qui semble réussir tout ce qu'il touche fut pourtant sifflé à l'Opéra Bastille en juin dernier pour la Damnation de Faust. Mais attention aux interprétations hatives. D'une part le grand Béjart subit le même sort dans la même pièce. D'autre part, créer son petit scandale est plutôt de bonne augure quant à une reconnaissance future dans la capitale aux cinq opéras. Cocteau le savait déjà, et tant d'autres ...


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