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Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]
Billy Budd de Benjamin Britten Captain Vere: Nigel Robson Billy Budd: Russell Braun John Claggart: Jeffrey Wells Mr Redburn: David Evitts Mr Flint: Lester Lynch Ratcliffe: Alain Coulombe Red Wishers: John Kriter Donald: Andrew Tees Dansker: William Fleck Novice: David Pomeroy Squeak: Benoit Boutet Bosun: Steven Horst Choeurs et Orchestre de la Compagnie de l'Opéra du Canada, Richard Bradshaw. Coproduction de l'Opéra National du Pays de Galles et de l'Opéra Australien. Mise en scène: Neil Armfield.
Alors que le ténor canadien Ben Heppner excelle à l'Opéra Bastille dans le rôle de Peter Grimes, l'Opéra du Canada nous a gratifiés d'une interprétation très touchante de Billy Budd du même Benjamin Britten. "J'adore Britten et je me sens toujours prêt à diriger ses oeuvres" affirmait le chef d'orchestre anglais Richard Bradshaw lors d'un entretien pour le magazine Opera. Ce francophile, nommé récemment Chevalier de l'Ordre des Arts et Lettres, a déjà dirigé Billy Budd à Toulouse où il donnera Peter Grimes en 2002. Amsterdam lui confiera la direction de The Rape of Lucretia cet été alors que Seattle l'avait encensé lors de son interprétation de The Turn of the Screw. Le succès de ce soir, résultat de son association avec le metteur en scène australien Neil Armstrong, du choix de la distribution et du travail avec l'orchestre a permis de savourer le meilleur opéra de la saison, équilibré et réussi sur tous les plans. Les décors, aussi simples qu'efficaces, servent ingénieusement la mise en scène. L'artifice du plan mobile sur verin hydraulique dont la hauteur et l'inclinaison varient avec les scènes dessine une multitude de situations spatio-temporelles qui évoluent avec l'intensité de l'opéra. Le personnage de Billy Budd vu par Neil Armstrong rayonne par sa beauté et sa bonté sur tous les autres membres de l'équipage, y compris sur le diabolique maître d'armes Claggart dont les pulsions tracent la ligne droite entre l'Eros et le Thanatos. "Beauty", "Baby Billy", Billy Budd et Benjamin Britten apparaissent savamment fondus entre la fiction et le réel, tissés de filigranes et cousus de métaphores. Respecter le non-dit est une règle chez Britten autour de laquelle Armstrong a su composer. S'il faut chercher une Pierre de Rosette à cet opéra, c'est bien du côté du Novice révolté (le "WHY?" de David Pomeroy ciblait autant les coeurs que les oreilles) que se trame la clé de lecture. L'ambiguité entre le bien et le mal, la liberté et la servitude, l'humanisme et le loyalisme (Vere) se voit aussi déclinée dans la partition de Britten où les tonalités hésitent entre majeur et mineur, voire se dédoublent pour mieux souligner le manichéen de la tragédie. Richard Bradshaw et son orchestre ont réussi le difficile exercice qui consiste à préciser les sentiments et l'action tout en demeurant en retrait par rapport aux chanteurs. Car dans un sens, la musique de Billy Budd joue le même rôle que celle de Debussy dans Pelléas et Mélisande. Pour l'esprit, il faut plutôt aller voir du côté des mélodies de Ned Rorem. Bradshaw a évité de tomber dans le sombre et dans le lyrique, et n'a jamais dépassé la juste borne de la sensibilité à l'état pur. Le baryton canadien, Russell Braun, qui incarnait le rôle titre, était un Billy Budd de très haut niveau autant vocalement que théâtralement. Naturel et réalisme vis-à-vis de la partition et de la mise en scène étaient deux qualités également partagées par le ténor anglais Nigel Robson (Vere) et par le baryton-basse de renommée internationale, Jeffrey Wells (Claggart). Le reste de cette distribution sans femme n'a jamais démenti l'ambitieux niveau de qualité fixé par Bradshaw, du choeur d'enfants en passant par tous les seconds rôles des marins. Et puis le leitmotiv "Don't like the French" a fait à peine sourire le public torontois. L'honneur était sauf! Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]
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